Module 2: AIDE À LA RÉINTÉGRATION AU NIVEAU INDIVIDUEL

2.1 Consultations dans le cadre de la gestion des dossiers

Le travail effectué par les chargés de dossier, qui consiste à accompagner les personnes de retour dans le cadre de consultations, est l’un des moyens les plus efficaces d’apporter aux intéressés une aide adaptée. La gestion des dossiers est une pratique courante du travail social qui aide les bénéficiaires à subvenir à leurs besoins lorsqu’ils reçoivent les services d’un large éventail de prestataires. Dans le contexte du retour et de la réintégration, la gestion des dossiers peut aider les migrants à s’orienter entre des services de soutien souvent fragmentés.

Si la gestion des dossiers est généralement mise en œuvre au niveau individuel, les chargés de dossier doivent comprendre que les facteurs communautaires et structurels ont également une incidence sur la réintégration. Les chargés de dossier constituent un lien entre le migrant et la communauté dans laquelle il retourne. Ils peuvent également superviser les activités de réintégration au niveau communautaire (voir le module 3) en jouant un rôle essentiel dans la fourniture d’une aide intégrée. Pour des informations plus détaillées sur la gestion des dossiers, voir le manuel de IOM Handbook on Protection and Assistance to Migrants Vulnerable to Violence, Exploitation and Abuse (2019).

Le présent chapitre donne un aperçu général des consultations à l’intention des chargés de dossier. Il s’agit notamment des éléments suivants :

2.1.1 Principaux éléments des consultations à l’usage des chargés de dossier, y compris dans le pays d’accueil

2.1.2 Première séance de consultation en vue de la réintégration : guide par étapes

2.1.1 Principaux éléments des consultations à l’usage des chargés de dossier

Les consultations sont une étape fondamentale de la conception, de l’élaboration et de la mise en œuvre de l’aide à la réintégration. Elles sont généralement fournies par les chargés de dossier et ont pour objectif de mobiliser et d’autonomiser les migrants de retour avant leur départ et à leur arrivée dans le pays d’origine. Les consultations consistent à :

  • Assurer la communication entre une personne ayant un besoin et une autre personne qui aide à y remédier ;
  • Écouter une personne et lui donner toute son attention ;
  • Poser des questions afin de recueillir des informations et de témoigner son intérêt ;
  • Faire preuve de respect et de compréhension afin d’essayer de voir les choses du point de vue de l’autre personne sans la juger ;
  • Donner au bénéficiaire des moyens d’action en l’aidant à voir ses points forts ;
  • Donner des renseignements au bénéficiaire afin qu’il puisse faire ses propres choix ;
  • Aider le bénéficiaire à prendre ses propres décisions ;
  • Fournir une aide en apportant son soutien et sa compréhension ;
  • Aider le bénéficiaire à faire le point sur ses besoins, à examiner les options disponibles et à décider de la marche à suivre.

La section suivante donne des directives sur les consultations à fournir dans le cadre de la gestion des dossiers en vue de la réintégration. L’annexe 1.A contient des instructions plus détaillées sur les techniques de communication à l’usage des chargés de dossier.

Consultations dans le pays d’accueil

Les consultations fournies en vue de la réintégration sont différentes des consultations liées au retour. Ces dernières ont pour objectif principal d’aider les migrants à prendre la décision de retourner dans leur pays d’origine ou de rester dans le pays d’accueil. Les consultations en vue de la réintégration, en revanche, sont axées sur la manière dont les migrants se réintégreront dans leur pays d’origine une fois qu’ils ont décidé d’y retourner. Chaque fois que cela est possible, les consultations en vue de la réintégration doivent commencer avant le départ, afin que la décision de rentrer soit éclairée et pour préparer l’intéressé au processus de réintégration. Lors d’une séance de consultation effectuée avant le départ, les chargés de dossier doivent être en mesure de fournir au migrant des informations sur le type de services dont il pourra bénéficier, à son retour, dans le pays d’origine, ainsi que des documents dans une langue qu’il comprend. Le contenu de cette séance d’information doit donc être coordonné entre les membres du personnel dans le pays d’origine et le pays d’accueil.

 

COUP DE PROJECTEUR

Afin d’éviter malentendus et déceptions, les chargés de dossier doivent donner des informations objectives et impartiales sur le pays d’origine afin que les migrants qui envisagent le retour soient conscients des difficultés et responsabilités qui les attendent. Ils ne doivent parler aux migrants que des services de réintégration auxquels ils auront accès dans le pays d’origine. Les chargés de dossier doivent mentionner à la fois les limites de l’aide et les conditions préalables pour l’obtenir, afin que les migrants puissent planifier leur retour et que leurs attentes concernant celui-ci soient réalistes. Ils doivent éviter d’évoquer les activités de réintégration auxquelles les migrants risquent de ne pas avoir accès, car ces derniers risquent fortement d’être frustrés s’ils s’aperçoivent à un stade ultérieur qu’ils ne peuvent bénéficier d’une assistance plus complète. Les chargés de dossier doivent également tenter de dissiper toute rumeur ou fausse information que les migrants auraient pu entendre concernant l’aide ou le processus de réintégration.

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Consultations en face à face avec les membres du personnel du pays d’origine chargés de la réintégration

Ces dernières années, les membres du personnel du bureau de l’OIM en Iraq chargés de l’AVRR se sont rendus dans des centres d’accueil de migrants dans des pays européens afin de mener des consultations collectives avec les migrants iraquiens et de fournir des informations aux institutions compétentes du pays hôte. Les membres du personnel de l’OIM, leurs homologues dans les pays d’accueil et les migrants ont perçu ces activités comme très positives. L’expérience a montré que les migrants iraquiens accordaient davantage de confiance aux informations provenant d’une organisation indépendante, comme l’OIM, qu’à celles qui provenaient d’une source gouvernementale. Cela s’explique en particulier par le fait que les effectifs recrutés sur le plan national, qui travaillent et vivent en Iraq, peuvent fournir des informations de première main. Si les consultations à distance constituent déjà une étape importante de la préparation globale des migrants avant leur retour, ce sont les consultations collectives en face à face, menées régulièrement par le personnel du pays d’origine dans le pays d’accueil, qui se sont avérées les plus efficaces pour assurer la confiance, l’adhésion et la préparation des bénéficiaires.

2.1.2 Première séance de consultation en vue de la réintégration : guide par étapes

Si les consultations en vue de la réintégration peuvent commencer avant le départ, elles deviennent cruciales après l’arrivée dans le pays d’origine.

Lors de la première séance de consultation dans le pays d’origine, le chargé de dossier fournit aux migrants de retour un soutien psychologique de premier recours et évalue s’il convient de les orienter vers des services spécialisés. Cette première séance doit être axée sur les trois mesures suivantes :

  • Fournir à la personne de retour un soutien psychologique de premier recours ;
  • Recueillir des informations sur la personne de retour, notamment afin d’évaluer les facteurs de vulnérabilité potentiels et de définir ses besoins immédiats ;
  • Donner au bénéficiaire des informations sur le processus d’aide à la réintégration.

On trouvera ci-après les étapes à suivre pour que la première séance de consultation soit fructueuse :

 

Les chargés de dossier peuvent se reporter à l’annexe 1.A pour connaître les techniques à suivre lors du premier entretien avec un migrant de retour, ou si le bénéficiaire est en situation de détresse.

Des consultations avec la famille peuvent également être nécessaires. Voir la section 2.6.2 pour de plus amples informations.

2.2

 

Étape 1 : Préparer la séance de consultation

Pour préparer la séance de consultation, le chargé de dossier doit examiner les informations fournies par le pays hôte, si cela est possible. Il s’agit notamment de faits et observations concernant la personne de retour, des informations sur ses éventuelles vulnérabilités et des principaux points à discuter en vue d’élaborer un plan de réintégration avant le départ. Le chargé de dossier doit axer ses efforts sur les activités spécifiques à entreprendre avec le migrant de retour, ainsi que sur un plan d’action aux objectifs clairs et réalisables. Il est recommandé aux chargés de dossier de garder à l’esprit les techniques d’écoute active (voir l’annexe 1.A), de prévoir suffisamment de temps pour une discussion et de répondre à toutes les questions que pourraient poser les bénéficiaires.

  • Choisir un lieu approprié. Les consultations doivent se dérouler dans un environnement qui réduit au minimum les interruptions et les facteurs de distraction, et où la vie privée et la confidentialité peuvent être respectées. Il doit s’agir d’un endroit accueillant, confortable et sécurisant, bien aéré et éclairé à la lumière naturelle. Si les consultations sont menées en ligne, le chargé de dossier doit éliminer toutes les sources de distraction du bureau et demander au bénéficiaire de faire de même de son côté, d’être seul et à l’aise dans la pièce.
    Si le chargé de dossier se rend chez le bénéficiaire, il lui est recommandé de s’asseoir dans un endroit confortable et discret, à l’écart des autres membres de la famille, et de réduire au minimum les sources de distraction potentielles en éteignant la radio ou la télévision.
  • Choisir le moment et la durée de la consultation. Le temps nécessaire à une consultation en vue de la réintégration dépend de la complexité de la situation du migrant de retour. Si ce dernier a besoin de davantage de temps ou est fatigué par la consultation, il faudra prévoir plusieurs séances successives. Le chargé de dossier doit choisir un moment de la journée où la consultation ne risque pas d’interférer avec d’autres activités, et se souvenir que des événements importants peuvent empêcher la personne de se concentrer sur l’entretien.
  • Prévenir les bénéficiaires et leur donner des informations sur la séance, afin qu’ils puissent s’y préparer. Ces informations doivent comprendre des instructions logistiques, par exemple sur les motifs de la consultation, l’heure, le lieu et la manière d’y accéder.
  • Recourir aux services d’un interprète si nécessaire, afin de faciliter la communication et l’échange d’informations avec la personne de retour. Donner à l’interprète des renseignements sur la séance et sur les dispositions en matière de confidentialité.
  • Recueillir et conserver les informations. Le chargé de dossier doit disposer d’un système permettant de noter les informations importantes issues des consultations et de les conserver en toute sécurité, en préservant leur confidentialité17.

Au début de la séance, le chargé de dossier doit saluer le bénéficiaire et lui souhaiter la bienvenue, se présenter et expliquer son rôle professionnel ainsi que celui de l’organisation pour laquelle il travaille. Certains migrants risquent d’être désorientés ou méfiants, en particulier dans le cas d’un retour forcé. Le plus important est de préciser l’objectif de la séance : parler de l’aide à la réintégration et expliquer à l’intéressé qu’il peut à tout moment choisir de rejeter cette aide.

Le chargé de dossier doit expliquer qu’il s’agit d’une réunion confidentielle et que seules des informations spécifiques nécessaires au processus de réintégration pourront être transmises à d’autres professionnels, toujours avec le consentement de la personne de retour. Le chargé de dossier doit permettre au bénéficiaire de se présenter et de poser des questions. La durée de la séance de consultation dépend de nombreux facteurs, notamment l’état mental, le niveau de fatigue et la capacité de concentration du migrant de retour. En observant la communication non verbale du bénéficiaire, le chargé de dossier devrait comprendre quand il est judicieux de proposer une pause ou d’interrompre la séance pour programmer la suivante.

 

Étape 2 : Créer un climat de confiance

Les premières minutes de l’entretien sont essentielles pour établir une relation de confiance. Le chargé de dossier peut commencer la séance de consultation en posant au bénéficiaire des questions générales et en faisant brièvement la conversation (« Comment vous sentez-vous ? Avez-vous eu du mal à trouver votre chemin jusqu’ici ? »). Il doit éviter de commencer par des questions sur les étapes récentes du voyage de retour. Le fait de faire preuve de respect aide à créer un climat de confiance, ce qui est essentiel à l’établissement d’un dialogue et d’une discussion fructueuse. De temps en temps au cours de la séance, il est bon de rassurer les bénéficiaires sur ce qui est et sera fait pour les aider, sans susciter d’attentes que l’organisation ne sera pas en mesure de satisfaire. Le chargé de dossier doit être prêt à réagir de manière appropriée aux informations qui lui sont confiées et éviter d’exacerber une situation de détresse. Il doit faciliter la discussion et encourager les bénéficiaires à fournir des informations complètes. 

Si nécessaire, le chargé de dossier peut proposer au bénéficiaire un soutien psychologique de premier recours. Cela peut consister à fournir des consultations en faisant preuve d’empathie et de soutien (voir l’annexe 1.A), à offrir les premiers secours psychologiques à un migrant particulièrement stressé lors des entretiens (voir l’annexe 1.C) ou à orienter le bénéficiaire vers des services de suivi psychologique ou autres services spécialisés de santé mentale ou psychosociaux (voir la section 2.6.3).

 

Étape 3 : Expliquer le processus d’aide à la réintégration

Les chargés de dossier doivent expliquer le processus de consultation ainsi que la manière dont fonctionne l’aide à la réintégration de manière générale. Ils doivent également demander aux migrants de retour s’ils comprennent ce qu’on leur explique, s’ils l’acceptent et s’ils donnent leur consentement. Les chargés de dossier doivent rappeler aux migrants de retour qu’ils ont le droit de les interrompre chaque fois qu’ils ont une question à poser. Cela permettra aux migrants de prendre des décisions. L’entretien pouvant susciter des réactions émotionnelles, les chargés de dossier doivent régulièrement demander aux bénéficiaires comment ils se sentent et s’il est possible de procéder au prochain point ou si une pause est nécessaire.

Les options en matière de réintégration peuvent être expliquées en détail plus tard, mais il est important que les bénéficiaires aient une bonne compréhension du processus. Les chargés de dossier doivent donner aux migrants de retour une idée réaliste des possibilités et des options disponibles. Ils ne doivent pas susciter d’attentes irréalistes qui pourraient nuire à la réintégration effective des migrants et créer un sentiment de frustration, voire de colère.

 

Étape 4 : Évaluer les facteurs de vulnérabilité

Les chargés de dossier devraient avoir reçu des informations sur les besoins et vulnérabilités des migrants avant leur retour. Toutefois, parce que ces informations peuvent être incomplètes ou parce que de nouveaux besoins et vulnérabilités peuvent apparaître à l’arrivée, les besoins, vulnérabilités et risques immédiats doivent être (ré)évalués dès l’arrivée dans le pays d’origine.

Il est essentiel de recenser les situations de vulnérabilité potentielles afin de pouvoir déterminer la nature et le calendrier de l’aide nécessaire dans le pays d’origine. Les migrants doivent être orientés de toute urgence vers les services compétents s’ils révèlent des informations pouvant mettre leur vie en danger ou nécessitant une attention d’urgence. Des informations détaillées sur l’évaluation des besoins, vulnérabilités et capacités des migrants de retour sont présentées à la section 2.2.

 

Étape 5 : Concevoir le plan de réintégration

Cette partie de la séance de consultation a pour objectif d’aider les migrants de retour à envisager leur avenir dans un esprit positif et de manière proactive. Le plan de réintégration ne se limite pas à l’éventuelle assistance fournie : il doit être plus large et couvrir différents aspects et facteurs de la réintégration – une sorte de « plan de vie » comprenant les objectifs des migrants de retour ainsi que les actions devant être menées par les intéressés comme par l’organisation qui fournit l’assistance. Le plan de réintégration devrait mettre en lumière les points forts et ressources des bénéficiaires, qui sont autant d’éléments essentiels pouvant faciliter le processus de réintégration. Dans le même temps, il est important que les migrants de retour parlent ouvertement des difficultés, problèmes et obstacles liés au retour afin que ceux-ci puissent être réglés, lorsque cela est possible.

Les chargés de dossier pourront trouver à l’annexe 1.F des orientations plus précises sur la manière d’aborder ces domaines et questions à poser.

La séance de consultation doit non seulement permettre de recueillir des informations essentielles en vue de concevoir un plan de réintégration adapté, mais également aider les bénéficiaires à trouver le juste équilibre entre attentes et réalité. Afin de faire face aux attentes des migrants de retour, le chargé de dossier doit, tout au long du processus de consultation, parler de façon ouverte et transparente des services d’aide à la réintégration disponibles, de leurs limites et des conditions à remplir pour y accéder.

Les chargés de dossier doivent inviter les bénéficiaires à exprimer leurs aspirations et leurs attentes, et à préciser leurs compétences et centres d’intérêt. Les personnes de retour doivent être encouragées à réfléchir à la manière dont leur expérience de la migration pourrait leur servir une fois de retour dans leur pays d’origine.

 

Étape 6 : Clore la première séance et planifier le suivi

Au début, la création ou la révision d’un plan individuel d’aide à la réintégration peut être chronophage. S’ils en ont le temps, les chargés de dossier doivent effectuer les évaluations décrites dans la section suivante (2.2) et concevoir un plan de réintégration (voir la section 2.3) avant de clore la première séance de consultation. La section 2.3 donne des orientations sur l’élaboration ou la révision de plans de réintégration concrets et spécifiques pour les personnes de retour et leur famille.

Toutefois, la création d’un plan de réintégration nécessite parfois une séance de consultation distincte. Si le chargé de dossier décide, en accord avec le bénéficiaire, de programmer une réunion pour concevoir le plan de réintégration spécifique, il doit clore la séance en résumant les points les plus importants et choisir la date de la séance de suivi.

Si, comme il est recommandé, le migrant a élaboré un plan de réintégration avant le départ, ce plan doit être revu et de nouveau examiné lors de la première séance qui aura lieu après l’arrivée, car des changements peuvent s’être produits entre-temps.

Lors de la première séance de consultation, il peut être vital d’orienter immédiatement le migrant de retour vers des services de santé appropriés – y compris de santé mentale. (Voir à la section 2.6.2 la liste des cas nécessitant une orientation immédiate vers des services de suivi spécialisés.)

Les consultations en vue de la réintégration ne sont pas une activité ponctuelle, mais un processus continu. Même une fois qu’un plan de réintégration a été créé et ses points mis en œuvre, les chargés de dossier doivent rester en contact régulier avec les migrants de retour afin de vérifier si le processus de réintégration se déroule conformément au plan, de limiter les éventuelles difficultés ou les moments pénibles et de tirer parti des nouvelles possibilités. (Voir la section 2.3.3 pour plus d’informations sur le suivi de la réintégration.)

17 Il est particulièrement important d’effectuer une évaluation du rapport risques/avantages ainsi qu’une évaluation de la sensibilité lors du traitement de données personnelles, ainsi que de faire preuve de transparence à cet égard auprès des personnes de retour. Il faut également prendre des précautions raisonnables et nécessaires pour assurer la confidentialité des données personnelles.