Module 6: RÉINTÉGRATION DURABLE DES ENFANTS MIGRANTS ET DE LEUR FAMILLE SELON UNE APPROCHE FONDÉE SUR LES DROITS DES ENFANTS

Introduction

Principaux messages

  • Le processus complexe et pluridimensionnel de la réintégration exige d’adopter une perspective globale pour répondre aux besoins des enfants de retour et de leur famille.
  • L’approche intégrée de la réintégration est axée sur les dimensions économique, sociale et psychosociale pour répondre aux besoins des migrants de retour, des familles et des communautés dans lesquelles ils reviennent, et sur les facteurs structurels qui les régissent.
  • Une approche de la réintégration fondée sur les droits de l’enfant commence par une décision de retour prise conformément à l’intérêt supérieur de l’enfant. Les enfants qui effectuent un retour en tant que membre d’une cellule familiale doivent être traités comme des titulaires de droits à part entière auxquels s’applique à tout moment le principe de « l’intérêt supérieur ». Bien que les retours forcés ne soient jamais considérés comme étant conformes à l’intérêt supérieur de l’enfant, ils exigent néanmoins des autorités chargées de la protection de l’enfance et de la sécurité sociale qu’elles identifient et fournissent une aide à la réintégration aux enfants de retour et à leur famille dans leur communauté d’origine.
  • La réintégration durable est renforcée par une planification précédant le départ lorsque cela est possible, et par une facilitation de la coopération transfrontalière entre les autorités chargées de la protection de l’enfance, de la sécurité sociale, de l’immigration et autres.

APERÇU

En 2019, le nombre de migrants internationaux a atteint 272 millions, dont 33 millions d’enfants51. Les enfants migrants sont considérés comme vulnérables, qu’ils soient accompagnés de parents ou de personnes qui en ont la charge, non accompagnés, c’est-à-dire non pris en charge par des adultes légalement responsables d’eux, ou séparés de personnes qui en ont la charge à titre principal, sans l’être nécessairement des autres adultes52. Cette vulnérabilité peut être situationnelle, lorsqu’elle découle de la dépendance des enfants à l’égard des routes migratoires irrégulières, du transport des passeurs ou de l’exposition aux trafiquants, ou inhérente, lorsqu’elle découle du statut d’enfant53. La vulnérabilité des enfants migrants, y compris les risques de violence, d’exploitation et de mauvais traitements, est accentuée quand les enfants sont non accompagnés ou séparés54.

Les motifs qui conduisent à migrer sont souvent multiples et complexes et peuvent se chevaucher. Que les enfants migrent seuls ou accompagnent simplement leur famille, la décision est prise par des adultes. Parmi ces motifs, l’on citera la volonté de fuir un conflit ou des persécutions, la quête de sécurité et de protection, ou encore la réalisation d’aspirations personnelles. Souvent, les possibilités de séjour de longue durée dans un pays de transit et d’accueil sont limitées au droit de demander l’asile, à l’accès à des voies complémentaires telles que les visas humanitaires, au regroupement familial, aux titres de séjour temporaires et à d’autres dispositifs de régularisation. Les enfants qui ne sont pas en mesure de régulariser leur séjour ou qui perdent leur statut pendant leur séjour dans un pays d’accueil sont confrontés à un risque de retour. Le retour au pays d’origine peut être facilité ou être spontané. Il est provoqué par un changement de situation dans le pays d’origine ou d’accueil, le désir de retrouver des membres de la famille, un épuisement des options viables de régularisation du séjour dans le pays d’accueil ou de destination, un retour forcé ou une mesure d’éloignement. En fin de compte, les enfants non accompagnés ou voyageant avec leur famille retournent au pays car ils ne peuvent ou ne veulent pas rester dans le pays d’accueil.

Une solution durable associant retour, intégration locale et réinstallation est fondée sur les principes directeurs de la Convention relative aux droits de l’enfant, notamment sur l’intérêt supérieur de l’enfant, le principe de non-discrimination, le droit à la survie et au développement, et le droit de l’enfant à être entendu eu égard à son âge et à son degré de maturité. Le retour (et la réintégration) constitue l’une des solutions durables possible pour les enfants migrants. Le présent module porte spécifiquement sur cette solution durable, sans s’intéresser à l’intégration locale et la réinstallation.

Les enfants ne devraient jamais revenir dans un environnement susceptible de leur causer des dommages ou de mettre leur vie en danger, car ceci constituerait une violation du principe de non-refoulement. Pour garantir l’intérêt supérieur et le bien-être de l’enfant, y compris son évolution vers l’âge adulte, dans un environnement qui promeut ses droits, le processus de retour doit s’accompagner d’une aide à la réintégration durable. L’Organisation internationale pour les migrations (OIM) définit la réintégration comme le processus de réinclusion ou de réincorporation des migrants dans leur société après un retour (voir l’annexe 10 pour une liste de termes clés et des définitions).

Par ailleurs, l’OIM est consciente que le processus complexe de réintégration exige une réponse globale et fondée sur les droits aux niveaux individuel, communautaire et structurel, ainsi que l’établissement de partenariats solides avec des parties prenantes clés. Cette approche écologique reconnaît l’importance de la famille et de la communauté, ainsi que des lois, politiques et cadres qui les régissent. La réintégration durable commence avant le départ du pays d’accueil, en veillant à ce que les dispositions voulues soient prises en matière d’accueil et de prise en charge dans le pays d’origine avant le retour de l’enfant.

CHAMP D’APPLICATION

Le présent module porte sur la réintégration des enfants de retour et de leur famille. Il est le fruit d’un effort collaboratif entre l’OIM et le Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF) et s’appuie sur un examen de la littérature spécialisée et une consultation avec des spécialistes de la protection de l’enfance, du développement et de la réintégration. Dans le cadre du processus d’élaboration, des visites de terrain ont été effectuées en Amérique centrale et en Afrique de l’Est et de l’Ouest dans le but de compléter les études de cas et de rassembler des exemples pratiques. Ce module est pensé comme un outil pratique sur la manière d’intégrer et de promouvoir des pratiques de réintégration appropriées pour les enfants de retour. Il est axé sur le renforcement des systèmes de protection de l’enfance et de sécurité sociale, sur la gestion des dossiers visant à faciliter l’orientation vers les services d’éducation, de protection sociale, de soins de santé, d’accès à la justice et autres services appropriés, et recommande d’accorder la priorité aux ressources et pratiques communautaires et familiales.

Le présent module cible diverses parties prenantes intervenant dans la fourniture d’un soutien en matière de réintégration à différents niveaux et différentes étapes, notamment les acteurs de la protection de l’enfance, les autorités chargées de la migration, les fournisseurs de services locaux et les partenaires de développement, entre autres. Il couvre divers groupes d’enfants de retour, y compris les enfants non accompagnés et séparés retournant auprès de leur famille, de leur tuteur légal ou des personnes qui en ont la charge, ainsi que les enfants retournant dans leur pays d’origine avec les membres de leur famille. Il intègre de bout en bout les aspects relatifs à l’âge et au sexe.

Étant donné que les retours forcés sont rarement considérés comme respectueux de l’intérêt supérieur de l’enfant, le présent module traite plus particulièrement de l’aide au retour volontaire et à la réintégration des enfants et des familles conforme à l’intérêt supérieur de l’enfant, en préconisant la fourniture d’une assistance tout au long du processus55. Néanmoins, il est admis que le retour et la réintégration des enfants migrants peuvent s’inscrire dans une variété de contextes et de circonstances, y compris le retour forcé ou spontané sans aide ou avec une aide minimale à n’importe quel moment du processus de retour. Le présent module propose des lignes directrices pouvant également éclairer l’aide à la réintégration pour les enfants et les familles retournant dans leur pays d’origine dans ces conditions.

Ce module emprunte des exemples concrets à une série de cas de réintégration, d’intégration sociale, de développement communautaire et d’autres contextes partageant une dynamique commune en ce qui concerne le processus de réintégration. Tous les exemples et toutes les lignes directrices visent à proposer des suggestions pour résoudre les problèmes, à travailler à partir des ressources disponibles et à encourager la réflexion créatrice dans le but de trouver des solutions à l’appui des enfants de retour et de leur famille. Le présent module n’a pas de visée prescriptive mais devrait plutôt être utilisé de façon souple, en fonction du contexte, des ressources disponibles, ainsi que des profils et besoins spécifiques des enfants de retour et de leur famille.

STRUCTURE DU MODULE

Le présent module suit la structure du manuel, afin de présenter des approches de l’aide à la réintégration fondées sur les droits de l’enfant et soucieuses des besoins de l’enfant dans le cadre de l’approche intégrée. Il comporte cinq chapitres couvrant les principes clés d’une approche de la réintégration intégrée, fondée sur les droits de l’enfant et soucieuse des besoins de l’enfant aux niveaux individuel, communautaire et structurel, ainsi que des indicateurs pour le suivi et l’évaluation de l’aide à la réintégration. Le public cible général se compose des administrateurs de programme et responsables de l’élaboration des programmes, des chargés de dossier, des fournisseurs de services, du personnel des gouvernements locaux et nationaux, des partenaires d’exécution, des donateurs et des chargés du suivi et de l’évaluation. Le public cible varie légèrement pour chaque chapitre et sera indiqué en conséquence.

51 Voir https://data.unicef.org/topic/child-migration-and-displacement/migration/.

52 Comité des droits de l’enfant des Nations Unies, Observation générale nº 6, Traitement des enfants non accompagnés et des enfants séparés en dehors de leur pays d’origine, p. 5 (2005).

53 OIM, Manuel sur la protection et l’aide aux migrants vulnérables à la violence, à l’exploitation et aux mauvais traitements, p. 251 (Genève, 2019).

54 OIM, Répondre aux besoins des enfants migrants (Genève, 2018).

55 Natalia Alonso Cano et Irina Todorova, Towards child-rights compliance in return and reintegration, Migration Policy Practice: Special Issue on Return and Reintegration, vol. IX, n° 1, pp. 15‑21 (janvier-mars 2019).