Module 2: AIDE À LA RÉINTÉGRATION AU NIVEAU INDIVIDUEL

2.3 Planification et suivi de la réintégration

Un plan de réintégration est un outil permettant aux migrants de retour de définir, avec l’appui du chargé de dossier, leurs objectifs en matière de réintégration et de planifier le type d’appui nécessaire ainsi que la manière dont il sera fourni. Le plan est élaboré grâce à une bonne compréhension des compétences, des besoins et des motivations de la personne de retour, ainsi que du contexte dans lequel elle revient, y compris les difficultés, les possibilités et les services disponibles. Un plan de réintégration doit être établi pour chaque migrant qui reçoit l’aide d’une organisation œuvrant dans ce domaine.

L’élaboration et la mise en œuvre d’un plan de réintégration réussi suivent quatre grandes étapes :

S’il est préférable de mettre au point et de perfectionner les plans de réintégration dans le mois qui suit le retour d’un migrant dans son pays d’origine, il est également préférable de pouvoir conserver une certaine marge de manœuvre en ce qui concerne les calendriers et les délais des programmes individuels. Les migrants n’ont pas tous les mêmes besoins et ne peuvent pas toujours se conformer à la même structure d’aide à la réintégration, en particulier lorsqu’ils sont en situation de vulnérabilité. Cela peut poser problème lorsque les sources de financement imposent des critères d’éligibilité rigides et que le poids de la responsabilité repose sur le seul migrant. Il est donc important de plaider, le cas échéant, pour des dérogations aux règlements et des délais plus souples.

Le présent chapitre fournit des données plus détaillées sur la conception et la mise en œuvre d’un plan de réintégration (voir les annexes pour des orientations supplémentaires) :

  • 2.3.1 Utilisation de la grille de faisabilité
  • 2.3.2 Éléments d’un plan de réintégration individuel
  • 2.3.3 Planification et suivi de la réintégration

2.3.1 Utilisation de la grille de faisabilité

La section 1.4.3 guide le personnel tout au long du processus d’élaboration de grilles de faisabilité dans le cadre d’un programme de réintégration. La présente section donne aux chargés de dossier des orientations sur l’utilisation des grilles, une fois qu’elles sont mises au point.

La grille de faisabilité est un outil que le chargé de dossier peut utiliser pour aider un migrant de retour à concevoir un plan de réintégration individuel. Elle présente diverses options pour faire face aux besoins économiques, sociaux et psychosociaux du bénéficiaire et pour déterminer les conditions dans lesquelles ces interventions sont le plus appropriées. La grille complète est disponible à l’annexe 5.

La grille de faisabilité permet d’adapter l’aide aux bénéficiaires, c’est-à-dire de sélectionner les services de réintégration destinés aux migrants de retour, à leur famille ou à leur communauté en fonction des circonstances individuelles et des obstacles rencontrés dans le processus de réintégration.

Les chargés de dossier doivent adapter les mesures de soutien aux migrants par modules. Dans la pratique, cela signifie que la nature, la durée et l’intensité des services de réintégration doivent correspondre aux besoins, aux capacités et aux intentions du bénéficiaire et de sa famille. Par exemple, une évaluation des compétences associée à un programme de trois mois d’EFTP sera utile pour un migrant, tandis qu’un autre aura seulement besoin d’être orienté vers un bureau local de service public de l’emploi pour une réintégration réussie sur le marché du travail.

2.3.2 Éléments d’un plan de réintégration individuel

La structure d’un plan de réintégration individuel varie d’un contexte et d’une organisation à l’autre, mais elle peut être calquée sur le modèle recommandé à l’annexe 3. Il faut généralement traiter les éléments ci-après, qui couvrent les aspects économiques, sociaux et psychosociaux de la réintégration :

  •  Ressources financières allouées (aide en espèces ou en nature, voir Tableau 2.2)
  •  Activités génératrices de revenus
  •  Formation professionnelle ou apprentissage
  •  Logement, alimentation et nutrition
  •  Besoins juridiques et en matière de documents
  •  Éducation et développement des compétences
  •  Besoins médicaux et liés à la santé
  •  Transport
  •  Sécurité
  •  Besoins psychosociaux
  •  Besoins de la famille et consultations

Le plan de réintégration doit tenir compte des informations recueillies lors de l’évaluation des besoins et donner une vue d’ensemble des services qui seront nécessaires aux migrants de retour, en fournissant notamment les coordonnées de fournisseurs de services. Il doit expliquer quand le dossier fera l’objet d’un suivi et de quelle manière, comment les commentaires du bénéficiaire seront pris en compte et comment les informations seront échangées entre le migrant de retour, le chargé de dossier et d’autres fournisseurs de services, en tenant compte de la vie privée et du principe de confidentialité.

Les plans de réintégration doivent en outre comporter une estimation de la durée pendant laquelle les migrants auront besoin d’accéder aux services. Dans la mesure du possible, ils doivent comprendre des informations sur l’achèvement de la gestion du dossier ou la clôture de celui-ci. La transition vers des services généraux devrait être examinée le cas échéant (par exemple, pour les personnes ayant des besoins médicaux ou psychosociaux sur le long terme). Les formulaires de consentement devraient comprendre toutes les composantes et être mis à jour chaque fois que le plan est modifié.

Prière de se reporter aux chapitres pertinents du présent Module pour des directives détaillées sur les modalités d’aide dans les domaines économique (2.4), social (2.5) et psychosocial (2.6).

Orientation vers les services existants

L’efficacité de la gestion des dossiers est largement tributaire de la solidité des liens et des mécanismes d’orientation dans le lieu de retour. Les mécanismes d’orientation sont des moyens formels ou informels de (re)créer des réseaux avec les organisations, les organismes et les prestataires existants. En coordonnant les services grâce à l’établissement de liens, l’objectif ultime est d’assurer aux bénéficiaires l’accès à un continuum de services, étant donné qu’il sera rarement possible ou approprié pour une seule organisation de répondre à tous les besoins de l’intéressé.

Dans le contexte du retour, le chargé de dossier oriente un migrant vers un service dans l’intention de répondre à ses besoins en matière de réintégration. Le processus d’orientation doit :

  • Comprendre des informations sur la procédure ;
  • Tenir compte des questions de vie privée, de protection des données et de confidentialité, en particulier lorsque des données personnelles sont échangées ;
  • Comprendre un processus de suivi.

Pour plus d’informations sur la création et le renforcement des mécanismes d’orientation dans les pays d’origine, voir la section 4.1.3.

Aide en espèces et en nature

Dans certains programmes, la fourniture directe d’une aide en espèces est un moyen de répondre aux besoins des migrants de retour, tout en renforçant leur capacité à déterminer la meilleure façon de satisfaire ces besoins. Toutefois, ces transferts de fonds comportent des risques et inconvénients potentiels. Le tableau ci-après présente les principaux critères et questions à prendre en compte pour choisir entre l’aide en espèces, l’aide en nature et une combinaison des deux.

 

Tableau 2.2 : Critères de prise de décision pour choisir entre l’aide en espèces et l’aide en nature

Niveau Éléments à prendre en considération
Élaboration du
programme
  • Un appui en espèces est-il prévu dans le programme de réintégration ?
Efficience
  • Le fait d’apporter une aide en espèces plutôt qu’un autre type d’aide (tel qu’un programme de subventions en nature) permettrait-il de réaliser des économies ou des gains d’efficacité tangibles ?
  • Si l’option retenue n’est pas la plus économique, pourquoi l’avoir choisie ?
Mesures
incitatives
  • Une aide en espèces constituerait-elle une mesure incitative pour un migrant ou un migrant potentiel, y compris en ce qui concerne les migrations irrégulières ?
Évaluation des
risques
  • Quels sont les risques et avantages potentiels de l’aide en espèces (par exemple, en ce qui concerne la dynamique individuelle, du ménage et de la communauté, l’insécurité, les cas de fraude ou de détournement et la protection des données) par rapport aux autres options disponibles ? Les conditions de sécurité (tant pour le bénéficiaire que pour le personnel) permettent-elles des versements directs en espèces aux personnes de retour ?
  • Ces risques sont-ils plus élevés que ceux encourus avec d’autres options, telles que les programmes de subventions en nature ?
  • Ces risques sont-ils acceptables ?
Conditions
  • Est-il nécessaire d’imposer des conditions pour atteindre les objectifs ?
  • Les biens, les services et l’assistance technique sont-ils disponibles en quantité et qualité suffisantes pour que l’utilisation de l’aide en espèces ou l’admissibilité pour cette aide soient soumises à conditions ?
Partenaires
  • Quels sont les partenariats et scénarios d’application potentiels ?
  • Existe-t-il un partenaire ayant la capacité (expérience, contrôle des risques, volonté) de réaliser des paiements directs en espèces à un coût raisonnable ?
  • Quels sont les moyens supplémentaires nécessaires ? Où peuvent-ils être trouvés et dans quels délais ?
Décision finale
  • Selon quels critères cette décision sera-t-elle prise ?
  • Quel sera le montant des versements ?
  • Combien de versements seront effectués ?
  • Comment les risques seront-ils contrôlés ?
  • Comment l’efficacité de ces paiements sera-t-elle mesurée ?

Source : Adapté de UNHCR, 2017.

Aide à la réintégration lorsque les services font défaut

Même dans ce cas de figure, le chargé de dossier a un rôle important à jouer. Tous les cas dans lesquels le personnel ne peut pas répondre aux besoins des migrants doivent être enregistrés et suivis. Ces données peuvent éclairer les activités de plaidoyer aux niveaux communautaire et structurel.

Lorsque les services nécessaires aux migrants de retour font défaut, les chargés de dossier peuvent plaider en faveur de la mise en place de services adaptés ou de l’ouverture aux personnes de retour d’autres services existants, si cela est approprié. Par exemple, il peut être possible pour une femme victime de la traite d’obtenir un logement dans un refuge pour les femmes victimes de violence domestique. Quand cette démarche est adoptée, elle ne doit pas présenter de risques pour l’ensemble de la population ayant accès aux services existants, ou lui porter préjudice.

Lorsque les services font défaut, les chargés de dossier peuvent faciliter des opérations de planification de la sécurité avec les migrants de retour. Cela suppose une collaboration en vue de déterminer les risques auxquels ils font face, ainsi que le développement de stratégies pour réduire ou éviter les dommages et de stratégies d’adaptation dans le cas où un risque se concrétiserait. Lorsqu’il existe des services d’urgence, tels que les forces de l’ordre ou les services de soins ou de lutte contre les incendies, et s’ils ne présentent aucun risque pour les migrants de retour, ces derniers doivent recevoir des informations sur les moyens d’y accéder.

Lorsque les besoins sont urgents ou ne peuvent être satisfaits, d’autres options doivent être envisagées pour l’aide, notamment la réinstallation dans d’autres zones où les services sont disponibles.

2.3.3 Suivi de la réintégration

Une fois convenu entre le chargé de dossier et le migrant de retour, le plan de réintégration doit être mis en œuvre. Cela peut se faire en aidant le bénéficiaire à s’orienter dans les processus administratifs, en l’accompagnant aux rendez-vous, en organisant des réunions avec des responsables (par exemple, des directeurs d’établissements scolaires) pour faciliter l’inscription ou l’accès et en effectuant le suivi de l’intéressé.

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Les plans de réintégration doivent être revus périodiquement avec les bénéficiaires et adaptés si nécessaire, surtout si les besoins de l’intéressé, ses objectifs et les risques auxquels il fait face évoluent. Les migrants doivent pouvoir refuser l’aide à la réintégration à tout moment et devraient toujours posséder un exemplaire à jour de leur propre plan. Enfin, les plans de réintégration doivent toujours comporter une stratégie de sortie définissant à quel moment la gestion du dossier prendra fin et comment se produira la transition.

Des réunions de suivi

Des réunions de suivi doivent avoir lieu périodiquement au cours du processus de réintégration, et idéalement pendant 12 à 18 mois après sa mise en œuvre afin de tenir compte des changements notables qui se sont produits dans la vie des migrants durant cette période. La fréquence des réunions doit dépendre de la volonté et des besoins de l’intéressé ; l’on considère toutefois qu’il faut, dans l’idéal, un rapport de suivi à mi-année (six mois après la création initiale du plan de réintégration) et un rapport final de suivi (environ 12 mois après cela) pour tous les migrants de retour.

Le suivi doit de préférence être mené en face à face. Toutefois, si cela est impossible, il peut se faire par téléphone ou par courrier électronique. Un moyen de réduire autant que possible le risque que les bénéficiaires soient injoignables après leur retour est de collaborer avec les entreprises de télécommunications locales pour fournir des trousses de communication aux migrants qui remplissent les conditions requises. 

Il est également utile d’avoir recours à tous les contacts possibles pour opérer le suivi des bénéficiaires, par exemple lorsqu’une aide en espèces ou en nature est mise en place.

Lorsque la situation d’un migrant change radicalement, il peut être nécessaire d’effectuer de nouveau certaines évaluations individuelles. Si le système de notation de l’enquête sur la durabilité de la réintégration a été utilisé comme référence, cette évaluation doit être effectuée régulièrement, idéalement tous les trois mois pour suivre les progrès accomplis et, si nécessaire, pour ajuster le plan de réintégration en conséquence.

Le « modèle en W » est un outil utile pour les consultations de suivi : il permet à la fois de recenser les principales difficultés et possibilités rencontrées par les migrants de retour et de choisir les approches complémentaires à adopter. Le modèle en W facilite le débat entre les bénéficiaires et les chargés de dossier concernant l’enchaînement naturel de « hauts » et de « bas » lors du processus de réintégration. De manière générale, le modèle en W peut aider l’organisation principalement chargée de la réintégration à repérer les tendances que suivent les expériences des bénéficiaires, ainsi que le caractère unique des compétences, des capacités et des réseaux sociaux de chaque migrant au sein d’une communauté donnée.

2.6

L’exemple de modèle en W ci-dessus a été réalisé au cours d’une séance d’un groupe de discussion effectuée avec plusieurs migrants de retour (chacun d’entre eux est représenté par une couleur différente). Cette séance était axée sur les aspects économiques de la réintégration. Comme on peut le voir sur le graphique, le modèle en W donne un bon aperçu des différents problèmes (par exemple, « Le commerce a échoué en raison de coûts de location élevés ») et possibilités (« A ouvert un atelier d’imprimerie avec des amis de son église ») qui se sont présentés au cours du processus de réintégration. Ce modèle peut ainsi être utile dans le cadre des visites individuelles de suivi à différentes étapes du retour. Il constitue un moyen d’identifier et de traiter les besoins qui se posent plus tardivement dans le processus de réintégration et qui nécessitent une réponse différente de celle qui avait été prévue dans le plan initial. Cet outil permet de mettre à jour périodiquement le plan de réintégration, en tenant compte des principales difficultés et possibilités évoquées.

Pour des instructions sur l’élaboration et l’utilisation du modèle en W lors des séances de consultation avec les migrants de retour, les chargés de dossier doivent se reporter à l’annexe 1.G.