Module 3: AIDE À LA RÉINTÉGRATION AU NIVEAU COMMUNAUTAIRE

3.4 Aide à la réintégration sociale au niveau communautaire

L’aide à la réintégration sociale au niveau communautaire est axée sur l’amélioration de l’accessibilité et de la disponibilité des services sociaux dans les communautés de retour. Elle peut bénéficier à la fois aux personnes de retour et aux membres de la communauté. Elle est particulièrement utile lorsque des obstacles physiques, linguistiques ou autres entravent l’accès des migrants de retour aux services dans les communautés affichant un taux de retour élevé, ou lorsque les services disponibles dans ces communautés ne peuvent pas répondre aux besoins et vulnérabilités spécifiques des personnes de retour et des membres de la communauté.

Le module 2 donne une vue d’ensemble des services les plus importants pour la réintégration durable au niveau individuel, notamment dans les domaines suivants : le logement, l’éducation et la formation, la justice, la santé et le bien-être et d’autres infrastructures publiques telles que l’eau et les routes. En plus d’aider les personnes de retour à accéder à ces services, l’organisation principalement chargée de la réintégration peut s’attacher à rendre ces services plus disponibles et accessibles dans les communautés affichant un taux de retour élevé. Les mesures visant à appuyer la prestation de services, les réseaux d’orientation et l’accessibilité pour plus d’une communauté sont traitées dans le module 4.

Non seulement l’aide à la réintégration sociale au niveau communautaire permet aux personnes de retour d’accéder aux services dont elles ont besoin, mais elle peut également bénéficier aux membres de la communauté qui ont des besoins ou vulnérabilités similaires. L’appui à la prestation de services dans les communautés affichant un taux de retour élevé peut également contribuer à atténuer les tensions et les potentiels facteurs de conflit qui surviennent lorsqu’un grand nombre de migrants retournent dans une même communauté, en particulier lorsque cet afflux crée une pression sur les services.

Les profils communautaires et les évaluations spécifiques peuvent permettre de repérer les problèmes relatifs à la fourniture des services sociaux dans les communautés ciblées, ou les tensions dues à l’accès restreint. Les projets d’aide à la réintégration sociale axés sur la communauté sont particulièrement efficaces lorsqu’ils sont créés en partenariat avec des acteurs locaux et lorsque les dirigeants locaux sont prêts à s’investir.

On trouvera ci-après quelques considérations sur le renforcement de l’accessibilité et de la fourniture des services sociaux au niveau communautaire dans les secteurs les plus pertinents pour la réintégration durable :

Logement et hébergement. Le retour d’un grand nombre de migrants au même endroit peut exercer une lourde pression sur l’offre de logements pour tous les membres de la communauté. Les propriétaires peuvent en profiter pour chercher à conclure avec les migrants des accords relevant de l’exploitation. Dans de tels cas, l’organisation principalement chargée de la réintégration peut prendre les devants et sensibiliser les propriétaires et d’autres parties prenantes (comme les autorités locales) aux obstacles auxquels se heurtent les migrants de retour lorsqu’ils cherchent à se loger, ainsi qu’aux moyens de leur rendre les logements plus accessibles. Comme décrit à la section 2.5.1, l’organisation responsable peut aider les personnes de retour à se loger en fournissant des garanties. Cela peut également être une solution au niveau collectif, si un groupe de migrants de retour partage un logement.

Lorsque l’ensemble de la communauté manque de logements décents, l’organisation principalement chargée de la réintégration peut envisager d’élargir l’offre de logements pour tous les membres de la communauté, y compris les personnes de retour. L’organisation responsable doit collaborer avec les autorités locales afin de trouver des solutions adaptées, en particulier sur des questions telles que l’attribution de terres, pour répondre aux besoins de tous ceux qui ont besoin d’un logement.

➔ Éducation et formation. Parce que les lieux d’enseignement et de formation doivent être sûrs et que chacun doit y être protégé contre tout préjudice ou menace, les écoles et autres établissements d’enseignement jouent un rôle important dans le bien-être de la communauté. Former les enseignants et éducateurs à des techniques positives de discipline et de résolution des conflits qui favorisent la tolérance et la compréhension de l’autre peut améliorer non seulement l’attitude à l’égard des personnes de retour et l’acceptation de celles-ci, mais également la cohésion sociale et le fonctionnement de la communauté.

Les enseignants et éducateurs doivent être conscients des difficultés auxquelles les migrants de retour risquent de se heurter dans les situations d’apprentissage (par exemple, lorsqu’ils ont vécu des expériences traumatisantes qui ont des effets sur leur capacité à se concentrer, à assimiler de nouvelles informations et à s’intégrer socialement). Cela signifie qu’il faudrait probablement aider les éducateurs à tenir compte de ces questions pour tous, y compris les non-migrants. Les écoles et autres établissements d’éducation ou de formation doivent notamment être conscients des difficultés qui peuvent faire obstacle à l’éducation, telles que :

  • Des bénéficiaires qui ne parlent pas ou comprennent mal la langue d’enseignement ;

  • Des frais de scolarité ou connexes trop élevés ;

  • Un placement dans une école qui ne correspond pas au niveau du bénéficiaire ;

  • Le fait d’arriver au milieu de l’année scolaire ou universitaire ou lorsqu’un programme de formation a déjà commencé ;

  • Devoir s’adapter à un nouveau style d’apprentissage et d’éducation (en raison de différences culturelles ou pédagogiques, par exemple).

Santé et bien-être. La disponibilité de services de santé de qualité et l’accès à ceux-ci sont souvent un sujet de préoccupation majeur pour les migrants de retour, mais aussi pour les communautés. Les projets peuvent apporter une réponse directe aux besoins spécifiques en matière de santé grâce à la formation de prestataires, à la fourniture d’équipements et de matériel pour les services de santé ou à la remise en état des infrastructures de soins dans certaines communautés. Investir dans des services de santé de qualité peut être bénéfique non seulement pour les personnes de retour, mais pour tous les membres de la communauté. En outre, l’aide au niveau communautaire peut améliorer la qualité des informations sur la santé, ainsi que les services et équipements de soins. Les documents sur les services de santé disponibles doivent contenir des informations et messages reflétant les préoccupations communes et les besoins de la population locale en matière de santé, ainsi que les besoins spécifiques des migrants de retour. Cela est particulièrement important lorsqu’une communauté ou un sous-groupe de la population présente des cas confirmés ou soupçonnés de maladies infectieuses. Ces documents de promotion de la santé doivent être largement diffusés dans des formats et langues accessibles aux migrants de retour et aux membres de la communauté, en gardant à l’esprit que certains groupes démographiques sont plus susceptibles que d’autres d’avoir un faible niveau d’alphabétisation.

Infrastructures publiques et sécurité. L’accès aux services dépend généralement de la qualité des infrastructures et de la capacité à se rendre sur un lieu de prestation. Les itinéraires et moyens de transport devant être empruntés pour fréquenter un établissement d’enseignement, consulter des médecins, traiter des documents et répondre à tous les autres besoins en matière de stabilité sociale doivent donc être abordables et accessibles. Les routes doivent également être sûres et ne pas aggraver les risques de violence, d’exploitation ou de mauvais traitements.

Les interventions au niveau communautaire visant à réduire les risques lors des déplacements quotidiens sont notamment : la construction de routes ou de passages éclairés le long des routes ; la promotion du port de bandes réfléchissantes sur les vêtements ou les sacs ; la fourniture de torches ou d’autres équipements et l’utilisation éventuelle d’uniformes identifiables. Les efforts axés sur la collectivité peuvent comprendre l’organisation de services de transports, tels que des autobus, des déplacements en groupe, le mentorat ou le recours à des adultes chargés d’accompagner les enfants à l’école. Tous ces services peuvent être facilités par une organisation efficace de la communauté. 

Les facteurs environnementaux sont très importants pour la stabilité de la communauté. Lorsqu’elles sont exposées à des problèmes environnementaux tels que les catastrophes naturelles, le changement climatique ou la dégradation de l’environnement, les communautés risquent par exemple de voir leur sécurité et leur intégrité physique menacées, ou d’avoir du mal à accéder aux ressources naturelles vitales comme l’eau potable. Les interventions au niveau communautaire peuvent permettre de faire face à ces menaces en veillant à ce que les communautés soient protégées, préparées et résilientes face aux catastrophes. Dans le cadre de la lutte contre ces difficultés, il est également possible de créer des « emplois verts ».

Justice et droits. Il peut être difficile pour les migrants de retour et les membres de la communauté d’accéder à la justice ou de faire respecter leurs droits, en particulier s’ils ne disposent pas des documents nécessaires, par exemple, pour voter ou déposer des réclamations, ou s’ils craignent des répercussions en raison de la stigmatisation ou de la marginalisation au sein de la communauté. L’organisation principalement chargée de la réintégration peut faire face à ces problèmes en sensibilisant les administrations locales, les tribunaux, les associations de juristes, les organismes d’application de la loi et d’autres acteurs locaux aux obstacles auxquels se heurtent les migrants de retour et les autres membres de la communauté. L’organisation responsable peut s’employer à trouver des solutions. En outre, faire en sorte que les membres de la communauté, y compris les migrants de retour, rencontrent ces parties prenantes pour leur parler directement des obstacles auxquels ils se heurtent peut contribuer à instaurer la confiance.

Activités de plaidoyer locales en faveur de l’accessibilité des services sociaux

L’appui aux activités de plaidoyer locales peut contribuer à lutter contre les mesures et pratiques discriminatoires qui accroissent les obstacles à la réintégration auxquels se heurtent les migrants de retour au niveau de la communauté. De manière générale, les stratégies locales de plaidoyer devraient avoir pour objectif le changement des pratiques, politiques et décisions qui renforcent, d’une manière ou d’une autre, les obstacles à la réintégration. Ces activités doivent être mises en œuvre avec les partenaires actifs dans la communauté, tels que le gouvernement local ou les organisations de la société civile, et, dans l’idéal, être menées avec l’appui de l’organisation principalement chargée de la réintégration. Les activités de plaidoyer locales peuvent être particulièrement efficaces lorsqu’elles sont associées à l’ensemble des stratégies de sensibilisation et de mobilisation communautaires décrites à la section 3.4.

Les stratégies de plaidoyer locales peuvent cibler les autorités gouvernementales locales, les administrateurs locaux ou les principaux membres de la communauté qui ont le pouvoir de changer les politiques ou pratiques relatives à la prestation de services. Ces acteurs doivent être recensés lors du processus d’évaluation de la communauté (voir la section 3.2.1). Les messages de sensibilisation doivent systématiquement demander que les services importants soient fournis sans discrimination fondée sur la nationalité, l’origine ethnique, l’âge, le genre, le handicap, l’orientation sexuelle ou toute autre raison.

Created with Sketch. Étude de cas

Étude de cas n° 10 : Remise en état des infrastructures en El Salvador

Depuis 2015, la République d’El Salvador voit revenir un nombre élevé de migrants. La recherche de meilleures perspectives économiques, la violence générale et les failles de la structure sociale ont été citées comme principaux motifs de départ. Le bureau de l’OIM en El Salvador a donc opté pour une stratégie globale de remise en état des infrastructures, notamment les centres d’accueil de migrants et les équipements collectifs, afin de promouvoir des infrastructures et services communautaires complets, accessibles et conviviaux.

En coordination avec les autorités locales, l’OIM a remis en état les centres d’accueil existants pour mieux orienter et aider les migrants de retour. Après une évaluation des besoins, l’OIM a mis au point un plan de formation de six mois à l’intention des municipalités et des collectivités locales pour les aider à élaborer des plans de travail et des stratégies de réintégration. Afin que les services publics soient plus à même de répondre aux besoins des migrants de retour, l’OIM a organisé des débats interactifs pour les membres du personnel travaillant au centre, abordant des sujets clés tels que le retour et la réintégration ou les liens entre migration, développement local et santé, entre autres. Cela a permis d’améliorer la capacité des centres d’accueil à fournir une aide directe (notamment en ce qui concerne les conseils et le logement) ainsi que le recours aux évaluations individuelles pour orienter les bénéficiaires vers les services compétents.

Parallèlement, l’OIM a contribué à la remise en état des infrastructures communautaires afin de favoriser la réappropriation des espaces publics et de promouvoir la cohésion et les activités sociales. La rénovation des espaces publics tels que des écoles, des centres communautaires, des terrains de sport et des parcs, permet aux membres de la communauté de réinvestir des zones auparavant abandonnées. Des systèmes d’éclairage ont été installés pour améliorer la sûreté des itinéraires vers les services essentiels, tels que les écoles.

Ces initiatives ont été élaborées et mises en œuvre dans le cadre d’une démarche participative afin de favoriser le dialogue entre la population, les communautés et les municipalités. Leur prise en charge a été confiée aux autorités locales une fois la remise en état effectuée. Afin de consolider l’appropriation locale, l’OIM a créé un comité composé de membres de la communauté et de représentants des autorités locales. Ce groupe de travail constitue une plateforme de coordination en vue de la programmation et de la mise en œuvre d’activités ouvertes à tous les groupes dans les espaces réhabilités.