Cette annexe développe ce qui a été évoqué aux sections 2.1 et 2.6.1 du module 2 : elle fournit aux chargés de dossier des orientations détaillées sur les techniques à adopter lors des consultations et sur ce qu’il convient de faire et de ne pas faire. Elle peut être utilisée lors des séances de formation destinées aux chargés de dossier ou guider ces derniers lorsqu’ils se préparent à aider les migrants de retour. La section A présente les techniques de communication élémentaires à employer lors des consultations. La section B est principalement axée sur les consultations en vue de la réintégration : elle présente des techniques psychologiques appropriées pour ce type de séance. Quant à la section F, elle concerne les services d’orientation professionnelle.
Une communication efficace, des techniques de questionnement appropriées, une écoute active, un regard positif inconditionnel, un comportement d’assistance et d’observation, les obstacles à l’efficacité de la consultation. Pour que les consultations soient efficaces, le chargé de dossier doit faire preuve d’empathie, de pertinence, de sincérité et de pragmatisme, et adopter un regard positif inconditionnel. Ces concepts et leur application pratique sont décrits ci-dessous :
Empathie
Il s’agit de la capacité à se mettre à la place de l’autre, en cherchant à voir le monde comme il le voit. Adopter le point de vue de l’autre personne, sans voir les choses à travers le filtre de sa propre personnalité, permet de mieux comprendre et d’éviter d’avoir une attitude moralisatrice. Il est important de souligner que l’empathie signifie ici la capacité à ressentir quelque chose de similaire à ce que ressent une autre personne. Il ne s’agit pas de savoir exactement ce qu’elle ressent, ou comment elle se sent. Il s’agit là d’une distinction importante. Exemples d’approche empathique lors d’une séance de consultation :
- Il a dû être très difficile de vivre ces événements.
- Je peux comprendre que vous soyez en colère à cause de ce qui vous est arrivé.
- Je vois que vous avez des difficultés à parler de ce que vous avez vécu.
- [Rester silencieux pendant que la personne exprime ses sentiments ou pleure].
Figure A.1 : Éléments de l’empathie
Il ne suffit pas d’éprouver de l’empathie : il est également important de pouvoir l’exprimer.
Exemples de manières d’exprimer son empathie lors d’une séance de consultation :
- J’essaie de comprendre ce que vous ressentez. Je ne peux que l’imaginer...
- Aidez-moi à comprendre comment je peux vous aider.
- Je vois que vous envisagez certains choix.
- Je constate que vous vous battez pour trouver une solution..
- L’empathie n’est pas la compassion.. Alors que l’empathie signifie « comprendre » les sentiments d’une personne, la compassion signifie « partager » les sentiments d’une personne et prendre son parti. L’empathie est la bonne approche à adopter dans le cadre des consultations. Le jugement et la lucidité d’un chargé de dossier peuvent être altérés s’il s’identifie trop étroitement à l’histoire d’un migrant de retour. La compassion peut pousser le chargé de dossier à croire qu’il doit assumer la responsabilité des difficultés du migrant de retour et à lui faire de fausses promesses ou créer de faux espoirs.
Exemples d’approche compatissante lors d’une séance de consultation :
- Mon/ma pauvre... Votre problème est très difficile à résoudre !
- Je suis stupéfait(e)... Ce qui vous est arrivé est horrible.
- Soyez-en sûr(e) : je suis à vos côtés et je sens à quel point votre situation est difficile.
- Comme je vous plains !
- En outre, un conseiller ne doit pas être dénué d’empathie, c’est-à-dire littéralement « sans émotions », indifférent, incapable de faire preuve d’intérêt, de participation ou de motivation. Face à une approche dénuée d’empathie, l’autre personne se sent ignorée, incomprise et abandonnée.
Exemples d’ approche dénuée d’empathie lors d’une séance de consultation :
- Ce n’est pas mon problème...
- Bah... Je ne sais pas s’il est possible de trouver une solution.
- Pouvez-vous parler un peu plus vite ? J’ai une autre personne à voir.
- Allez-y... Je vous écoute... Je suis seulement en train d’écrire un e-mail...
En résumé :
L’empathie signifie accepter le point de vue de l’autre personne et s’intéresser aux répercussions de ce point de vue sur son comportement. La compassion signifie plaindre l’autre personne. L’absence d’empathie signifie ne pas se soucier beaucoup de l’autre au-delà de la pure mécanique du travail à accomplir.
Pertinence et sincérité
Cela suppose l’honnêteté du chargé de dossier, qui ne joue pas un rôle mais essaie d’être sincère envers lui-même et envers la personne de retour. En faisant preuve de pertinence, le chargé de dossier évite d’être considéré comme un expert qui regarderait le migrant de retour avec condescendance, ce qui serait risqué. La pertinence est également cruciale pour obtenir la confiance, qui est l’élément central de toute relation d’aide. Si un chargé de dossier se comporte et perçoit les choses de manière pertinente et sincère, le migrant de retour se sent à l’aise et chacun peut être franc et honnête.
Exemples d’une attitude pertinente lors d’une séance de consultation :
- Je n’ai pas de solution toute faite, mais cherchons ensemble.
- Je dois admettre qu’il est rare d’entendre une histoire comme la vôtre.
- Je suis désolé(e)... Je ne comprends pas ce que vous dites : pouvez-vous reformuler ?
- Je peux sembler distant(e), mais croyez-moi, je vous écoute attentivement.
Pragmatisme
Le pragmatisme est la capacité à communiquer des chiffres, des faits et des informations pouvant aider le migrant à avoir une compréhension plus complète de la situation. Il arrive que les migrants ne disposent pas d’informations claires sur la situation réelle et se fient à des rumeurs ou des suppositions. En faisant preuve de pragmatisme, le chargé de dossier aide le migrant à identifier la désinformation ou les lacunes en matière d’information et à avoir une vision plus réaliste de la situation. Une attitude pragmatique permet d’atténuer toute ambiguïté et aide le migrant à se concentrer sur des sujets spécifiques, ainsi que sur des solutions plus productives.
Exemples d’attitude pragmatique de la part du chargé de dossier :
- Vous avez dit que vous vouliez ouvrir une boulangerie parce que vous aimez ce travail. Mais vous avez précisé que vous n’aviez jamais travaillé dans ce domaine, n’est-ce pas ? Quelles mesures pensez-vous devoir prendre pour vous préparer à surmonter les difficultés qui se présenteront ?
- Vous dites que vous voulez un soutien financier de la part de l’organisation... Je le comprends... Avez-vous un plan
sur la façon d’utiliser l’argent ? - Le projet que vous décrivez n’est pas assez clair pour être financé : peut-on le détailler davantage ?
Une communication efficace
La communication est le processus d’échange d’informations, de pensées et d’émotions entre des personnes par différents moyens : la parole, l’écriture ou le langage corporel. La communication est efficace lorsque le contenu transmis – questions, déclarations, réponses – est reçu et compris de la manière voulue.
L’un des objectifs d’une communication efficace est donc d’aboutir à une perception et une compréhension communes.
Exemples d’interventions du chargé de dossier :
- Pensez-vous qu’à présent je dispose de toutes les informations nécessaires pour vous aider ?
- Souhaiteriez-vous ajouter quelque chose ?
- Selon vous, y a-t-il une autre question que je devrais vous poser ?
L’efficacité de la communication ne dépend pas seulement des mots utilisés. Elle implique également les
éléments suivants :
- POURQUOI ces mots sont prononcés – l’intention derrière ce qui est dit ;
- COMMENT ces mots sont prononcés – le ton de la voix, l’attitude corporelle ;
- QUAND ces mots sont prononcés – dans quel contexte et à quel moment.
Les éléments qui rendent la communication efficace dans le cadre d’une consultation sont les suivants :
Poser les bonnes questions
Pour obtenir des informations, bien démarrer la conversation et poursuivre celle-ci, il faut faire attention aux questions posées. Le fait de poser des questions ouvertes (telles que « parlez-moi de... ») aide le migrant de retour à s’exprimer et guide le dialogue, qui autrement pourrait être vague et sans orientation.
Il est bien évidemment crucial de vérifier à tout moment que les informations essentielles sont correctement comprises : cela peut se faire, par exemple, en répétant les principaux messages avec les mots qu’a employés le migrant de retour :
Exemples:
- M. Je vis avec ma famille, nous sommes sept... j’ai deux frères et deux soeurs...
- C. Vous avez dit deux frères, c’est bien ça ?
- M. Oui... deux frères... l’un a 15 ans et l’autre 17...
- C. Ah... l’un a 15 ans et l’autre 17...
- M. J’ai souffert de terribles maux de tête et j’ai fait des cauchemars quand j’étais en Europe...
- C. Des maux de tête... Depuis combien de temps en souffrez-vous ?
- M. Si je retourne dans mon pays, je serai persécuté.
- C. Quand vous dites « persécuté », que voulez-vous dire ?
- M. J’ai laissé mon petit frère derrière moi.
- C. Votre petit frère... quel âge a-t-il ?
Écoute active
Il s’agit de la capacité à être ouvert à la personne qui parle, attentif et concentré sur ce qu’elle dit. Écouter activement signifie qu’il ne suffit pas d’entendre et d’écouter : il est important de montrer à la personne de retour que ce qu’elle dit est compris. Le chargé de dossier joue un rôle actif dans le processus d’écoute. Il peut montrer son attention :
- En ayant recours à des gestes et au langage corporel comme hocher la tête et sourire ;
- En ayant recours à l’affirmation verbale comme dire « oui », « OK », « je vois » ;
- En posant des questions pertinentes par rapport à ce qu’a dit la personne de retour, pour mieux comprendre ce qu’elle a dit ;
- En paraphrasant ce que lui a dit le migrant ;
- En résumant les points les plus importants de la discussion.
Clarifier
C’est-à-dire poser des questions pour mieux comprendre ce qui a été dit. L’objectif est de réduire les malentendus et de s’assurer que l’on a bien compris les paroles prononcées. Un autre but est de rassurer l’orateur sur le fait que l’auditeur est réellement intéressé et qu’il essaie de comprendre ce qui lui est dit.
Exemples de clarification :
- M. Où est-ce que je peux trouver des trucs pour préparer la nourriture de mon bébé ?
- C. De quels « trucs » parlez-vous ?
- M. Je veux travailler... Je veux suivre une formation...
- C. Lorsque vous dites « Je veux suivre une formation », vous voulez dire une formation pour acquérir des compétences professionnelles ?
La clarification peut passer par des phrases comme celles-ci :
« Je ne suis pas sûr(e) de comprendre ce que vous dites. »
« Je ne pense pas avoir compris le principal problème. »
« Quand vous avez dit [...], que vouliez-vous dire ? »
« Pourriez-vous répéter ... ? »
Paraphraser
Cela signifie répéter ce qui a été entendu avec ses propres mots et en résumant.
Exemples de paraphrase :
M. J’ai perdu mes papiers à la gare et quand je suis allé à votre bureau, votre collègue m’a aidé à en obtenir de nouveaux.
C. Ah, bien ! Mon collègue vous a aidé à refaire faire vos papiers...
M. Je ne sais pas s’il vaut mieux rester ici ou aller dans un autre village...
C. Vous hésitez entre rester et aller vivre ailleurs, c’est ça ?
La paraphrase peut passer par des expressions comme celles-ci :
… vous dites que …
Vous voulez dire que... ?
Ai-je raison si je dis que vous...
Autrement dit...
Oh, je vois... vous voulez dire que...
Je comprends : vous voulez dire que..
Si j’ai bien compris...
Je crois que ce que vous voulez dire, c’est que...
Si je vous comprends bien...
Résumer
Résumer est un peu comme paraphraser, mais demande plus de temps et d’informations. Il s’agit notamment de donner le message clé de l’histoire et de reformuler une déclaration de façon plus courte et plus directe.
Un résumé peut être introduit par les expressions suivantes :
« Jusqu’à présent, nous avons parlé de... » ; « Laissez-moi résumer... vous m’avez dit que... »
Exemples de manières de résumer :
« Laissez-moi récapituler toutes les informations que vous m’avez communiquées... Vous avez dit que vous aviez une fille et que vous aviez du mal à vous entendre avec elle ces derniers temps... que votre mari ne vous aide pas et prend son parti... que vous vivez avec votre belle-mère dans une petite maison... C’est bien ça ? Est-ce que j’ai bien compris ? »
En ayant systématiquement recours à « l’écoute active », le chargé de dossier fait preuve de compréhension et d’empathie pour l’histoire et les émotions de la personne de retour, tout en permettant à cette dernière de garder le contrôle de sa situation personnelle et de sa réintégration.
Pour écouter de manière efficace, il faut porter un regard positif inconditionnel sur le migrant de retour et sur ce qu’il dit, et avoir un comportement attentif et observateur. Qu’est-ce que cela signifie ?
Un regard positif inconditionnel
Cela signifie éviter toute attitude de jugement envers le migrant de retour et l’accepter tel qu’il est, avec sa vision forcément subjective du monde, sans condition préalable. Cela signifie également qu’il faut témoigner un intérêt sincère et impartial au migrant, et que même si le point de vue de ce dernier diffère radicalement du sien, le chargé de dossier le respecte et l’accepte.
Comportement attentif et observateur
Cela signifie être à l’écoute, s’intéresser et se préoccuper de ce que dit le migrant et faire attention à ce qui se passe pendant l’interaction, dans le but de créer et de maintenir un environnement sûr (et pas seulement en ce qui concerne la sécurité physique).
Pour comprendre ce que signifie l’assistance et l’observation dans le cadre d’une consultation, il peut être utile de se référer au mnémonique POIRE :
P = Posture
Il faut être face à la personne de retour, en adoptant une posture qui montre son implication. Les deux parties doivent se trouver dans une position égale : le chargé de dossier peut demander au migrant de retour où il préfère s’asseoir, sur une chaise ou par terre, puis s’asseoir en conséquence. Ainsi, le migrant se sent respecté et à égalité avec le chargé de dossier.
O = Ouverture
Il est important de se demander quelle posture est culturellement appropriée et montre l’ouverture et la disponibilité. Dans certaines cultures, le fait de croiser les bras et les jambes peut être un signe d’irrespect, tandis qu’une posture ouverte peut témoigner de la disponibilité et de l’ouverture à ce que le migrant va dire.
I = Inclinaison
Une légère inclinaison du tronc vers le migrant témoigne d’un intérêt pour ce qui est dit. Néanmoins, se pencher trop en avant ou adopter cette posture trop tôt peut être intimidant. Se pencher en arrière, au contraire, peut être le signe d’un manque d’intérêt, ou d’ennui.
R = Regard
Il est important de regarder le migrant quand il parle. Il ne s’agit pas de le fixer, mais d’établir un contact visuel fréquent et doux. Néanmoins, il est très important d’être conscient des différences culturelles : dans certaines cultures, le contact visuel est inapproprié. Au début de l’entretien, il est préférable de ne pas avoir de contact visuel fréquent afin de laisser la personne s’y habituer. Il est possible d’augmenter le contact visuel au fur et à mesure pour témoigner de son intérêt.
E = Être détendu
Lors de l’entretien avec le migrant, il est important de rester naturellement détendu. Cela permet à la personne interrogée de se détendre elle-même et de se concentrer davantage sur les sujets abordés.
Obstacles à une communication efficace
L’efficacité de la communication est également facilitée par le fait de savoir ce qu’il ne faut PAS faire. Quelques exemples d’obstacles à la communication :
1. Donner des ordres, commander, faire semblant :
- Vous devez faire ce que je dis !
- Taisez-vous !
- Dites-moi tout sur...
2. Donner un avertissement ou menacer
- Si vous ne faites pas ça, vous devrez faire face à des conséquences déplaisantes...
- Vous feriez mieux de vous impliquer...
3. Juger ou critiquer
- Vous n’auriez pas dû faire cela...
- Vous auriez dû faire ça...
- Si vous aviez été plus prudent(e), vous n’auriez pas fait cette erreur...
4. Donner des conseils non sollicités (même si l’intention est utile et positive)
- Si j’étais vous, je ferais comme ça.
- Cette solution est la meilleure : choisissez-la !
5. Contester ou mettre en doute les choix du migrant :
- Vous avez vraiment fait cela ?
- Pourquoi avez-vous décidé de partir ?
Ou encore :
- Des termes trop compliqués, peu familiers ou techniques.
- Obstacles et tabous émotionnels : certains migrants peuvent avoir du mal à exprimer leurs émotions et peuvent considérer certains sujets comme complètement « interdits » ou tabous, comme la politique, la religion, les handicaps (mentaux et physiques) et toute opinion pouvant être considérée comme impopulaire.
- La distraction, le manque d’attention ou d’intérêt.
- Les différences de perception et de point de vue.
- Les handicaps physiques tels que les problèmes auditifs ou les difficultés d’élocution.
- Les obstacles physiques à la communication non verbale : le fait de ne pas pouvoir voir les gestes, la posture et le langage corporel en général peut rendre la communication moins efficace.
- Les différences linguistiques et la difficulté à comprendre les accents peu familiers.
- Les attentes et les préjugés, qui peuvent conduire à de fausses hypothèses ou à des stéréotypes. Les gens entendent souvent ce qu’ils s’attendent à entendre plutôt que ce qui est réellement dit et tirent hâtivement des conclusions erronées.
- Les différences culturelles. Les normes relatives aux interactions sociales varient considérablement selon les cultures, tout comme la manière d’exprimer les émotions. Par exemple, le concept d’espace personnel varie selon les cultures et les différents milieux sociaux.
TECHNIQUES ET CONSEILS EN MATIÈRE DE COMMUNICATION NON VERBALE
Le langage corporel. Souvent, il est possible de remarquer les changements d’expression sur le visage d’une autre personne. Ainsi, le migrant de retour peut voir les expressions du visage du chargé de dossier et observer les tensions dans son langage corporel. Cela peut être un signe de réaction positive ou négative. Le chargé de dossier doit être conscient que son corps est une source de communication non verbale.
Le silence est une autre technique non verbale fondamentale à mettre en oeuvre lors de la consultation avec la personne de retour.
Le silence donne au migrant l’occasion de réfléchir. Il offre un espace de réflexion mais doit toujours être actif et s’accompagner de marques d’intérêt. Du côté du migrant, cela peut parfois être un signe d’embarras ou de ressentiment. Le silence met la plupart des gens mal à l’aise : ils ont tendance à s’accrocher à la première chose qui leur vient à l’esprit, qui est généralement sans rapport avec le sujet. Cette situation doit être évitée. Il faut marquer des pauses, même au début de l’entretien, avant que la personne de retour n’ait parlé. Si elle s’arrête de parler, mais que le chargé de dossier estime qu’elle n’a pas vraiment fini, il est important d’accepter le silence. Le migrant peut être en train de réfléchir à quelque chose d’important. Au bout d’un certain temps, le chargé de dossier peut dire quelque chose comme « vous avez l’air de beaucoup réfléchir », afin de montrer à son interlocuteur qu’il est avec lui, ce qui peut faciliter le dialogue.
Le chargé de dossier ne doit pas oublier de faire preuve de présence au cours du dialogue en réagissant de façon positive mais non verbale. L’expression du visage est un indicateur clair des pensées et de l’humeur. Il est important d’être conscient de son langage corporel. Le fait de lever les yeux au ciel, les épaules affaissées, la nervosité excessive ou la sévérité du visage sont autant de signes de détachement de la conversation. Il est judicieux de regarder la personne qui parle, de sourire et d’écouter avec intérêt.
L’adjectif « psychosocial » définit l’interrelation entre « l’esprit » et « la société ». Dans le domaine de la migration, cela couvre trois facteurs sous-jacents et interconnectés : les aspects biopsychologiques, socioéconomiques ou sociorelationnels et culturels-anthropologiques.
Ces trois facteurs sont d’égale importance, interdépendants, et s’influencent mutuellement.
Le facteur sociorelationnel ou socioéconomique se compose de deux aspects complémentaires : le sociorelationnel concerne la qualité des relations – famille, amis, collègues, pairs, étrangers, ennemis, et autres. L’aspect socioéconomique concerne la disponibilité des ressources (telles que, par exemple, le système de soins de santé et les technologies de l’information) et l’accès à celles-ci. Ce facteur concerne les interactions et les interdépendances entre l’individu et le groupe.
Le facteur biopsychologique englobe tous les facteurs biologiques et psychologiques qui caractérisent l’être humain : comportement, santé, pensées, émotions, sentiments. Il fait également référence à l’interconnexion entre le corps et l’esprit et à l’influence mutuelle de la biologie sur le fonctionnement psychologique et les processus mentaux. Les émotions, les sentiments, la santé physique et mentale, les vulnérabilités physiques et psychologiques, le stress et les réactions dues au stress, les mécanismes d’adaptation, la résilience, etc., relèvent de ce facteur.
The culturel-anthropologique englobe la culture et l’anthropologie. La « culture » est définie comme un système de croyances, de valeurs, de coutumes, de comportements et d’artefacts communs que les membres d’une société utilisent pour interagir avec leur monde et les uns avec les autres, et qui sont transmis par apprentissage de génération en génération84 L’anthropologie, complémentaire de la culture, traite des origines, du développement et de l’histoire des êtres humains. Elle étudie les similitudes et les différences au sein des sociétés et entre elles, les croyances et comportements des groupes, y compris les rituels et les traditions liés à des cultures spécifiques. Ces deux éléments sont intériorisés à des degrés divers par les individus. En résumé, le facteur culturel-anthropologique prend en compte les différences culturelles entre les individus, la manière dont les cultures se forment et la façon dont les expériences et les interactions humaines façonnent le monde.
Ces trois facteurs s’influencent mutuellement et, d’un point de vue psychosocial, il est possible d’analyser et de comprendre correctement chaque aspect du phénomène migratoire en considérant leurs implications mutuelles. Il est possible d’analyser tout événement humain du point de vue de chaque facteur : il est important d’être conscient du fait que toute perspective est influencée par les deux autres facteurs.
Comment le retour influence l’interrelation des facteurs psychosociaux
Le paradigme présenté ci-dessus permet d’illustrer la complexité psychosociale d’une migration de retour, facteur par facteur et dans l’interrelation entre les facteurs, en particulier lorsque le projet de migration n’a pas abouti au résultat souhaité. Au niveau individuel, si l’on se réfère au modèle psychosocial, les principales réactions sont les suivantes :
Au niveau biophysique
-
Fatigue, épuisement, traumatisme physique
Les migrants peuvent être exposés à la violence, à la torture, à la détention, à des conditions de travail abusives qui peuvent entraîner différents traumatismes et un état général d’épuisement, exacerbé par les réactions dues au stress. -
Maladies infectieuses et non transmissibles
Les migrants de retour peuvent avoir été victimes de violences sexuelles et sexistes, avoir été exposés à différentes maladies contagieuses et avoir eu un accès limité aux services de santé. -
Handicaps
Les migrants qui ont été victimes de violence, de torture et de mauvais traitements peuvent souffrir de handicaps physiques et cognitifs, ce qui affecte considérablement leur vie quotidienne. -
Dépendance
Pour faire face aux difficultés de la migration, certains migrants peuvent devenir dépendants à l’alcool ou aux drogues.
Au niveau psychologique
-
Honte
La honte est principalement liée à l’échec perçu du projet de migration. Le migrant est persuadé d’être revenu « les mains vides » et d’avoir perdu la face. Dans d’autres cas, la honte peut être due à des événements traumatisants qui se sont produits lors du processus de migration, comme la violence, les mauvais traitements, la torture, la détention. -
Culpabilité
Le migrant peut se sentir coupable parce qu’il n’a pas pu faire bon usage de l’investissement économique, psychologique et social que sa famille, ses amis et sa communauté avaient engagé pour lui permettre de partir. Cette situation peut être aggravée par le fait d’avoir perdu des amis ou des parents à son retour ou pendant le temps passé à l’étranger. -
Anxiété
La migration de retour elle-même est une source d’anxiété, étant donné le caractère hautement imprévisible de l’avenir. -
Frustration
Elle est causée par l’impression d’avoir été rejeté, mais aussi d’avoir eu des difficultés à trouver un emploi, à créer des moyens de subsistance, à être accepté par la communauté.
-
Tristesse
La tristesse peut venir de l’échec du projet de migration, du rejet vécu dans le pays d’accueil ou même au sein de sa communauté d’origine, de la perte de partenaires de vie ou de sa propre identité. -
Désorientation
Pendant son séjour à l’étranger, le migrant a changé, tout comme son pays d’origine. Il se sent désorienté à son retour, ce qui entrave son adaptation. -
Sentiment d’infériorité
Le migrant peut se sentir inférieur à ceux qui sont restés au pays. -
Sentiment d’être responsable de ses échecs
La personne de retour a échoué dans ses projets de migration et peut s’en vouloir pour cet échec. -
Instabilité émotionnelle
Elle se traduit par des hauts et des bas : même un petit succès peut faire que le migrant se sente bien, mais un petit revers peut lui donner le sentiment de ne pas être compris et de se sentir seul. -
Impression d’avoir perdu son identité
Cela est lié à la crise d’identité. À son retour, le migrant a le sentiment que l’identité personnelle et sociale qu’il a acquise à l’étranger n’est pas forcément reconnue dans son pays d’origine, tandis que son ancienne identité peut être perdue dans une certaine mesure. -
Sentiments de désespoir et d’impuissance
Ces sentiments sont liés à une perte de confiance en sa capacité à gérer les événements, ainsi qu’à la conviction que rien de positif ne pourra arriver. Par conséquent, les migrants de retour peuvent ne pas être en mesure de mobiliser leur énergie et de prendre des initiatives. -
Peur
Les migrants de retour peuvent se sentir en danger en permanence, que la menace soit réelle ou non. Cela peut être le résultat d’événements traumatisants, tels que la violence, la torture ou la détention. -
Colère
Les sentiments de colère peuvent être dirigés contre soi-même, contre le pays d’accueil, contre les acteurs et agents chargés de faciliter le retour, contre les parents et amis, en réaction au stress ou au sentiment d’avoir été rejeté ou d’être victime d’une injustice. -
Solitude
Il s’agit d’un sentiment courant, principalement lié à l’impression de ne pas être compris par sa famille, ses amis et sa communauté à son retour. Le migrant s’est probablement aussi senti seul pendant le temps passé à l’étranger. -
Faible estime de soi et manque de confiance en soi
Le migrant peut avoir une opinion négative de lui-même parce que nombre de ses attentes n’ont pas été satisfaites, et parce que la peur de connaître un nouvel échec en essayant de se réintégrer dans son pays d’origine lui donne le sentiment de ne pas être valorisé. Il peut avoir l’impression que tout nouveau projet de vie est voué à l’échec. -
Concentration sur le passé ou l’avenir plutôt que sur le présent
Aux yeux du migrant, le présent représente des difficultés et parfois une menace. Il peut se concentrer davantage sur le passé, soit parce qu’il ne parvient pas à dépasser les expériences et événements négatifs vécus, soit parce que le passé est d’une certaine manière plus gérable que les événements présents. Le migrant peut aussi se concentrer sur l’avenir pour s’évader d’un présent difficile.
Au niveau sociorelationnel
-
Risque de stigmatisation sociale
La décision de retourner dans son pays peut être stigmatisée par la famille et la communauté dans le pays d’origine. Toutefois, cela peut ne pas être le cas lorsque le migrant revient volontairement pour investir ce qu’il a acquis et gagné à l’étranger. -
Être perçu comme un raté
Le migrant est perçu ou peut avoir le sentiment d’être perçu comme un raté dans la mesure où il n’a pas répondu aux attentes de sa famille, de ses amis, des membres de sa communauté qui l’admiraient et ont investi de l’argent, de l’espoir et d’autres ressources matérielles et immatérielles pendant son séjour à l’étranger. -
Être perçu comme un problème ou un fardeau
Le migrant peut être considéré comme une bouche à nourrir, surtout dans le cas d’un retour immédiat en raison d’un manque initial de moyens de subsistance. En particulier, si la personne de retour a un problème de santé, le coût des soins et des soignants représente une charge supplémentaire. -
Difficultés à se réintégrer dans sa famille
Les membres de la famille peuvent avoir investi des ressources matérielles et immatérielles dans le projet de migration de leur parent et, au retour de ce dernier, peuvent avoir des difficultés à l’accueillir. -
Isolement et sentiment de ne pas être compris
Le retrait social est une réaction courante pour la personne qui retourne chez elle et qui pense que sa situation actuelle (et peut-être même la décision initiale de partir) n’est pas ou ne sera pas comprise. C’est encore plus vrai pour les migrants qui ont été contraints au retour. En outre, il est important de noter que certains migrants ne veulent pas entrer en contact avec leur communauté d’origine, ni même l’informer de leur retour. L’isolement est un facteur majeur de dépression et peut déclencher un cercle vicieux où le migrant ne reçoit aucun soutien parce qu’il reste éloigné de toute aide possible. -
Manque de confiance
La peur de ne pas être accepté et compris peut causer un manque de confiance envers sa famille, ses amis et sa communauté. Le migrant peut penser que personne n’est prêt à soutenir sa réintégration et se fie très probablement à des rumeurs et des suppositions.
Au niveau socioéconomique
-
Pauvreté et problèmes financiers
Le migrant revient souvent « les mains vides » d’un point de vue financier. Il peut avoir des dettes à rembourser et une famille à entretenir. -
Difficulté à trouver un emploi
La situation économique du pays d’origine peut réduire les possibilités de trouver un emploi ou de créer une activité génératrice de revenus, ce qui a pu être la raison même du départ. -
Dettes
Le migrant peut revenir avec un fardeau de dettes qu’il n’est pas en mesure de rembourser, envers des parents, des amis ou d’autres membres de sa communauté.
Au niveau culturel-anthropologique
-
Appartenance culturelle
La remise en cause de l’appartenance culturelle dépend de la durée du séjour à l’étranger. Le migrant est passé par un processus d’assimilation dans le pays d’accueil, d’apprentissage des us, rituels et traditions. À son retour, il peut avoir des difficultés à se considérer comme appartenant à un pays et à une communauté qui peuvent avoir changé ou qu’il perçoit comme ayant changé. -
Changements dans le pays d’origine
Le pays d’origine tel que le connaissait le migrant peut avoir changé en termes de normes, d’habitudes, de rôles sociaux. -
Transférabilité de ce qui a été appris à l’étranger
Les changements culturels chez le migrant, même très légers, en termes de normes, d’habitudes, de rôles sociaux tels qu’ils ont été appris à l’étranger, peuvent ne pas être applicables dans le pays d’origine. -
Changements dans le comportement et les habitudes antérieures
En fonction du temps qu’il a passé à l’étranger, le migrant peut avoir acquis des habitudes, des attitudes, des comportements et, en général, une vision du monde différente. Il peut avoir des difficultés à s’adapter de nouveau à un régime alimentaire, un rythme de vie et des modes de pensée parfois très différents de ceux auxquels il était habitué.
Comme cela a été dit précédemment, ces questions sont liées entre elles. Par exemple, le migrant peut avoir honte parce qu’il ne peut pas rembourser ses dettes, et sa situation entraîne une stigmatisation sociale qui peut le faire se sentir seul, exclu et sans soutien. Il arrive également que le migrant revienne avec un problème de santé, et devienne un fardeau pour la famille qui doit payer ses traitements, ce qui lui donne un sentiment de frustration et de perte. Cette interrelation des facteurs est expliquée plus en détail dans l’encadré ci-après, avec un exemple très concret.
Utiliser le paradigme de l’approche psychosociale pour comprendre les besoins d’un migrant de retour
« Un migrant de retour de sexe masculin vient d’arriver à l’aéroport. Il est fatigué parce qu’il a passé deux nuits sans dormir. Il a dû passer deux jours à l’aéroport du pays de transit avec des centaines d’autres migrants de retour, tous à l’étroit dans une zone restreinte. Il est musulman. Ces deux derniers jours, il a très peu mangé. Il a honte et a peur de demander de la nourriture, car il ne connaît pas les règles, ne veut pas être perçu comme quelqu’un qui mendie et n’a pas d’argent sur lui au cas où il faudrait payer la nourriture qu’on lui donnera ».
Cet exemple montre comment les trois facteurs ou aspects sont liés : cet homme a faim (biologique) et a honte (psychologique) de demander de la nourriture ; il n’a pas d’argent pour en acheter (socioéconomique) ; il est méfiant et ressent de la crainte car il ne sait pas comment se comporter dans cette situation qui est nouvelle pour lui (culturel-anthropologique) et il ne veut pas être perçu comme un mendiant (sociorelationnel et culturel). Dans cette situation, pour apporter une aide, l’on peut hiérarchiser les besoins : cet homme a besoin de nourriture (biologique), mais il a aussi besoin d’être rassuré psychologiquement, de se faire expliquer les règles et de recevoir de la nourriture d’une manière qui ne l’embarrasse pas devant ses pairs, et qui puisse être culturellement acceptée. Lorsqu’il interagit avec un migrant de retour, le chargé de dossier ne doit pas se contenter d’examiner les informations recueillies qui se rapportent à un certain aspect, mais toujours examiner leurs rapports avec les deux autres aspects. Sur cette base, il est possible de concevoir et de mettre en oeuvre des programmes pour une réintégration durable.
83G. Schininà, The paradigm of a psychosocial approach in Livelihood Interventions as Psychosocial Interventions (vidéo en ligne, 2016).
84D. G. Bates et F. Plog, Cultural Anthropology. Troisième édition. McGraw-Hill (New York, 1976)
Les migrants de retour peuvent être stressés à des degrés divers, en particulier lors de leur première rencontre avec le chargé de dossier. Cet état de stress peut être le résultat de leurs expériences passées, de leur perception négative du retour, de leur anxiété face à l’avenir, ou ils peuvent être anxieux et angoissés par la séance de consultation elle-même, qui est une étape importante de leur retour. L’une des tâches du chargé de dossier est de donner les premiers secours psychologiques lorsqu’il constate qu’une personne est en détresse.
Le tableau A.1 ci-après met en évidence plusieurs signes de détresse.
Tableau A.1 : Signes de détresse
Physiques | Émotionnels | Comportementaux | Cognitifs |
---|---|---|---|
Tremblements | Crises de larmes | Laisser-aller/mauvaise hygiène | Confusion |
Agitation | Soupirs fréquents | Être sur ses gardes/td> | Trous de mémoire |
Pianoter/faire claquer ses pieds sur le sol | Humeur maussade | Débit de parole rapide/lent | Incapacité à se concentrer |
Transpiration | Sentiment de désespoir, de culpabilité, de hontes on clothes | Avaler fréquemment sa salive, frotter les paumes de ses mains sur ses vêtements | Réponses non pertinentes aux questions/difficulté à trouver ses mots |
Fatigue extrême | Peur | Difficulté à faire le bon choix | Ne voir que les aspects négatifs |
Étourdissements et difficultés respiratoires | Irritabilité et accès de colère | Difficulté à tenir en place | Réflexion ralentie |
Que faire : soutien émotionnel
Tout d’abord, il est important de garder son calme. Demandez au migrant en situation de détresse s’il a besoin d’une pause. Proposez un verre d’eau ou une autre forme de réconfort pratique. Dans une telle situation, il peut être utile de bavarder pour réduire les tensions : parlez de sujets généraux, tels que la météo, l’actualité, les loisirs.
« Il fait chaud (ou froid) ici, vous ne trouvez pas ? » Cela aide la personne à revenir à la réalité présente et à sortir de ses pensées.
« Qu’aimez-vous faire quand vous voulez vous détendre ? » Cela aide la personne à penser à quelque chose qu’elle aime.
« Aimez-vous la musique (la danse, le sport) ? » Il est important de centrer la question sur quelque chose d’agréable.
Si le migrant de retour est particulièrement stressé et montre des signes évidents de souffrance, une aide immédiate peut lui être apportée sous forme de premiers secours psychologiques (PSP).
Premiers secours psychologiques
Il s’agit d’un outil de soutien visant à aider tout être humain, adulte, adolescent ou même enfant, qui a récemment vécu un ou plusieurs événements stressants ou une période de stress prolongée. Il a été élaboré par l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), la War Trauma Foundation et World Vision International et peut également être proposé par des non‑professionnels.85
L’on propose des PSP car il est avéré que les éléments suivants sont utiles au rétablissement des personnes :
- Le sentiment d’être en sécurité, soutenu par le groupe, calme et plein d’espoir ;
- L’accès à un soutien social, physique et émotionnel ;
- Retrouver un sentiment de contrôle en étant capable de s’en sortir par soi-même.
Cependant, tous les migrants qui ont vécu une situation de crise ou une période de stress prolongée n’auront pas nécessairement besoin, ou ne souhaiteront par forcément recevoir des PSP. Il est important de ne pas imposer son aide à ceux qui ne la souhaitent pas, mais de rester à la disposition de ceux qui pourraient rechercher un soutien.
De plus, certains migrants ont besoin de soins plus spécialisés que les seuls PSP. Dans ce cas, la personne doit être orientée vers des soins médicaux ou psychologiques spécialisés. Qui sont les personnes ayant besoin d’un soutien immédiat plus important ? Ce sont les migrants de retour qui :
- Tentent, ou déclarent qu’ils ont tenté, de se suicider ou de s’automutiler ;
- Sont particulièrement violents envers les autres ;
- Ont atteint un stade où ils ne peuvent plus se souvenir d’éléments très simples de leur vie (comme leur nom), ou ne peuvent plus s’occuper de tâches quotidiennes élémentaires (se lever, manger) : cela peut être vérifié avec le migrant ;
- Signalent qu’ils ont été récemment victimes de viol, de torture, de violence ou de la traite, ou qu’ils ont été témoins d’événements tragiques ;
- Déclarent être des consommateurs de drogue ;
- Déclarent des troubles psychiatriques existants, en particulier s’ils n’ont pas eu accès à des médicaments pendant une période prolongée.
Les PSP peuvent être proposés au cours de l’événement ou de la période stressante, immédiatement après ou même après un certain temps, chaque fois que cela est possible.
Le contexte et le lieu où sont proposés les PSP doivent garantir la sûreté et la sécurité du chargé de dossier et du migrant de retour. L’idéal serait que les PSP soient fournis dans un lieu permettant de préserver la confidentialité et une certaine intimité.
Une aide responsable signifie :
- Respecter la sécurité, la dignité et les droits./li>
- Adapter ce que l’on fait pour tenir compte de la culture de la personne.
- Être au courant des autres interventions d’urgence.
- Prendre soin de soi.
Avant d’apporter les PSP, il faut prendre en considération les normes éthiques suivantes :
CE QU’IL FAUT FAIRE | À PROSCRIRE |
---|---|
|
|
Exercices de relaxation
Il est possible de proposer l’un des exercices décrits ci-après, qui ont pour but de calmer rapidement la personne en détresse. Si rien ne semble fonctionner pour réduire le stress, le chargé de dossier peut proposer d’arrêter la séance et de la reporter, ou apporter des PSP.
Si la personne se sent déconnectée de la réalité, aidez-la à reprendre contact avec :
- Elle-même (sentir ses pieds par terre, taper des mains sur ses genoux) ;
- Son environnement (en remarquant les choses autour d’elle) ;
- Sa respiration (en se concentrant sur celle-ci et en respirant lentement).
On peut proposer l’un des exercices suivants pour aider la personne à se détendre momentanément et se reconnecter à la réalité « ici et maintenant ».
Respiration profonde
Préparatifs :
Demandez à la personne de se caler contre le dossier de la chaise ou, si possible, de s’allonger sur le dos sur un canapé, sur le sol ou sur un matelas. Ce qui importe est que ses épaules, sa tête et son cou soient soutenus.
D’un ton calme et chaleureux, donner les instructions suivantes :
(Veuillez noter que dans ce qui suit, le signe « ... » signifie une pause de 3 secondes)
« Si vous vous sentez en sécurité, fermez les yeux, sinon regardez le mur devant vous (ou le plafond si la personne est couchée sur le dos). Maintenant, prenez quelques inspirations et concentrez-vous sur votre respiration...
Inspirez... expirez... Suivez le rythme de ma voix... Inspirez... expirez... (ne vous précipitez pas et essayez de ralentir la respiration de la personne au fur et à mesure)
Maintenant, inspirez par le nez... Gonflez votre ventre.../em>
Expirez par la bouche... Sentez votre ventre se vider...
Maintenant, placez une main sur votre ventre et l’autre sur votre poitrine...
Quand vous inspirez, sentez votre ventre se soulever... Quand vous expirez, sentez votre ventre redescendre... La main sur votre ventre doit bouger plus que celle qui est sur votre poitrine.../em>
Maintenant, prenez trois autres inspirations complètes et profondes... Respirez à fond avec le ventre, qui monte et descend avec votre souffle... Maintenant, pendant que vous inspirez, imaginez l’air qui entre dans votre corps et qui apporte la paix et le calme... Essayez de le sentir dans tout votre corps...
Et maintenant, expirez... pendant que vous le faites, imaginez que l’air qui sort emporte toutes vos tensions...
Inspirez, expirez... »
Répétez cet exercice pendant cinq minutes ou plus, jusqu’à ce que vous constatiez que la personne se calme réellement.
Pour terminer l’exercice, donnez ces dernières instructions :
« Et maintenant, respirez normalement... concentrez-vous sur votre corps détendu... sur la chaise (/le fauteuil)... et maintenant sur la pièce... essayez de visualiser la pièce... et tous les objets de la pièce et ensuite vous et moi dans la pièce... Et maintenant, quand vous sentez que c’est le bon moment, ouvrez lentement les yeux... étirez vos bras et votre corps... »
Faites l’exercice vous-même pour montrer à la personne comment le faire et invitez-la à vous imiter.
Si l’exercice a l’effet inverse de celui escompté, n’insistez pas et arrêtez. Essayez un autre exercice.
Compte à rebours
Il s’agit d’un exercice simple et efficace, basé sur la respiration et le compte à rebours. Demandez à la personne de s’asseoir ou de s’allonger confortablement, les bras et les jambes bien calés sur le fauteuil ou le sol.
Puis comptez chaque inspiration et expiration, en commençant par 10, jusqu’à ce que vous atteigniez 1. Vous pouvez dire :
« Nous allons compter et respirer comme ça :
10 – inspirez
9 – expirez
8 – inspirez
7 – expirez
6 – inspirez
5 – expirez
4 – inspirez
3 – expirez
2 – inspirez
1 – expirez
Et maintenant, recommençons... »
Répétez l’exercice autant de fois que vous le jugez nécessaire pour calmer la personne, à condition que cela n’ait pas l’effet inverse.
Rappelez-vous que par la respiration, il est possible d’agir indirectement sur le rythme cardiaque, en contrôlant la longueur et la profondeur des respirations elles-mêmes. L’ajout d’un compte à rebours atténue l’impact psychologique causé par le fait d’occuper l’esprit par une tâche difficile sur laquelle se concentrer, en canalisant essentiellement l’attention vers les processus internes qui se déroulent dans le corps plutôt que sur la source de stress.
Imagerie ciblée : le lieu sûr
Demandez au migrant de se caler contre le dossier du siège (mieux vaut un fauteuil pour que le dos, la tête et les bras soient soutenus). Demandez-lui de prendre quelques minutes pour se concentrer sur sa respiration, de fermer les yeux (si cela ne crée pas de gêne ou d’anxiété), de prendre conscience de toute tension dans son corps, et de laisser cette tension sortir à chaque expiration.
Ensuite, donnez-lui les instructions suivantes :
- « Imaginez un endroit où vous pouvez vous sentir au calme, paisible et en sécurité. Il peut s’agir d’un endroit où vous êtes déjà allé(e), d’un endroit où vous rêvez d’aller, d’un endroit dont vous avez vu une image ou simplement d’un endroit paisible que vous pouvez créer dans votre esprit.
- Une fois que vous êtes dans cet endroit, regardez autour de vous : remarquez les couleurs et les formes.
- Maintenant, prenez conscience des sons qui vous entourent, ou peut-être du silence. Les sons lointains et ceux plus proches de vous. Ceux qui sont plus audibles et ceux qui sont plus subtils.
- Pensez à toutes les odeurs que vous remarquez.
- Ensuite, concentrez-vous sur toutes les sensations de votre peau – la terre ou ce qui est sous vos pieds dans cet endroit, la température, le mouvement de l’air, tout ce que vous pouvez toucher.
- Concentrez-vous sur les sensations physiques agréables dans votre corps pendant que vous profitez de cet endroit sûr.
- À présent que vous êtes dans votre lieu paisible et sûr, vous pouvez choisir de lui donner un nom, un mot ou une phrase que vous pourrez utiliser pour ramener cette image chaque fois que vous en aurez besoin.
- Vous pouvez choisir de vous y attarder un moment pour profiter de la tranquillité et de la sérénité du lieu. Vous pouvez partir quand vous le souhaitez, rien qu’en ouvrant les yeux, en prenant conscience de l’endroit où vous vous trouvez et en vous reconnectant à « l’ici et maintenant ».
- Maintenant que vous avez ouvert les yeux, prenez un moment pour vous réveiller complètement. Continuez à respirer de façon régulière et rythmée. N’oubliez pas que votre lieu sûr est à votre disposition chaque fois que vous aurez besoin de vous y rendre. »
Faites preuve d’empathie par une écoute active, en ayant recours à des mots rassurants et à la communication non verbale. N’oubliez pas que les migrants qui ont vécu des événements très perturbants, voire traumatisants, ont peur de devenir fous et que personne ne soit capable de les comprendre. Ils ont besoin de quelqu’un qui ne pense pas que quelque chose « ne tourne pas rond » chez eux.
85OMS, War Trauma Foundation et World Vision International, Premiers secours psychologiques : guide pour les acteurs de terrain (Genève, 2011).
Le chargé de dossier doit avoir été informé par ses homologues du pays d’accueil de tout problème de santé mentale diagnostiqué chez un migrant de retour. Cela lui permet de se préparer à rencontrer le bénéficiaire et de lui fournir une aide si nécessaire. Si possible, la famille doit être impliquée dès l’arrivée du migrant. En attendant l’arrivée effective, le chargé de dossier doit vérifier à quel point la famille est consciente de l’état de santé mentale de la personne de retour et, si nécessaire, lui fournir des informations de base et des conseils pratiques sur la façon de gérer la situation. S’il n’est pas possible d’impliquer la famille après l’arrivée, le chargé de dossier doit rencontrer la personne de retour à l’aéroport ou au port d’entrée dans le pays. Il doit inviter le migrant à le suivre dans un endroit calme à l’écart, s’asseoir avec lui et lui poser des questions sur son voyage et son état de santé actuel (« Comment s’est passé le voyage ? Comment vous sentez-vous ? »). Le chargé de dossier doit vérifier auprès de la personne de retour toute information concernant son état de santé mentale qui a été établie par le pays d’accueil.
Le chargé de dossier peut demander :
CD: « Mes collègues, que vous avez rencontrés en [le pays d’accueil], me disent que vous avez eu quelques problèmes de santé mentale récemment. Cela vous rend la vie difficile, n’est-ce pas ? »
Cette question permet de vérifier si le migrant est conscient de son trouble.
Si la réponse est positive, cette première séance de consultation peut être axée sur l’élaboration d’un plan de soutien, avec des actions immédiates pour répondre à ses besoins de base :
CD. « Votre famille sait-elle que vous êtes revenu(e) ? »
Si oui, contactez la famille, en demandant au migrant de retour en qui il a le plus confiance.
Si ce n’est pas le cas, examinez la raison pour laquelle il n’a pas informé sa famille de son arrivée et proposez-lui votre soutien.
CD. « Avez-vous un endroit où loger ? »
Si ce n’est pas le cas, orientez-le vers un endroit temporaire pour se loger et se nourrir.
CD. « Possédez-vous un téléphone portable ? »
Si oui, notez le numéro de téléphone. Si ce n’est pas le cas, fournissez-lui un téléphone portable.
Si la réponse est négative, cela signifie soit que l’état mental est grave et nié, soit qu’il a été mal diagnostiqué. Il n’appartient pas au chargé de dossier de vérifier la cohérence entre les informations reçues et l’état réel du migrant de retour. Dans ce cas, avant d’élaborer un plan d’aide et de fixer un calendrier de rencontres, il est recommandé d’orienter le migrant vers un psychiatre, un médecin ou un psychologue.
CD. « Prenez-vous des médicaments ? Lesquels ? »
Il s’agit là de vérifier si le migrant de retour, qui devrait voyager avec un certificat, est conscient de son trouble, et si les médicaments qu’il déclare correspondent à ceux qui sont notés dans son dossier.
Si la réponse est positive, il est important de vérifier auprès du migrant s’il dispose de médicaments en quantité suffisante pour tenir jusqu’à ce que son suivi médical soit programmé. Si ce n’est pas le cas, il doit immédiatement être orienté vers les services compétents. La continuité des soins est cruciale pour les migrants qui souffrent de troubles mentaux.
Si la réponse est négative, il est tout de même recommandé d’orienter le migrant vers un spécialiste de la santé mentale.
CD. « Avez-vous apporté vos médicaments ? Les prenez-vous régulièrement ? »
Il s’agit de vérifier si la prescription médicale est respectée. Cela permet de renseigner le chargé de dossier sur les ressources du migrant de retour, sur ses points forts et sur l’urgence d’un suivi médical.
Si la réponse est positive, il est judicieux de féliciter le migrant et de lui rappeler à quel point il est important de prendre régulièrement ses médicaments.
ISi la réponse est négative, il est important de savoir pourquoi et de donner quelques conseils (« Vous pouvez utiliser un réveil comme rappel. Vous pouvez programmer une alarme sur votre téléphone. »). Dans ce cas, il est nécessaire d’orienter le migrant vers les services compétents.
Dès ce stade, le chargé de dossier doit rassurer le bénéficiaire sur la disponibilité des services de santé mentale dans le pays.
Après lui avoir apporté un soutien émotionnel de premier recours, et en tenant compte du stress du voyage, le chargé de dossier doit fixer un rendez-vous avec le migrant dans le bureau de l’organisation. Il est très important à ce stade d’obtenir le numéro de téléphone du migrant ET celui d’un membre de sa famille ou d’un de ses amis, toujours avec le consentement de l’intéressé.
Comme cela a été suggéré précédemment, la personne de retour peut ne pas voir la nécessité de rencontrer à nouveau le chargé de dossier. Cela peut être une conséquence de son trouble. Le chargé de dossier doit motiver en douceur le bénéficiaire à demander de l’aide.
Toutefois, comme indiqué précédemment, un migrant de retour qui présente les caractéristiques susmentionnées doit être immédiatement orienté vers les services compétents si :
- Il est particulièrement agressif ;
- Il dit avoir fait une tentative de suicide ou avoir l’intention de se suicider ;
- Il ne se souvient pas d’éléments très simples de sa vie (comme son nom) ou laisse entendre qu’il n’arrive pas à effectuer des actes quotidiens élémentaires (se réveiller, manger, s’occuper de son hygiène personnelle, etc.) ;
- Il signale qu’il a été récemment victime de viol, de torture, de violence à l’encontre de sa personne ou de la traite, ou qu’il a été témoin d’événements tragiques ;
- Il déclare être un consommateur de drogue, surtout s’il n’a pas eu accès à des stupéfiants pendant une période prolongée ;
- Il déclare des troubles psychiatriques existants ou se comporte d’une manière qui rend tout dialogue impossible ou qui fait que le chargé de dossier se sent mal à l’aise, très stressé, angoissé ;
- Il dit avoir arrêté le traitement médical qu’il devrait prendre, ou qu’il n’a pas ses médicaments.
Les chargés de dossier doivent toujours être conscients de leurs limites et ne pas essayer de tout faire par eux-mêmes. Si une personne a besoin d’un soutien plus spécialisé, il faut l’orienter vers un spécialiste de la santé mentale. Le chargé de dossier doit expliquer aussi simplement que possible la raison de cette orientation et le type de soutien que devrait recevoir le bénéficiaire, tout en demandant l’avis de ce dernier (il faut toujours garder à l’esprit la stigmatisation qui entoure les problèmes de santé mentale).
Indépendamment des statistiques et du diagnostic, une attention particulière doit être accordée à tout migrant qui présente des signes de souffrance mentale. Les chargés de dossier peuvent jouer un rôle important dans la stabilisation ou la réduction de la souffrance émotionnelle des personnes de retour. Toutes les techniques de communication décrites dans les paragraphes précédents, ainsi qu’une connaissance élémentaire des signes et symptômes des troubles mentaux, sont utiles pour créer un climat de sécurité et de confiance et préparer le migrant qui souffre de troubles mentaux à une réintégration assistée.
Pour rappel, il est recommandé que le chargé de dossier, quel que soit le trouble en question, veille systématiquement :
-
À vérifier si le migrant a ses médicaments sur lui (si le chargé de dossier doute du fait qu’il respecte les prescriptions, il est suggéré de demander l’aide de la famille).
-
À vérifier si les membres de la famille sont au courant du trouble et prêts à accueillir et soutenir leur parent.
-
À rassurer le migrant et sa famille.
Si possible, il faudrait organiser pour les pourvoyeurs de soins des séances de sensibilisation aux troubles mentaux et à la manière d’aider les migrants qui vivent avec ces troubles.
E.1 Troubles mentaux
L’OMS estime que 1 à 3 % de la population vit avec un trouble mental grave et environ 10 % avec un trouble mental léger ou modéré. Sans entrer dans des considérations plus cliniques qui dépassent le cadre de ce manuel, on peut définir les troubles mentaux graves comme ceux qui affectent, dans une large mesure, la vie quotidienne d’un individu, et sont plus susceptibles d’être chroniques, tandis que les troubles mentaux légers à modérés ne perturbent pas au même degré la vie quotidienne des individus affectés, en ce sens que la plupart du temps la personne affectée continue à mener sa vie, et sont susceptibles d’être surmontés avec du temps et de l’aide. Un même trouble, comme la dépression, peut être léger, modéré ou grave selon son degré, sa durée et l’ampleur des symptômes, tandis que d’autres troubles, comme le trouble psychotique, sont graves par définition. Les recherches sur la santé mentale des migrants ne démontrent pas que ces derniers sont plus susceptibles de développer des troubles mentaux que les populations non migrantes. Les revues systématiques les plus récentes sur les études les plus fiables concluent essentiellement qu’il n’y a pas de différences majeures, à l’exception du trouble de stress post-traumatique, qui est plus élevé chez les réfugiés86 et les victimes de la traite87 D’autres études confirment une prévalence plus élevée des troubles psychotiques et de la dépression, en particulier chez les réfugiés. Toutefois, même si ces différences sont statistiquement significatives, elles ne sont pas élevées dans l’absolu. En outre, il existe très peu d’études sur la santé mentale des migrants de retour et leurs résultats ne sont pas plus concluants. Dans l’ensemble, les migrants de retour, bien que soumis à plusieurs facteurs de stress, peuvent avoir besoin d’un soutien psychosocial mais ne sont pas susceptibles de développer un trouble mental. En principe, on peut s’attendre à ce que la proportion de troubles mentaux graves parmi les migrants de retour soit la même que chez les autres populations (2 à 3 %), et à une prévalence plus élevée de troubles mentaux légers à modérés qui seront probablement atténués par le temps et par un soutien social et psychosocial.
En outre, parmi les personnes qui reviennent dans le cadre du programme de retour humanitaire, par exemple depuis les centres de détention pour migrants en Libye, les expériences de violence, de torture, de violence sexuelle, de menaces et d’exploitation graves sont plus récurrentes que chez les autres migrants et peuvent entraîner une plus grande prévalence de troubles mentaux.88
Enfin, la détention pour des raisons administratives est associée à une augmentation des troubles mentaux et il convient d’en tenir compte lorsque l’on travaille auprès de migrants qui ont été détenus.
Pour conclure, il n’y a pas de généralisation possible, et la vulnérabilité d’un migrant de retour à un trouble mental dépend de la combinaison unique des antécédents personnels, des vulnérabilités existantes, des facteurs de stress rencontrés lors de la migration et du retour et de l’accès aux services tout au long du cycle de migration.
Selon les informations enregistrées par l’OIM d’après l’analyse des troubles mentaux les plus récurrents parmi les migrants de retour des Pays-Bas, parmi les personnes qui reviennent volontairement, les formes les plus courantes de troubles mentaux sont le trouble dépressif, le trouble psychotique et le trouble de stress posttraumatique.
Dans le cas du retour volontaire assisté, selon les règles et réglementations de l’OIM et les pratiques exemplaires recensées par d’autres partenaires, tels que les gouvernements, les organisations gouvernementales et non gouvernementales ou les autres organismes des Nations unies, le retour ne doit avoir lieu que si :
- L’on estime que le migrant a pris une décision éclairée et compétente.89
- Le voyage et le retour ne mettent pas la vie du migrant en danger en raison de sa maladie mentale.
- La continuité des soins peut être assurée.
Par conséquent, si le retour a lieu, il est en principe nécessaire que le migrant soit capable, dans une certaine mesure, de prendre des décisions et d’agir, et qu’un système d’orientation pour son état existe et ait déjà été recensé dans le pays.
Les migrants de retour qui vivent avec des troubles mentaux ne doivent pas être considérés exclusivement à l’aune de leur trouble. Ce sont aussi des personnes dont les besoins dépassent la maladie, qui ont des ressources et des projets et qui, à ce titre, ont besoin d’être conseillées sur leur réintégration. Par conséquent, une connaissance de base des trois troubles mentaux les plus courants permet au chargé de dossier de mieux comprendre les comportements que les migrants atteints de ces troubles peuvent manifester lors des consultations, et de communiquer avec eux en conséquence.
À titre de mise en garde, il n’appartient pas au chargé de dossier d’essayer d’identifier les troubles mentaux chez les bénéficiaires. Cela peut même être qualifié de pratique néfaste, car les troubles mentaux sont déterminés par une myriade de symptômes, par leur ampleur, leur durée et leurs interactions. Essayer de comprendre la différence entre une série de symptômes et un trouble mental sans entretien clinique constitue une mauvaise pratique qui peut conduire à la stigmatisation ou à une orientation inutile vers d’autres services, et qui, globalement, modifierait les relations entre le chargé de dossier et le migrant de retour pendant les consultations. Le présent manuel donne des indications sur les cas où le chargé de dossier doit orienter la personne vers un professionnel de la santé mentale ou lui proposer cette orientation comme option. Dans tous les autres cas, le chargé de dossier ne doit pas chercher à poser un diagnostic. L’on trouvera ci-après des conseils pour communiquer avec les migrants auxquels un professionnel a diagnostiqué un trouble mental avant le départ ou après l’arrivée, avant la séance de consultation.
La section suivante présente des recommandations sur la manière de reconnaître les migrants qui souffrent du trouble dépressif, du trouble psychotique ou du trouble de stress post‑traumatique, ainsi que sur la façon de travailler avec eux.
E.2 Trouble dépressif
Un trouble dépressif est une maladie mentale caractérisée par une humeur sombre, une aversion pour l’activité et un état général de souffrance profonde. Ce trouble affecte l’esprit et le corps. Il se distingue de la tristesse, qui est un élément normal de la vie et qui est beaucoup moins sévère. Le trouble dépressif, également appelé « dépression », affecte la façon dont la personne se sent, dont elle se voit elle-même et dont elle perçoit les choses, sa façon de manger, de dormir et de se comporter. Une faible estime de soi, la perte d’intérêt pour des activités normalement agréables, un manque d’énergie et une douleur générale sans raison claire sont souvent des éléments du trouble dépressif. C’est le trouble mental le plus courant au sein de l’ensemble de la population ; il devient souvent chronique, interfère avec la vie quotidienne et cause douleurs et souffrances aux patients ainsi qu’à leur famille.
Manifestations du trouble dépressif
Comme indiqué précédemment, le trouble dépressif affecte l’esprit et le corps, ce qui signifie qu’il se manifeste à la fois psychologiquement et physiquement. Les manifestations les plus courantes sont énumérées dans le tableau ci-après :
Tableau A.2 : Manifestations physiques et psychologiques des troubles mentaux
Manifestations psychologiques du trouble | Manifestations physiques du trouble |
---|---|
Tristesse et humeur dépressive | Fatigue ou perte d’énergie |
Manque d’intérêt ou de plaisir pour toutes les activités ou presque | Troubles du sommeil |
Diminution de la concentration, de l’attention et de la mémoire | Perte d’appétit et de poids |
Baisse de l’estime de soi et de la confiance en soi | Lenteur ou agitation psychomotrice |
Impression d’indignité, d’inutilité ou de culpabilité | Maux de tête |
Désespoir et pessimisme face à l’avenir | Douleurs musculaires et articulaires |
Le plus souvent, un migrant souffrant du trouble dépressif signale des symptômes physiques, comme la fatigue, des maux de tête et des douleurs corporelles. Le chargé de dossier, qui a été préalablement informé du diagnostic, n’a pas à enquêter sur les symptômes psychologiques ou physiques, mais il doit être conscient du fait que ces symptômes découlent d’un état psychologique. Il est important de garder à l’esprit que certaines manifestations négatives sont normales : c’est leur association qui fait qu’elles sont constitutives d’un trouble mental, ce qui ne peut être déterminé que dans le cadre d’un entretien clinique. Afin d’adapter le cadre de la consultation, la communication et le comportement du chargé de dossier en conséquence, l’on trouvera ci-après quelques conseils sur les différentes manifestations de ce trouble.
Manifestations psychologiques
Tristesse et humeur dépressive
Cela peut ne pas être très clair à première vue. Certaines personnes dépressives nient qu’elles sont tristes ou déprimées et peuvent dire qu’elles vont bien. Souvent, elles ne signalent que des problèmes physiques. D’autres peuvent aller si mal qu’elles se plaignent peu et se taisent.
Si le migrant de retour est clairement dans un état de mal-être, il est fort possible que le silence règne dans la salle de consultation. Néanmoins, le chargé de dossier, qui est conscient de cette manifestation du trouble, ne doit pas s’inquiéter ni essayer de forcer le migrant à ressentir les choses différemment : cela risque d’être contre-productif et nuisible. Le chargé de dossier peut parler de manière réconfortante, avec une touche d’énergie et d’optimisme, en ajustant la conversation et sa durée en fonction de la capacité de la personne à écouter, comprendre, répondre et réagir. Il évitera de demander au migrant de répéter ses histoires les plus traumatisantes, si ce n’est pas nécessaire. En outre, il est préférable que le chargé de dossier n’aborde pas les sujets qui engendrent des pensées dépressives, tels que les questions de perte en général, le décès d’une personne en particulier, le risque de tomber malade, la difficulté de la situation du migrant ou la façon dont il pourrait se faire du mal.
Il peut proposer à la personne de retour de choisir son siège, lui offrir quelque chose de réconfortant comme un verre d’eau, lui demander de temps en temps comment elle se sent et si l’on peut faire quelque chose pour l’aider.
Il est de la plus haute importance d’avoir une attitude empathique et non compatissante (voir la différence entre empathie et compassion).
Manque d’intérêt ou de plaisir pour toutes les activités ou presque
Le chargé de dossier doit tenir compte du fait qu’un migrant dépressif est tellement inquiet pour lui-même et se sent tellement coupable qu’il risque d’être impossible d’établir un plan de réintégration sur la base des activités que l’intéressé (ou sa famille) se souvient avoir aimées avant que le trouble ne se développe. Ce qui est utile à ce stade, c’est de reconnaître la difficulté de la situation, d’écouter attentivement et de présenter les options disponibles en matière de réintégration, en particulier celles qui sont liées à la prise en charge du
trouble. C’est la seule chose qui, à ce stade, est susceptible d’intéresser le migrant dépressif. Il est possible de l’encourager en douceur à entreprendre des activités simples, sans le forcer à se consacrer à celles qu’il trouvait agréables autrefois.
Diminution de la concentration, de l’attention et de la mémoire
Les facultés mentales d’une personne dépressive sont limitées car une grande partie de son esprit est occupé par des soucis de santé, des sentiments de culpabilité et d’inutilité. Le chargé de dossier doit tenir compte de ces limites et éviter de discuter de sujets complexes, de poser trop de questions, de raisonner de manière abstraite et de s’étonner si le bénéficiaire ne se souvient pas d’une information qui lui a été récemment communiquée. Il devra répéter les informations, les instructions et les directives plus d’une fois. Cela ne signifie pas que le migrant a une déficience cognitive, mais simplement qu’il met plus de temps à traiter mentalement les informations. Les consultations doivent être axées sur les besoins élémentaires présents : ce qu’il faut transmettre est la volonté d’aider à trouver une solution concrète pour réduire les effets du trouble. C’est ce qui importe le plus au migrant de retour à ce stade.
Baisse de l’estime de soi et de la confiance en soi
Le migrant de retour qui souffre du trouble dépressif se sent coupable de son état, ce qui diminue considérablement son estime de soi, et par conséquent toute confiance dans la possibilité que ses ressources personnelles puissent être d’un quelconque secours pour sa réintégration. Malgré cela, il n’appartient pas au chargé de dossier d’agir sur les sentiments intérieurs du migrant et de changer ses perceptions. Il peut toutefois l’encourager, en saluant les efforts déployés en vue de la réintégration. Il peut faire participer la famille à l’élaboration du plan, si cela est possible et avec le consentement du migrant. Après avoir reçu des informations élémentaires sur le trouble, les membres de la famille peuvent aider à créer un environnement sûr, ce qui, outre le soutien psychologique et les éventuels médicaments, est fondamental pour entamer un processus de rétablissement.
Impression d’indignité, d’inutilité ou de culpabilité
Le migrant de retour qui souffre du trouble dépressif s’accroche à des croyances autolimitatives selon lesquelles il est le seul responsable de sa situation. Il se sent ainsi coincé dans un bourbier de regrets, de récriminations et d’auto-accusations. Là encore, le chargé de dossier, conscient de cette caractéristique typique du trouble, n’a pas à remettre en question les croyances de la personne de retour, mais doit plutôt montrer qu’il se soucie d’elle, qu’il comprend sa situation, qu’il est là pour l’aider et qu’il travaille à créer un environnement favorable à son rétablissement.
Désespoir et pessimisme face à l’avenir
Le chargé de dossier doit éviter d’élaborer des plans de réintégration ambitieux ou irréalisables, qui échoueraient probablement. Ce qui importe le plus à ce stade est de tenir compte de l’avis du bénéficiaire et de l’orienter vers un professionnel de la santé mentale.
Manifestations physiques
Fatigue ou perte d’énergie
Le chargé de dossier doit tenir compte de ce symptôme, qui est la manifestation la plus courante du trouble dépressif, et ajuster la durée de l’entretien en fonction de la capacité du bénéficiaire à rester assis, à écouter, à comprendre et à réagir. Le migrant peut avoir l’air contrarié et apathique : cette apparence n’est que la conséquence du manque d’énergie. Il faudra donc peut-être convenir avec le migrant de la durée de la consultation, qui est susceptible d’être plus limitée que d’habitude. Il est essentiel d’adapter la consultation aux besoins et possibilités actuels de la personne de retour, au lieu de la forcer, elle, à s’adapter aux consultations. Le chargé de dossier peut de temps en temps demander au migrant s’il est possible de continuer ou s’il est préférable de s’arrêter et de continuer lors d’une réunion ultérieure.
Troubles du sommeil
Cette manifestation typique du trouble ne signifie pas seulement que le migrant qui souffre du trouble dépressif ne dort pas ou a des difficultés à dormir. Cela peut également signifier le contraire : il peut arriver au centre de consultation en étant somnolent et s’endormir en parlant. Bien sûr, on ne peut pas reprocher ce comportement au migrant. Le chargé de dossier, qui en est conscient, adaptera la durée de la consultation à la capacité réelle du bénéficiaire à écouter et à comprendre, et réagir en conséquence. Des pauses fréquentes doivent être proposées et, comme alternative, plusieurs séances plus courtes. Il est important de toujours vérifier auprès du migrant et, le cas échéant, de sa famille, si le médecin est informé des troubles du sommeil. Le chargé de dossier peut rappeler au migrant à quel point il est important de se conformer à toute prescription médicale.
Perte d’appétit et de poids
Le chargé de dossier doit être conscient du fait que la perte de poids peut être due à la malnutrition ou à une maladie physique, et que cela est également vrai en ce qui concerne les symptômes contraires : prise de poids et augmentation de l’appétit.
Lenteur ou agitation psychomotrice
Le chargé de dossier peut remarquer que le migrant qui souffre du trouble dépressif se déplace lentement et fait preuve d’incertitude lorsqu’il entreprend des actions simples (comme prendre un verre d’eau, se lever de sa chaise, entrer ou sortir de la pièce) ou, à l’inverse, qu’il est agité. Si c’est le cas, le chargé de dossier doit apporter un soutien direct, en aidant la personne à s’asseoir, à se lever et à se déplacer dans les locaux de l’organisation. Il adaptera le plan de réintégration en conséquence.
Maux de tête et douleurs musculaires et articulaires
Ce sont des symptômes physiques courants chez les personnes dépressives. Le chargé de dossier peut remarquer chez le migrant des contractions musculaires, des grimaces de douleur ou une difficulté à rester assis ; il doit l’accueillir en lui suggérant de choisir son siège et lui proposer quelque chose de réconfortant et des pauses.
Si le chargé de dossier remarque chez le migrant un changement d’humeur soudain, un comportement agressif (quel qu’en soit l’objet) ou des pensées suicidaires, il doit immédiatement l’orienter vers un médecin.
Il est important de rappeler que l’attitude du chargé de dossier et sa façon de parler ont une influence importante sur le bénéficiaire. Cette influence peut être positive ou négative. Elle est positive lorsque le trouble est reconnu, respecté, traité avec dignité et non minimisé. Elle est négative lorsque le chargé de dossier entreprend des actions directes ou indirectes pour forcer un changement d’humeur. Une personne qui souffre du trouble dépressif pense que son humeur et sa situation ne changeront jamais : il est important de se rappeler que cette croyance est l’un des symptômes de ce trouble.
Communiquer avec un migrant qui souffre du trouble dépressif
Les personnes souffrant du trouble dépressif se sentent souvent très seules, même lorsqu’il y a d’autres personnes autour d’elles. Il est important de réduire l’isolement d’une personne dépressive mais sans forcer la socialisation. C’est la raison pour laquelle la famille et la communauté doivent participer à l’aide apportée au migrant de retour.
Les personnes gravement dépressives sentent que quelque chose « ne tourne pas rond » chez elles et peuvent réagir négativement à tout ce qu’on leur dit. Il est important de ne pas se décourager lorsque le migrant est hostile, agressif ou replié sur lui-même, et de ne pas en faire une affaire personnelle.
Pour aider un migrant qui souffre du trouble dépressif, il n’est pas nécessaire de comprendre ce qu’il vit : toute tentative à cet égard pourrait paraître peu sincère. Il est important de se rappeler que le trouble dépressif peut réduire la capacité à formuler des mots et des phrases : il n’est donc pas rare que la conversation se réduise à un monologue.
Si le migrant qui souffre du trouble dépressif exprime des pensées suicidaires, ou si le chargé de dossier estime qu’il a des pensées suicidaires, il est nécessaire de l’orienter immédiatement vers un psychiatre ou un médecin.
Lorsqu’ils travaillent avec une personne dépressive, les chargés de dossier peuvent suivre les directives suivantes :
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Tout d’abord, il est essentiel de tenir compte du trouble lorsque celui-ci est connu, et de ne pas le minimiser.
« Je sais que vous êtes confronté(e) à des difficultés et je sais que c’est dur. Ce n’est pas de votre faute. Y a-t-il quelque chose que je puisse faire pour vous ? » -
Faire en sorte que la personne se sente à l’aise pour parler de ses émotions.
« Si vous avez envie de parler avec moi, je serais heureux/heureuse de vous écouter et de réfléchir à la manière dont je pourrais vous aider. »
Il est essentiel d’avoir recours aux techniques d’écoute active, mais surtout de formuler des phrases ourtes et concrètes.
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Il est recommandé d’expliquer qu’il existe de multiples solutions, telles que les médicaments, la prise en charge psychologique et la psychothérapie, et d’expliquer plus en détail les éléments du traitement : « Le médecin va vous aider et vous donner des médicaments qui vous permettront de vous sentir mieux. »
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Donnez à la personne l’espoir que son état va s’améliorer.
« Même si vous ne me croyez pas, je suis convaincu(e) que vous irez mieux. »Lorsque l’on s’adresse à un migrant qui souffre du trouble dépressif, certaines remarques peuvent être contre-productives et doivent être évitées :
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« Ça arrive à tout le monde d’avoir des moments difficiles... »
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« Prenez les choses du bon côté ! » ou « Allez, souriez ! »
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« Arrêtez de vous apitoyer sur votre sort ! »
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« Ce dont vous avez besoin, c’est d’être plus actif, de trouver des occupations ou de vous faire des amis ! »
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« N’oubliez pas que la vie est belle et que vous êtes vivant ! »
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« On est toujours responsable de ce qui nous arrive. »
Tous les commentaires ci-dessus sont susceptibles de frustrer un migrant qui souffre du trouble dépressif, car ils témoignent d’un manque de connaissances sur la dépression. De nombreux chargés de dossier se rabattent sur des expressions comme celles-ci parce qu’ils n’ont aucune expérience directe ou indirecte de la dépression. Il est essentiel de ne pas essayer de résoudre le problème, mais il est toujours utile de rappeler à l’intéressé à quel point il est important de prendre ses médicaments et de suivre sa thérapie.
Consultations de soutien psychologique
Comme indiqué précédemment, seuls des professionnels formés sont à même de fournir les consultations de soutien psychologique qui, dans le cas du trouble dépressif, peuvent être utiles si les manifestations sont légères ou modérées et si un facteur de stress psychosocial (une cause évidente) existe.
Si aucun psychologue ou spécialiste n’est disponible, le chargé de dossier doit orienter le migrant de retour vers un médecin. Il est très utile pour une personne dépressive de voir que des gens la soutiennent.
Aide psychosociale au niveau individuel
Les interventions d’aide psychosociale peuvent aider le migrant de retour à :
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Être conscient de son problème ;
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Être conscient des possibilités et difficultés liées à la réintégration ;
-
Atténuer son sentiment de culpabilité ;
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Atténuer son impression que ce qui lui arrive est « anormal » ;
-
Avoir une meilleure estime de lui-même ;
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Réduire le sentiment de stigmatisation ;
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S’intégrer dans sa communauté.
Aide psychosociale au niveau de la famille
Si possible, la famille doit être impliquée. Le chargé de dossier peut :
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Aider les membres de la famille à prendre conscience de l’état de leur parent.
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Leur conseiller de désigner le membre de la famille en qui la personne de retour a le plus confiance et qui pourrait prendre soin d’elle.
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Leur suggérer de ne pas forcer le parent de retour à faire quoi que ce soit, mais plutôt de l’inviter à essayer de reprendre des activités autrefois agréables.
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Leur suggérer de petites activités sociales, sans forcer la participation.
-
Discuter avec les membres de la famille de l’importance des médicaments et de la nécessité de les prendre conformément à la prescription.
-
Les aider à trouver une formation professionnelle ou un emploi dans un environnement protégé.
Aide psychosociale au niveau communautaire
Il est important d’aider la communauté à comprendre le trouble en lui fournissant des informations élémentaires. Cela peut être fait par l’intermédiaire des dirigeants de la communauté et avec la participation de la famille. Une réunion d’information en groupe, menée conjointement par le chargé de dossier et le chef de la communauté (et, le cas échéant, un médecin) en présence de la famille, mais pas nécessairement du migrant, peut constituer une bonne pratique. Cette réunion permettrait d’aborder la question de la stigmatisation et de créer un environnement collectif de soutien autour de l’intéressé.
E.3 Troubles psychotiques
Les troubles psychotiques sont des états mentaux caractérisés par une perte de contact avec la réalité. La personne est consciente et éveillée, mais c’est comme si elle vivait dans une réalité différente qu’elle est la seule à percevoir. La personne ne rêve pas et croit fermement en ce qu’elle affirme.
Exemples:
La personne établit des liens entre des choses qui ne sont pas habituellement connectées et saute d’une idée à l’autre, comme dans l’exemple suivant :
-
Chargé de dossier : « Pouvez-vous me dire votre nom ? »
-
Personne : « Mon nom ? Je m’appelle Akram. Akram est marié. Vous êtes marié ? C’est bien d’être marié. Voulezvous m’épouser ? »
Le migrant commence une phrase qui va dans une certaine direction, mais avant même que la phrase ne soit terminée, il va déjà dans une autre direction :
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Chargé de dossier : « Où habitez-vous ? »
-
Personne : « J’habite au village de lundi. Lundi. Lundi est bleu. Vendredi est noir. »
Dans l’exemple suivant, la phrase est du charabia. La personne utilise des mots qu’elle invente elle-même. Les mots n’ont aucune signification pour l’interlocuteur.
-
Chargé de dossier : « Quel est votre nom ? »
-
Personne : « Tra. Bi bi bi. Ta ta ta »
Les causes des troubles psychotiques sont inconnues, mais il existe de nombreux facteurs de risque. Certains de ces facteurs de risque sont :
Biologiques | Psychologiques | Sociaux |
---|---|---|
|
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Cependant, aucun de ces facteurs ne peut expliquer à lui seul pourquoi une personne développe un trouble psychotique. Il est fort probable que de multiples facteurs entrent en jeu.
Comme indiqué précédemment, la personne est consciente, mais elle souffre d’hallucinations, de délires et de troubles de la pensée, ce qui signifie qu’elle croit que quelque chose existe alors que ce n’est pas le cas. Ce trouble peut présenter d’autres manifestations, comme le repli sur soi, l’agitation ou un comportement incohérent.
Manifestations des troubles psychotiques
Hallucinations
Lorsqu’une personne a des hallucinations, elle voit ou entend des choses qui ne sont pas réelles, mais est convaincue qu’elles le sont. Exemples :
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Elle entend des choses que personne d’autre ne peut entendre;
-
Des voix qui lui parlent, qui font des commentaires sur elle;
-
Des voix dans sa tête ;
-
Des sons ou des musiques étranges provenant d’endroits inconnus ;
-
Elle voit des choses ou des gens que personne d’autre ne peut voir.
Parfois, les personnes concernées n’en parlent pas parce qu’elles se rendent compte que les autres ne les croient pas. Souvent, cependant, elles réagissent aux hallucinations comme si elles étaient réelles. Par exemple, elles peuvent parler ou crier en réponse à une personne qui n’est pas présente.
Lorsque le chargé de dossier est confronté à des comportements verbaux de ce type, il doit rester calme et agir naturellement, et ne pas contredire le migrant. Il doit écouter activement. L’objectif est d’éviter une escalade émotionnelle et une crise aiguë. En cas de comportement agressif, verbal ou physique, ou d’actes autodestructeurs, le chargé de dossier doit demander de l’aide et orienter immédiatement le migrant vers un psychiatre, peut-être même avec l’aide de la police.
Délires
Il s’agit de pensées fausses que personne ne partage dans l’environnement de l’intéressé. La personne qui délire est convaincue que ses idées sont vraies, même si certains signes prouvent qu’elle se trompe. La personne s’accroche à ces idées.
Ce symptôme fait référence au contenu des pensées (ce que la personne pense). Exemples:
-
La personne croit que des gens essaient de la tuer, même s’il n’y a pas de preuves à l’appui.
-
Elle croit que tout le monde dans la rue, à la radio, à la télévision ou sur Internet, parle d’elle.
-
Elle est convaincue que des personnes ont implanté des équipements radio dans son corps afin que quelqu’un d’autre puisse suivre ses actions.
-
Elle est certaine d’avoir une maladie mortelle, sans preuve clinique.
-
Elle croit qu’elle est très célèbre ou riche, alors qu’on sait que ce n’est pas vrai.
Le chargé de dossier doit agir de façon naturelle et rassurer gentiment la personne de retour qui, à ce stade, est probablement agitée et stressée. Il peut calmement lui montrer une réalité différente et sûre, en lui assurant que personne n’a de mauvaises intentions ni ne la suit de l’intérieur.
Troubles de la pensée
La personne parle de telle manière que les autres ne peuvent pas comprendre ce qu’elle dit ou ne peuvent pas suivre son raisonnement. Il semble n’y avoir aucune logique derrière ses paroles. Parfois, la personne peut même dire de pures absurdités, en utilisant des mots inventés ou des phrases incomplètes.
En raison du trouble psychotique, la personne peut être convaincue que ses pensées n’émanent pas de son propre esprit mais sont littéralement « mises dans sa tête » par d’autres personnes. Elle peut aussi croire que ses pensées sont « volées » par d’autres personnes et lui sont enlevées de la tête pour être diffusées, par exemple, à la radio ou pour être lues par d’autres personnes. Ce sont des exemples rares, mais s’ils se produisent, on peut être presque certain que l’individu souffre d’une psychose grave appelée schizophrénie.
Schizophrénie. Trouble mental de longue durée qui implique une rupture dans la relation entre la pensée, l’émotion et le comportement, conduisant à une perception erronée, à des actions et des sentiments inappropriés, à un retrait de la réalité, à des relations personnelles basées sur le fantasme et l’illusion, et à un sentiment de fragmentation mentale (Oxford University Press, 2018).
Il est recommandé au chargé de dossier de ne pas contredire le migrant, mais de l’écouter activement, en répétant que la seule raison de sa présence est de l’aider.
Affectant gravement l’esprit, les troubles psychotiques se manifestent également par des symptômes comportementaux tels que les suivants :
Retrait social, agitation, comportement incohérent
Le comportement psychotique est chaotique et incohérent. Il n’y a pas de raison apparente aux actes de la personne.
Examples:
-
Collecter ou conserver des déchets ou des objets sans valeur ;
-
Porter des vêtements de manière étrange ou inappropriée ;
-
Détruire des choses sans en être conscient ;
-
Rester assis sans bouger pendant très longtemps ;
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Parler tout seul et rire soudainement (quand rien de drôle ne s’est produit) ou sourire en racontant des événements tristes ;
-
Pleurer sans raison valable ;
-
Se plaindre d’un problème physique inhabituel ou impossible comme le fait d’avoir un serpent dans le cerveau, ou un animal dans le corps, ou de ne pas avoir d’organes corporels ;
-
Ne montrer aucune émotion alors que ce qui vient de se produire devrait normalement provoquer des émotions fortes, comme le fait de recevoir un cadeau ou de mauvaises nouvelles ;
-
Montrer de l’indifférence envers des choses qui sont généralement importantes, telles que la nourriture, les vêtements, l’argent ;
-
Retrait social et négligence des responsabilités habituelles liées au travail, à l’école, aux activités domestiques ou sociales.
Par précaution, il est recommandé d’enlever de la pièce tous les objets qui pourraient être utilisés pour blesser autrui ou s’automutiler. Il est important de garder à l’esprit que certaines manifestations négatives sont normales : ce qui fait qu’elles font partie d’un trouble mental est leur combinaison, qui ne peut être évaluée que dans le cadre d’un entretien clinique.
Communiquer avec un migrant qui souffre d’un trouble psychotique
Il est particulièrement important d’instaurer une communication efficace avec les personnes qui souffrent d’un trouble psychotique, car elles sont effrayées et facilement dépassées par l’environnement extérieur, et par leurs émotions et pensées intérieures.
Pour que ces personnes se sentent en sécurité et pour entretenir de bonnes relations avec elles, il est important d’agir de façon naturelle et de les traiter avec respect.
Pour une communication efficace, il est recommandé de parler calmement, clairement et simplement, de faire des phrases courtes afin qu’elles ne soient pas trop compliquées et de prendre le temps de s’assurer que la personne comprend ce qui a été dit. Il est essentiel d’être compréhensif, et non condescendant ou critique. La confrontation doit être évitée et les idées exprimées doivent être acceptées et respectées même si elles sont illogiques. Il est important de ne pas imposer au migrant des situations où il n’est pas à l’aise et d’éviter toute dispute avec lui ou avec d’autres personnes en sa présence.
Le plus important est de faire preuve de patience pour établir une bonne relation : cela peut être difficile en raison de la nature du trouble, mais en aucun cas impossible. Le chargé de dossier doit faire des plans réalistes, en particulier pour les migrants les plus gravement atteints, et acceptables à la fois pour le bénéficiaire et ses soignants. Bien entendu, les migrants qui présentent les symptômes décrits précédemment, ou qui ont déjà été diagnostiqués comme souffrant d’un trouble psychotique, doivent être orientés vers un psychiatre, si disponible, ou vers un médecin.
En cas de crise psychotique aiguë
Une personne atteinte d’un trouble psychotique peut faire une crise à tout moment. Celle-ci se produit lorsque la pression des pensées est écrasante et que la personne n’arrive pas à les gérer. Elle est terrifiée par ce qui se trouve à l’extérieur et à l’intérieur d’elle-même et peut même essayer de se défendre en étant agressive. Lorsque cela se produit, il est important de rester calme, de considérer que cet événement est normal dans de telles circonstances et qu’il est une conséquence du trouble psychotique. La personne peut crier et être irritable : le chargé de dossier doit rester calme, en évitant l’ironie et le sarcasme. Le contact visuel continu est à éviter car il peut être interprété comme un signe d’agression. Il est préférable que le chargé de dossier s’assoie et invite la personne à faire de même : si elle refuse, il restera assis. Il est essentiel d’orienter immédiatement la personne vers un psychiatre, si disponible, ou vers un médecin. En cas de comportement agressif, verbal ou physique, ou d’actes autodestructeurs, le chargé de dossier doit demander une aide immédiate, en évitant d’essayer de gérer la situation par lui-même.
Il doit être conscient du fait qu’une séance de consultation peut provoquer des émotions intenses pour une personne qui souffre de troubles psychotiques, telles que les suivantes :
-
Mécontentement
-
Impuissance et frustration
-
Anxiété
-
Colère
-
État d’inquiétude ou de choc
-
Tristesse ou mauvaise humeur
-
Comportement excessivement prudent
-
Incertitude
-
Sentiment de culpabilité
Ce sont des réactions normales à une situation émotionnelle intense. Néanmoins, si elles affectent et même détériorent les performances professionnelles à long terme, il est recommandé de demander de l’aide (réseau de pairs, mentorat, soutien professionnel, etc.).
Aide psychosociale au niveau de la famille
Lorsqu’elle est possible, la collaboration de la famille est essentielle dans la gestion de la vie quotidienne d’une personne souffrant d’un trouble psychotique. Le chargé de dossier doit s’acquitter des tâches suivantes :
-
Expliquer à la famille que le comportement étrange et l’agitation du patient sont causés par le trouble ;
-
Discuter avec les membres de la famille de l’importance des médicaments, qui doivent être pris conformément à la prescription ;
-
Leur expliquer à quel point il est important de minimiser le stress, par exemple en évitant la confrontation ou la critique et en respectant les idées de la personne même lorsqu’elles sont illogiques ;
-
Les informer du fait que lorsque les symptômes sont graves, le repos et le retrait social peuvent être utiles ;
-
Leur recommander d’adopter une vie quotidienne structurée : suivre la même routine chaque jour aidera le patient à se sentir en sécurité ;
-
Leur suggérer de faire des activités qui aident la personne à penser à autre chose et lui permettent de se sentir valorisée ;
-
Les encourager à trouver un travail adapté pour le patient. Une formation professionnelle et un emploi dans un environnement protégé lui seront bénéfiques.
Aide psychosociale au niveau communautaire
Comme pour le trouble dépressif, il est important d’aider la communauté à comprendre le trouble psychotique en lui fournissant des informations élémentaires. Cela peut être fait par l’intermédiaire des dirigeants de la communauté et avec la participation de la famille. Une réunion d’information en groupe, menée conjointement par le chargé de dossier et le chef de la communauté (et, le cas échéant, un médecin) en présence de la famille, mais pas nécessairement du migrant, peut constituer une bonne pratique. Cette réunion permettrait d’aborder la question de la stigmatisation et de créer un environnement collectif de soutien autour de la personne concernée.
E.4 Trouble de stress post-traumatique
Ce diagnostic est posé lorsqu’une personne qui a été confrontée à un événement perturbant ou à une série d’événements perturbants continue d’avoir des manifestations émotionnelles, psychologiques et physiques des mois après lesdits événements. Il peut s’agir de cauchemars, de pensées intrusives, de réactions de peur et de flash-backs qui altèrent, à des degrés divers, la vie quotidienne et durent longtemps. Si la plupart des symptômes du trouble de stress post-traumatique sont des réactions normales à des événements perturbants, ils se transforment en troubles mentaux lorsqu’ils se prolongent dans le temps et sont trop intenses. Il est important de préciser que toutes les personnes confrontées à un événement perturbant, quelle qu’en soit la gravité, ne développent pas un trouble de stress post-traumatique. Cela n’arrive en réalité qu’à une petite minorité de la population touchée. La plupart des personnes qui vivent des événements traumatisants peuvent avoir des difficultés temporaires à s’adapter et à faire face, mais avec du temps et une bonne prise en charge, elles se rétablissent généralement. De plus, le trouble de stress post-traumatique est généralement un trouble mental léger à modéré, et ses manifestations graves, qui empêchent le patient de mener pleinement sa vie, sont des épiphénomènes. Les principales manifestations du trouble peuvent être classées en trois grands groupes de réactions :
Revivre des événements traumatisants |
Éviter les éléments déclencheurs |
Hypersensibilité |
---|---|---|
Cauchemars | Situations qui rappellent l’événement ou les personnes impliquées, en particulier les auteurs |
Être sur ses gardes |
Souvenirs douloureux | Perte d’intérêt ou repli sur soi | Difficultés à dormir |
Anxiété | Se sentir détaché des autres | Explosions de colère, irritabilité |
Sentiment de peur extrême | Se sentir déconnecté du monde | Difficulté à se concentrer ou à penser clairement |
Flash-backs | Refouler ses émotions | Être exagérément inquiet en répondant aux questions |
Pensées intrusives | Problèmes de mémoire | Crises de panique |
Il est important de garder à l’esprit que certaines manifestations négatives sont normales : ce qui fait qu’elles font partie d’un trouble mental est leur combinaison, qui ne peut être évaluée que dans le cadre d’un entretien clinique.
Communiquer avec un migrant qui souffre du trouble de stress post-traumatique
Lors d’une consultation avec un migrant qui souffre du trouble de stress post-traumatique, le chargé de dossier doit d’abord le rassurer sur le fait qu’il se trouve dans un environnement sûr. Il doit inviter la personne à s’asseoir dans la pièce, face à la porte d’entrée et dos au mur (le fait de se trouver dos à la porte d’entrée ou à la fenêtre peut déclencher des réactions d’anxiété). Le chargé de dossier ne doit pas s’asseoir derrière son bureau mais face à la personne de retour, près de la chaise de cette dernière, dans une position détendue, afin de lui montrer qu’il n’a rien à cacher. Il est important de réduire les facteurs de stress dans l’environnement du migrant qui souffre du trouble de stress post-traumatique, car un niveau de stress élevé le rend plus vulnérable à tout signe imprévisible (comme un bruit, une lumière, un objet) qui pourrait déclencher une réaction émotionnelle intense. Dans cette situation, le migrant revit les événements traumatisants : la réalité présente n’existe plus et ce qu’il vit est la réalité de son traumatisme, constituée des odeurs, des couleurs et des bruits perçus à ce moment particulier. Le chargé de dossier doit être conscient du fait que la personne
de retour peut refuser d’entrer dans une pièce particulière sans donner de raison : il est important de ne pas la forcer et de proposer une alternative. Tous les objets, situations et personnes qui pourraient être liés aux événements traumatisants peuvent déclencher une réaction intense.
Il est essentiel de ne pas forcer le migrant de retour à parler de ses expériences traumatisantes. Il est utile de privilégier un langage simple, car cela crée un climat de confiance et favorise l’autonomisation. Demandez à la personne ce qui la met à l’aise. Ses besoins et sa façon de faire face aux difficultés doivent être respectés et ne pas être considérés comme bizarres ou illogiques.
Une personne qui souffre du trouble de stress post-traumatique a tendance à ressasser ses histoires et ses expériences : il est important de l’accepter et de ne pas l’interrompre. Il est recommandé de demander au migrant de retour s’il a besoin de faire des pauses et si la séance de consultation est trop fatigante.
Si une crise se produit sous la forme d’une réaction émotionnelle très intense (la personne peut se lever soudainement, fuir la pièce, avoir des difficultés à respirer ou même s’évanouir), il est essentiel de garder son calme, rester à côté d’elle, lui répéter qu’elle est en sécurité et lui demander comment on peut l’aider. Le chargé de dossier peut lui demander si elle a ses médicaments sur elle en cas de besoin. Dans l’intervalle, il est recommandé de contacter le médecin et un membre de la famille, un soignant, un mentor ou un pair qui peut l’aider.
Aide psychosociale au niveau individuel
En cas de stress post-traumatique, les interventions d’aide psychosociale peuvent aider le migrant de retour à :
-
Avoir une impression de sûreté et de sécurité ;
-
Fixer des limites adaptées à sa situation ;
-
Se concentrer sur le présent et l’avenir, et moins sur le passé ;
-
Retrouver un sentiment de contrôle ;
-
S’intégrer dans sa communauté.
Aide psychosociale au niveau de la famille
La collaboration de la famille est importante lorsqu’il s’agit de soutenir une personne souffrant du trouble de stress post-traumatique. Le chargé de dossier doit entreprendre les tâches suivantes :
-
Informer la famille de l’état mental du migrant et de ses manifestations ;
-
Discuter avec les membres de la famille de l’importance des médicaments et de la nécessité de les prendre conformément à la prescription;
-
Leur expliquer à quel point il est important de minimiser le stress, par exemple en respectant les limites de la personne ;
-
Leur expliquer qu’en cas de crise, ils doivent rester calmes et demander de l’aide ;
-
Leur proposer de trouver des activités qui aident la personne à se concentrer sur le présent et l’avenir et
qui l’aident à se sentir valorisée ; -
Les encourager à trouver un travail adapté à l’intéressé. Une formation professionnelle ou un emploi dans un environnement protégé lui seront bénéfiques.
Aide psychosociale au niveau communautaire
Comme pour les autres troubles, il est important d’aider la communauté à comprendre le trouble de stress post-traumatique en lui fournissant des informations élémentaires. Cela peut être fait par l’intermédiaire des dirigeants de la communauté et avec la participation de la famille. Une réunion d’information en groupe, menée conjointement par le chargé de dossier et le chef de la communauté (et, le cas échéant, un médecin) en présence de la famille, mais pas nécessairement du migrant, peut constituer une bonne pratique. Cette réunion permettrait d’aborder la question de la stigmatisation et de créer un environnement collectif de soutien autour de la personne concernée.
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88G. Schininá et T.E Zanghellini, Internal and International Migration and its Impact on the Mental Health of Migrants. Dans : D. Moussaoui,
D. Bhugra, A. Ventriglio (éds) Mental Health and Illness in Migration. Mental Health and Illness Worldwide (Springer, Singapour, 2018).
89Il est fait référence ici à ce que l’on appelle, dans la plupart des lois nationales, la « loi sur la capacité mentale » (« Mental Capacity Act »). Elle définit les types de troubles mentaux pour lesquels une personne est jugée incapable de prendre une décision concernant son hospitalisation et son traitement, afin qu’un traitement puisse lui être imposé. Il en va de même pour toute forme de consentement (OIM, 2014). Il est important de préciser que la capacité mentale évolue avec le temps, ce qui signifie qu’un même migrant de retour, actuellement incapable de donner son consentement, pourrait être en mesure de prendre une décision compétente à un stade ultérieur. Une décision est dite compétente lorsque l’intéressé possède les capacités mentales suffisantes pour comprendre un problème, prendre une décision raisonnée par rapport à celui-ci et comprendre et apprécier les conséquences potentielles de cette décision. L’on présume généralement que les personnes de moins de 18 ans (enfants) ou souffrant de problèmes de santé mentale n’ont pas la capacité de donner leur consentement (IOM/IN/236, 2016).
À mesure que progressent les discussions sur le plan de réintégration du migrant, le chargé de dossier doit donner au bénéficiaire une idée réaliste des options et possibilités disponibles et veiller à ne pas créer d’attentes irréalistes et fausses.
Une liste de messages clés à communiquer au migrant est présentée dans la section 2.1 de la partie principale du présent manuel. De plus amples informations sont disponibles dans le document Preparing for return (OIM, 2015).
Après avoir communiqué ces messages, le chargé de dossier peut inviter la personne à réfléchir à l’expérience du retour, en se concentrant sur les possibilités présentes et futures, et sur l’ensemble des compétences acquises à l’étranger qui peuvent être un atout dans le pays d’origine. Il s’agit d’une forme d’aide psychosociale élémentaire, car elle donne au migrant de retour la possibilité de parler de ses préoccupations quotidiennes, et l’aide à faire preuve de résilience, à faire face à ses émotions négatives et à envisager une nouvelle vie. Le chargé de dossier n’est pas censé commenter les déclarations du migrant mais, en s’appuyant sur les techniques d’écoute active, il peut l’aider à clarifier et à organiser ses pensées et ses idées, et à établir des priorités. Le chargé de dossier ne décide jamais à la place du migrant, mais peut prendre des notes.
La discussion devrait suivre l’ordre « souffrance, résilience, évolution déclenchée » correspondant à la grille de Renos Papadopoulos, dont il a été question dans un chapitre précédent. Le but ultime est de montrer qu’aucune expérience n’est jamais entièrement positive ou négative et que le retour peut stimuler de possibles évolutions.
Attentes et suppositions
Les migrants reviennent dans leur pays d’origine avec beaucoup de craintes et d’espoirs et de nombreuses attentes, tant positives que négatives, généralement basées sur des croyances, des suppositions et des préjugés. Le chargé de dossier doit suggérer à la personne de retour de se concentrer sur la réalité, sur le moment présent, sur ce qu’elle voit, entend et découvre au jour le jour. Si elle a des doutes, elle doit en discuter avec une personne de confiance.
Préoccupations
Le migrant peut revenir avec de nombreuses préoccupations, par exemple, se sentir coupable d’avoir quitté son foyer, se demander comment il va se réinstaller ou craindre de ne pas pouvoir répondre aux attentes qu’il a créées chez les autres. Il peut être préoccupé par des problèmes concrets comme des dettes à payer, le fait de trouver un emploi ou le voyage pour rentrer chez lui. Et bien sûr, il peut se demander s’il a pris la bonne décision. Pour toutes ces raisons, le migrant peut parfois se sentir seul, et penser que personne ne peut réellement comprendre ce qu’il a vécu.
Le migrant peut éprouver des sentiments de gêne, de culpabilité ou la peur de perdre la face. Une fois qu’il est rentré, ces mêmes émotions peuvent entraver sa réintégration dans le pays d’origine et l’empêcher de se sentir chez lui. Il est important de discuter de ces émotions et de les prendre au sérieux, en trouvant un moyen d’y faire face et de rétablir son estime de lui‑même.
Le chargé de dossier doit rappeler à la personne de retour que ces préoccupations et souffrances sont normales.
Le chargé de dossier :
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« Que pensez-vous pouvoir faire pour vous sentir chez vous dans votre pays ? »
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« Quelles actions concrètes pouvez-vous entreprendre pour aller de l’avant ? »
Ces deux questions peuvent sembler similaires, mais elles ne le sont pas : la première invite le migrant à une introspection sur un éventuel plan d’action, tandis que la seconde l’incite à réfléchir à des actions concrètes.
Il appartient au chargé de dossier de déterminer ce qui est réellement faisable. C’est une manière de susciter la résilience et une attitude dynamique face aux défis de la réadaptation à un environnement qui peut être difficile à comprendre.
Il est également important de souligner que tous les migrants ne reviennent pas dans leur pays d’origine avec une vision négative de leur avenir : certains font preuve d’enthousiasme et de détermination à réussir. En outre, ces deux attitudes coexistent toujours chez un même individu. Le chargé de dossier doit à la fois reconnaître la souffrance et valoriser et renforcer les attitudes plus positives et dynamiques, qui augmentent la durabilité du processus de réintégration.
Adaptation
Il faut du temps pour s’adapter au retour, tout comme il a fallu du temps pour s’adapter dans le pays d’accueil. Il y aura des hauts et des bas : c’est normal. Il ne faut pas laisser le migrant croire que toutes les difficultés seront rapidement surmontées : il est essentiel qu’il reste ouvert à toutes les possibilités qui peuvent se présenter. Parfois, ce qui est nouveau représente une difficulté ; parfois ce changement est seulement positif.
• « Avez-vous réfléchi à la manière dont vous pouvez vous appuyer sur les choses et les personnes sur lesquelles
vous pouvez compter ? »
Le chargé de dossier doit non seulement donner des pistes de réflexion importantes, mais également s’appuyer sur les réponses du migrant pour élaborer avec lui un plan de réintégration durable. Il peut rappeler à la personne de retour que certains jours, elle aura l’impression que le fait de devoir tout recommencer est un fardeau, tandis que d’autres jours, elle verra le côté positif et percevra qu’une nouvelle vie représente une nouvelle chance : il est tout simplement normal de passer d’une émotion à l’autre. Ce qui importe est que le migrant suive une étape à la fois, sans se dire qu’il a des réponses immédiates aux questions et des solutions rapides aux problèmes. Le fait de suivre une étape à la fois constitue une attitude réaliste.
Faire face aux changements
Le migrant a probablement changé : c’est une personne différente qui revient, avec un regard différent. Son pays a lui aussi changé : les gens, les services, les structures, etc.. La personne de retour peut donc mettre un certain temps à se sentir à nouveau intégrée socialement. Le chargé de dossier doit rappeler au migrant que plus le séjour à l’étranger a été long, plus les changements risquent d’être importants.
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« Avez-vous remarqué de nombreux changements dans votre pays ? Ces changements sont-ils positifs ou
négatifs ? » -
« Comment pensez-vous que ces changements puissent faciliter ou entraver votre réintégration ? »
Ces questions du chargé de dossier aident la personne de retour à décider comment faire face au changement et à comprendre que celui-ci n’est pas forcément négatif. Pour cela, elle doit également être ouverte aux changements qui se sont produits au sein de la communauté. Il faut du temps au migrant pour s’adapter à son retour, et il faut du temps à la communauté pour s’adapter au retour du migrant. Cela signifie que le migrant peut essayer de rester ouvert sans attendre la même chose de sa communauté. Ses amis risquent de mettre du temps à comprendre où il est allé et ce qu’il a vécu. Le chargé de dossier peut lui proposer de parler de ses expériences, lorsqu’il se sentira à l’aise : cela peut aider la communauté à comprendre sa décision de revenir.
• « Avez-vous pensé à raconter votre expérience pour aider les gens à comprendre votre décision de rentrer ? »
Il est vrai que de nombreuses personnes, au sein de la communauté, peuvent percevoir le retour comme un échec et en avoir honte. La famille peut avoir pris en charge les frais de voyage et ne pas être en mesure de rembourser la dette. Les membres de la communauté peuvent avoir eu des attentes concernant le séjour du migrant dans un autre pays, et il n’a pas répondu à ces espoirs. Le chargé de dossier doit dire à la personne de retour qu’il s’agit d’expériences normales dans le cadre de la migration et qu’elle ne doit pas avoir honte ou se sentir obligée de demander pardon pour ce qui s’est passé, car cela n’est pas de sa faute. Elle a fait ce qu’elle a pu ; maintenant, il est temps de se concentrer sur le présent. Le chargé de dossier doit envisager un éventuel programme de réintégration en tenant compte de la façon dont le bénéficiaire aborde ces sujets.
Famille et amis
Le migrant va reprendre ses relations avec sa famille, en particulier avec ses enfants ou un partenaire resté au pays. Ces membres de la famille peuvent avoir des sentiments mitigés à l’égard de son retour : certains sont positifs (comme la joie, le soulagement et l’enthousiasme) et d’autres plus difficiles (comme la jalousie, la colère ou l’anxiété face à l’avenir). Il est très important de discuter des relations entre le migrant de retour et sa famille et ses amis. De mauvaises relations peuvent représenter une vulnérabilité qui risque d’entraver le processus de réintégration.
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« Avez-vous gardé contact avec votre famille, avec vos amis pendant que vous étiez à l’étranger ? »
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« Votre famille sait-elle que vous avez décidé de revenir ? »
Le migrant craint souvent les questions posées par sa famille et ses amis. Il peut les considérer comme intrusives et moralisatrices, sans se dire que sa famille et ses amis veulent simplement savoir ce qui s’est réellement passé à l’étranger.
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« Craignez-vous ce que votre famille et vos amis pourraient vous demander ? »
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« Pensez-vous qu’ils vont vous reprocher votre retour ? »
Le chargé de dossier doit inviter le migrant à réfléchir aux expériences qu’il souhaite raconter à sa famille et ses amis.
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« Que pensez-vous de la possibilité de raconter aux membres de votre famille les expériences que vous avez eues à l’étranger ? Que souhaiteriez-vous qu’ils sachent de ce que vous avez vécu ? »
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« Pouvez-vous faire part à votre famille de vos (éventuelles) difficultés de réadaptation ? »
Par ces questions, le chargé de dossier essaie de favoriser, si possible, le rétablissement ou le renforcement des liens familiaux et aide le migrant à envisager les possibles conséquences émotionnelles du fait de raconter ses expériences. Ces questions relèvent du domaine des émotions : elles peuvent déclencher des réactions auxquelles le chargé de dossier doit répondre.
Le chargé de dossier peut suggérer au migrant d’être sincère et de faire part de ses expériences au lieu de les cacher, en montrant des photos et d’autres choses qui peuvent aider sa famille à comprendre ce qu’il a vécu et lui permettre de partager également ses craintes, ses préoccupations et ses difficultés de réadaptation. Si le migrant considère sa famille ou son domicile comme un environnement peu sûr, il est utile de lui demander s’il connaît un autre endroit où il peut résider en attendant de trouver un emploi et un logement qui répondent à ses besoins en matière de sécurité.
Communauté
Le migrant peut craindre de ne pas être facilement accepté par sa communauté ou d’avoir perdu son statut depuis son départ. Il peut penser que sa communauté s’attend à ce qu’il revienne riche après avoir réussi, et qu’il va devoir faire face à ces attentes. Il peut craindre que sa communauté ne soit pas en mesure de comprendre ce qu’il a vécu. Certains migrants décident délibérément de s’isoler de leur communauté d’origine, et même de retourner dans une autre région parce qu’ils craignent la stigmatisation liée au retour ou ont honte de ce qu’ils ont vécu. Le chargé de dossier ne doit jamais forcer les personnes de retour à entrer en contact avec leur famille ou leurs amis contre leur gré, mais doit néanmoins souligner à quel point il est important d’établir des relations solides avec des pairs ou d’autres personnes de retour.
L’impression qu’a le migrant de ne pas appartenir à sa communauté doit être reconnue non seulement d’un point de vue émotionnel, mais aussi d’un point de vue opérationnel. Tout conflit éventuel avec la communauté d’origine ou avec la famille doit également être traité avec l’aide d’acteurs locaux, tels que des ONG, associations, représentants du gouvernement, etc.. La médiation constitue une option.
La communauté, tout comme la famille, peut représenter à la fois un obstacle et une ressource pour le projet de réintégration du migrant. C’est pourquoi il est essentiel d’interroger ce dernier sur ses relations avec sa communauté.
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« Comment votre communauté réagit-elle à votre retour ? »
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« Comment pensez-vous pouvoir faire face aux réactions de votre communauté ? »
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« Pensez-vous que ce que vous avez appris à l’étranger peut vous servir, ainsi qu’à votre communauté ? »
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« Pensez-vous pouvoir apporter une contribution à votre communauté ? »
Le chargé de dossier peut suggérer au migrant de chercher des groupes de soutien ou de pairs, où il pourrait entrer en contact avec des personnes ayant des intérêts et des expériences similaires. En cas de difficultés avec la communauté, ces groupes peuvent apporter un soutien. Le chargé de dossier peut encourager la personne de retour à ne pas avoir peur de raconter ce qu’elle a vécu, car cela peut l’aider à créer des liens avec ses pairs.
- « Que pensez-vous pouvoir apporter à votre communauté, à votre village et à votre pays d’origine ? »
Cela permettra également au migrant de retour de lutter contre la stigmatisation et les impressions négatives, et de redevenir un membre actif de sa communauté, en créant des moyens d’y participer et d’y contribuer.
Ressources
Les ressources représentent les facteurs de résilience du migrant de retour. Elles l’ont aidé lorsqu’il a quitté son pays d’origine et peuvent maintenant faciliter sa réintégration. Le chargé de dossier doit inviter le migrant à réfléchir aux ressources dont il dispose peut-être déjà. Les ressources ne sont pas seulement de l’argent ou des biens, mais aussi l’expérience, des projets, des idées et des personnes de confiance. Le migrant de retour n’a peut-être pas d’argent à partager ou pour rembourser ses dettes, mais il ne revient pas vraiment « les mains vides » : il a acquis une expérience qui peut être utilisée lors du processus de réintégration. L’expérience et le courage doivent être considérés comme des ressources : il s’agit de deux facteurs de résilience importants qui aideront le migrant à aller de l’avant.
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« Avez-vous réfléchi à la manière dont vous pouvez utiliser votre expérience, vos idées et vos contacts pour
trouver ou créer de nouvelles possibilités pour vous-même ? » -
« Avez-vous déjà des projets d’avenir ? »
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« Pensez-vous pouvoir utiliser dans votre propre pays ce que vous avez appris à l’étranger ? »
Le migrant doit être fier de ce qu’il a déjà accompli. Il peut continuer à faire preuve de dynamisme et à construire son propre avenir.
En ce qui concerne ses plans, le chargé de dossier peut lui suggérer de se fixer des objectifs réalistes et concrets : le moindre petit résultat le motivera à aller de l’avant et les résultats négatifs ne doivent pas l’empêcher de progresser.
Compétences
Le migrant possède non seulement les compétences qu’il avait déjà avant de quitter son pays d’origine, mais également celles qu’il a acquises à l’étranger. Les compétences désignent non seulement des aptitudes, mais aussi des attitudes, connaissances, compétences linguistiques, techniques, etc.
Toutes ces compétences peuvent favoriser le progrès et être utilisées de manière fructueuse pour la réintégration dans le pays d’origine, notamment au sein de la communauté.
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« Quelles sont vos compétences ? »
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« Quelles nouvelles compétences avez-vous acquises pendant que vous étiez à l’étranger ? »
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« À votre avis, quelles seront les compétences les plus utiles pour vous (ainsi que pour votre famille et votre communauté) ? »
Le chargé de dossier peut rappeler au migrant de retour qu’il a des compétences et des ressources que d’autres voient alors qu’il ne les voit pas lui-même : il est utile de demander aux personnes de l’entourage du migrant, auxquelles il fait confiance, de lui dire quelles qualités elles voient en lui. Cela l’aidera à se construire une image plus forte de lui-même et à améliorer sa confiance en lui.
Priorités
Le migrant revient non seulement avec des préoccupations, mais aussi avec des priorités. Le chargé de dossier doit l’aider à se concentrer sur ce qui est nécessaire à court terme, et non sur ce qui est souhaité mais probablement irréalisable à moyen ou long terme. Il est important de fixer des objectifs réalistes et de satisfaire d’abord les besoins fondamentaux.
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« Qu’est-ce qui est le plus important pour vous ? Pensez d’abord à ce dont vous avez “besoin”, puis à ce que vous “voulez”. Pensez à la santé, au logement, à l’emploi, aux formations et aux autres priorités. »
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« Comment pensez-vous pouvoir répondre à ces besoins ? »
Les réponses à ces questions seront très utiles pour commencer à concevoir le plan de réintégration.
Objectifs
Si le migrant de retour a des objectifs, cela signifie probablement qu’il est motivé à aller de l’avant. Le chargé de dossier doit encourager cette motivation.
- « Quels sont les objectifs personnels que vous aimeriez réaliser dans votre pays ? »
Cette question est importante car elle incite à une réflexion sur les possibilités réelles de l’intéressé.
Les objectifs ne peuvent être atteints qu’en tirant parti de ses compétences personnelles et de ressources internes et externes. Le chargé de dossier, qui a un double objectif (donner des moyens d’action au migrant de retour et concevoir un plan de réintégration sur mesure), peut aider le bénéficiaire à rechercher activement des solutions.
Les consultations en vue de la prise de décisions comprennent une série de questions (voir ci‑après) pour aider le chargé de dossier à soutenir chaque migrant, tout en évaluant son attitude et sa motivation vis-à-vis du choix d’une carrière spécifique. Il est particulièrement important d’évaluer l’attitude et les motivations du migrant lorsque ce dernier est intéressé par une formation professionnelle ou de développement des compétences, car il s’agit généralement de procédures coûteuses, tant parce qu’il faut trouver le bon formateur qu’en termes de résultat : le migrant peut ne pas trouver d’emploi stable et à long terme (durabilité de l’intervention de réintégration), surtout si le tissu des entreprises locales est fragile et caractérisé par une faible productivité et des processus à forte intensité de main-d’oeuvre.
Questionnaire relatif à la prise de décisions
Les questions ci-après peuvent faciliter les consultations relatives à la prise de décisions et aider le chargé de dossier à soutenir les migrants, tout en évaluant leur attitude et leur motivation quant au choix d’une carrière spécifique. Ces questions sont tirées des pratiques d’orientation professionnelle utilisées par différents services publics de l’emploi opérant dans les pays en transition et en développement.
Questions relatives à la prise de décisions
- Que ressentez-vous à l’idée de prendre une décision concernant votre carrière ? De quoi auriez-vous besoin maintenant pour prendre une telle décision ? Qu’est-ce qui pourrait s’y opposer ?
- Comment avez-vous pris d’autres décisions importantes par le passé ? Y a-t-il une démarche particulière que vous aimez suivre ?
- Quelle a été la décision la plus importante et la plus difficile que vous ayez jamais eu à prendre ? En quoi était-elle difficile ? Quels étaient le contexte, les actions et les résultats particuliers ? Avez-vous été satisfait(e) des résultats ? Quelles stratégies avez‑vous appliquées ? Que s’est-il passé ? Que feriez-vous différemment ?
- Lorsque vous prenez des décisions, avez-vous tendance à consulter d’autres personnes ? Dans quelle mesure comptez-vous sur les autres pour vous aider à prendre des décisions ? Avez-vous tendance à suivre leurs conseils ou à en tenir compte ? Demander des exemples. Quels conseils (non sollicités) avezvous reçus d’autres personnes ? Quels commentaires vous a-t-on faits ?
- (Si le migrant a un niveau d’études secondaires ou supérieures) Quel type de processus avez-vous suivi pour choisir votre université ou votre école ?
- Comment aideriez-vous un ami à prendre une décision ?
- Quelles sont vos responsabilités actuelles ? Envers votre famille ? Envers votre communauté ? Comment votre choix de carrière s’inscrira-t-il dans ce tableau ? Envisageriez-vous un emploi loin de chez vous ? Seriez-vous disposé(e) à vous installer à [mentionner le nom d’une localité où le nombre d’offres d’emploi est élevé] pour y trouver un emploi ?
- Comment établissez-vous vos priorités ?
Questions destinées à recueillir des informations
- Sur quelles expériences s’appuie ce choix de carrière ?
- Qu’est-ce qui vous a plu et déplu dans vos expériences professionnelles ?
- [Pour les migrants qui prévoient de chercher un employeur de manière indépendante] Quelles sont les
ressources que vous utilisez actuellement ? Vos ressources sont-elles sur papier ? Sur ordinateur ? En
ligne ? S’agit-il de personnes ? Autres ? - Selon vous, quelles sont les prochaines étapes que vous devriez suivre ?
Questions relatives à la tolérance à l’ambiguïté
- Que ressentez-vous lorsque vous recevez des informations contradictoires de différentes sources ?
Comment gérez-vous ces différences ? - Pensez-vous que ce processus aboutira à un résultat positif ? De quelle manière ?
- Avez-vous bon espoir de trouver un emploi qui vous intéresse ? Pourquoi ou pourquoi pas
Questions relatives aux influences extérieures
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Qui influence vos décisions ?
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Qu’est-ce qui influence vos décisions ?
Questions relatives aux valeurs
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Quelles sont les valeurs importantes dans votre vie aujourd’hui ?
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À qui avez-vous parlé de votre situation ?
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Parlez-moi de vous [pour révéler les obstacles potentiels].
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Prenez-vous vos décisions en fonction des circonstances ou de vos valeurs ?
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Prenez-vous des décisions en suivant votre coeur ou votre tête ?
Élaboration du modèle en W
Pour commencer, le chargé de dossier dessine une forme en W sur un tableau ou une grande feuille de papier. Puis il explique au migrant que cette forme représente les moments clés qu’il a vécus depuis son retour dans son pays d’origine. Le début de la ligne représente le retour dans le pays d’origine, et la fin de la ligne représente le moment présent. Les points élevés (les « hauts ») représentent les meilleurs moments que le migrant ait connus depuis son retour – des moments de bien-être en termes économiques, relationnels ou de sentiment de stabilité et d’appartenance. Les points bas (les « bas ») représentent les pires moments que le migrant ait connus depuis son retour, les difficultés qu’il a dû surmonter.
Si le bénéficiaire sait lire et écrire, il doit écrire lui-même ses réponses sur un feuillet autocollant. Si ce n’est pas le cas, le chargé de dossier doit écrire ses réponses. Si le migrant a du mal à répondre, le chargé de dossier peut suggérer des facteurs de réintégration courants, tels que l’entrée sur le marché du travail, l’état de ses finances et la façon il évalue sa situation économique.
Une fois que les notes autocollantes ont été ajoutées sur le W, pour chacun des « bas », le chargé de dossier doit poser les questions suivantes :
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La difficulté a-t-elle été surmontée ? Si oui, comment et quand ?
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Si oui, qui a aidé à la surmonter ?
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Si ce n’est pas le cas, qui aurait dû aider ?
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Rétrospectivement, comment pensez-vous que cette situation aurait pu être mieux gérée ?
Pour chaque « haut » sur le plan économique, le chargé de dossier doit poser les questions suivantes :
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Dites-m’en plus sur les hauts. Quels facteurs ont conduit à cette possibilité ?
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Qui vous a aidé à y accéder ?
Enfin, le chargé de dossier doit interroger le migrant sur ses espoirs, ses projets et ses aspirations en matière de réussite économique future.
Une fois le modèle en W terminé, le chargé de dossier doit demander au migrant quels services pourraient l’aider à surmonter les difficultés qu’il rencontre et qui fournit ces services. S’il existe un prestataire, le chargé de dossier doit demander comment le migrant peut avoir accès aux services disponibles. En l’absence de prestataire, il doit demander qui d’autre pourrait lui fournir ces services.
Par la suite, le chargé de dossier doit demander au migrant s’il est en contact avec des organisations locales, s’il sait quels services elles fournissent et les raisons de ses liens avec ces organisations. Le chargé de dossier doit également lui demander s’il connaît des ONG qui fournissent une aide aux communautés et aux individus dans la région où il vit, ce qu’elles font et s’il pourrait bénéficier de leur soutien. Enfin, le chargé de dossier doit demander à la personne de retour de décrire sa relation avec les employeurs et propriétaires d’entreprises (le cas échéant) et de préciser s’il peut faire quelque chose pour l’aider.
Ces questions sur la prestation de services servent deux objectifs différents, car elles permettent au chargé de dossier :
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D’encourager le migrant de retour à entrer en contact avec tous les prestataires compétents (publics, privés, organisations de la société civile, ONG, etc.) et à surmonter les éventuels obstacles auxquels il pourrait être confronté en voulant y accéder ;
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De recenser d’autres fournisseurs de services dont l’organisation chargée de la réintégration dans le pays d’origine peut ne pas avoir connaissance, et qui ne sont pas inclus dans le système d’orientation de l’organisation. Ainsi, les informations de terrain fournies par les migrants sur les prestataires de services et d’assistance et les modalités d’accès peuvent être très précieuses pour la mise à jour du système d’orientation de l’organisation (voir la section 4.1.3 pour plus d’informations sur la mise en place de systèmes d’orientation). Ces informations peuvent être utilisées à la fois pour ajouter de nouveaux prestataires au système d’orientation et pour supprimer ou modifier les paramètres des prestataires qui ont cessé de fournir leurs services ou changé leur processus d’inscription et d’appui.
Après l’entretien, le chargé de dossier prendra une photo du modèle en W complété, en vue de la documentation et du suivi.
Si le processus d’entretien précédemment décrit sert principalement à appuyer les consultations fournies après le retour, le modèle en W peut également être utilisé comme un outil permettant à la fois d’identifier des approches complémentaires adéquates pendant la mise en oeuvre du plan de réintégration et de faciliter l’évaluation de l’efficacité des différentes mesures dans ce domaine après la mise en oeuvre du plan. Pour pouvoir servir à l’élaboration des programmes et au développement des projets, le modèle en W doit être utilisé au moins deux fois au cours du processus de réintégration de chaque migrant, la première fois lors de la planification de la réintégration dans le cadre de la consultation post-retour, puis pendant ou après la mise en oeuvre du plan de réintégration.
Groupe de la Banque mondiale
2016 Livelihood Interventions as Psychosocial Interventions. Vidéo, Campus en ligne de la Banque mondiale. Cette vidéo s’inscrit dans une série qui présente pourquoi et comment les initiatives d’aide aux moyens de subsistance peuvent être conçues pour répondre de manière appropriée et éthique aux besoins psychosociaux et en matière de santé mentale afin que les populations touchées par des traumatismes et des difficultés économiques puissent bénéficier pleinement des possibilités offertes par ces programmes de développement.
Organisation internationale pour les migrations (OIM)
2014 Returning with a health condition: A toolkit for counselling migrants with health concerns. Genève.
2015 Preparing for Return. Genève.
Organisation mondiale de la Santé (OMS), World Trauma Foundation (WTF), World Vision International
2011 Premiers secours psychologiques. Genève. Donne une description détaillée des premiers secours psychologiques.
Un séminaire en ligne sur les premiers secours psychologiques est également disponible à l’adresse https://app.mhpss.net/event/webinar-psychological-first-aid-pfa-between-evidenceand-practice/. (Pour y accéder, veuillez d’abord vous inscrire sur MHPSS.net)