Module 2: AIDE À LA RÉINTÉGRATION AU NIVEAU INDIVIDUEL

2.5 Aide à la réintégration sociale

De nombreux migrants de retour ont besoin d’aide pour accéder aux services sociaux, que ce soit dès leur arrivée ou plus tard au cours du processus de réintégration. L’aide individuelle à la réintégration sociale dans le pays d’origine est axée sur la facilitation de l’accès aux services et l’orientation vers ceux-ci, notamment en ce qui concerne le logement, l’éducation, la justice, la santé, l’alimentation et l’eau et d’autres services d’infrastructures publiques au sein de la communauté. Les services fournis par l’organisation principalement chargée de la réintégration ou par ses partenaires doivent être adaptés aux besoins de chaque bénéficiaire.

Le présent chapitre donne des directives pour la fourniture de l’aide à la réintégration sociale. La conception du programme, les priorités des donateurs et les réalités sur le terrain peuvent présenter des différences d’un contexte à l’autre, et donc donner lieu à des types d’appui différents ; toutefois, les types de services susceptibles de répondre aux besoins sociaux des migrants de retour présentent des similitudes.

Le présent chapitre donne un aperçu détaillé des types d’aide sociale généralement recommandés pour examen dans le cadre d’un plan de réintégration au niveau individuel, appuyés par des orientations supplémentaires dans les annexes :

  • 2.5.1 Accès au logement et à l’hébergement
  • 2.5.2 Accès aux papiers d’identité
  • 2.5.3 Accès aux régimes de protection sociale
  • 2.5.4 Accès à l’éducation et à la formation professionnelle
  • 2.5.5 Accès à la santé et au bien-être
  • 2.5.6 Accès à l’eau et à l’alimentation
  • 2.5.7 Accès à la justice et à la protection des droits

2.5.1 Accès au logement et à l’hébergement

Le fait de disposer d’un logement sûr, satisfaisant et financièrement accessible est d’une importance critique pour le succès de la réintégration. Toutefois, les besoins, les réalités et les attentes relatives au logement varient d’un migrant à l’autre et dépendent du contexte du retour.

Il peut être difficile de trouver et d’obtenir des logements disponibles et abordables pour les migrants – en particulier pour le long terme. Les options en matière de logement (à court ou à long terme) sont notamment les suivantes : la location privée ; séjourner à l’hôtel, dans une maison d’hôtes ou dans un foyer ; vivre chez des membres de sa famille, des amis ou des membres de la communauté ; l’accès à un logement privé grâce au financement de l’État, des organismes des Nations Unies, d’organisations internationales, d’ONG ou d’organisations confessionnelles ou de la société civile. Lorsque des abris ou logements de transition sont disponibles dans un pays, ils sont généralement destinés aux populations vulnérables (notamment les victimes de la traite, les mères célibataires, les enfants non accompagnés ou séparés de leur famille et les migrants qui ont des besoins importants en matière de santé). En outre, ils sont souvent temporaires.

Pour aider les migrants de retour à trouver un logement adéquat, l’on compte parfois sur la communauté environnante, sur le bouche-à-oreille ou sur les relations informelles entre les chargés de dossier et les organisations de services. Ces relations sont importantes, mais fragiles ; une connaissance interne de la communauté locale est nécessaire pour en tirer parti, et elles peuvent facilement être rompues par la rotation du personnel.

Les migrants de retour peuvent se voir confrontés à des obstacles au moment de chercher un logement, par exemple l’obligation de fournir un acompte, un dépôt de garantie ou une preuve de sécurité de l’emploi. Certains migrants peuvent faire l’objet de discrimination dans certains contextes, tels que les parents isolés, ceux qui ont une famille nombreuse ou ceux qui vivent avec un handicap.

Lorsque plusieurs options sont disponibles, les chargés de dossier devraient aider les migrants à choisir l’abri ou le logement le plus approprié et qui constituera un lieu de vie durable. Pour sélectionner un abri ou un logement adéquat, il faut se poser les questions suivantes :

  • Le bénéficiaire préfère-t-il être plus près ou plus loin des membres de sa famille ou de sa communauté d’origine ?
  • Le bénéficiaire ou des membres de sa famille ont-ils besoin de se trouver à proximité de services importants (tels que des installations médicales, des écoles, des services d’accompagnement ou certains pôles industriels) ?
  • Quels documents le bénéficiaire doit-il fournir ou obtenir pour bénéficier d’un logement ?
  • De quels capitaux le bénéficiaire aura-t-il besoin pour conserver son logement ?
  • Si le migrant de retour a l’intention de construire un logement, connaît-il la procédure pour acheter un terrain, préparer des plans, obtenir les permis nécessaires, recruter des maçons ou d’autres travailleurs dignes de confiance et se procurer des matériaux de construction ?
  • Existe-t-il des problèmes de sûreté et de sécurité à examiner au moment de choisir l’emplacement ou les autres habitants du logement ? (Cette question peut être particulièrement pertinente dans le cas des victimes de la traite, des enfants non accompagnés ou séparés de leur famille ou des migrants qui reviennent dans des quartiers ou communautés particulièrement inhospitaliers ou hostiles à leur égard.)
  • Les installations d’eau, d’assainissement et d’hygiène du logement sont-elles acceptables, compte tenu des réalités et des limites propres au contexte ?
  • Si le migrant vit avec un handicap, peut-on lui proposer un logement adapté ?

Il est également important de prévenir les éventuels changements pouvant se produire dans le temps pour assurer aux migrants un logement durable. Si les changements en matière de logement sont parfois positifs – par exemple, lorsqu’un migrant arrive à trouver un logement plus stable, une fois qu’il a eu le temps d’accumuler du capital, d’établir des réseaux sociaux ou de construire une nouvelle habitation –, il arrive que la situation évolue pour le pire. Même lorsqu’un migrant s’installe dans un logement à première vue acceptable, des difficultés peuvent se présenter plus tard. Cela peut se produire, par exemple, s’il fait face à des problèmes économiques ou de dette ou si son domicile est endommagé par des conditions météorologiques défavorables, telles que de fortes pluies. Une manière de contribuer à la viabilité du logement peut être d’évaluer les problèmes pouvant être rencontrés à cet égard lors de la réintégration, en coopérant avec le migrant pour qu’il anticipe ces possibilités, puis d’assurer le suivi.

Tableau 2.4: Faciliter l’accès à un logement sûr, satisfaisant et financièrement accessible

 
  • Permettre à ceux qui en
    ont besoin d’accéder aux
    logements temporaires
    d’urgence.
Aider les migrants à accéder à un abri sûr immédiatement après leur retour, en particulier ceux qui risquent de se trouver en situation de vulnérabilité. Chercher à assouplir la durée de séjour autorisée pour les logements temporaires, en fonction de la situation individuelle de chaque migrant.
  • Tenir à jour un répertoire des
    possibilités de logement à long
    terme et des propriétaires qui
    peuvent accueillir les migrants
    et répondre à leurs besoins.
Établir une communication et des relations avec les promoteurs et propriétaires. Par exemple, pour pouvoir aider certains migrants à payer leur loyer, l’organisation principalement chargée de la réintégration aura besoin d’obtenir un contrat de location signé. Cette disposition peut constituer un obstacle à l’obtention d’un logement lorsque les propriétaires n’ont pas l’habitude de fournir ce type d’accord avant de recevoir le loyer, ou lorsqu’ils y sont peu enclins.
  • Trouver d’autres options pour
    ceux qui ne peuvent pas ou ne veulent pas retourner auprès de leur famille ou chez eux.
Les migrants peuvent être réticents à retourner dans leur famille ou leur communauté parce qu’ils craignent la stigmatisation, la honte, la violence au sein du couple ou du foyer ou parce qu’ils ont des dettes. Tenir compte de ces préoccupations en recensant les autres options − en particulier lorsqu’il existe déjà des réseaux de soutien ou des services accessibles.
  • S’assurer du fait que les séjours en centre d’accueil soient volontaires et qu’ils reposent sur le consentement éclairé.
Conformément aux principes des droits de l’homme, la décision de séjourner dans un centre d’accueil doit être volontaire. Il faut demander le consentement au début, puis de façon régulière.
  • Évaluer les conditions de logement au fil du temps grâce à un suivi régulier.
Il est important d’élaborer un calendrier de suivi pour procéder à des changements si nécessaire.
  • Faire participer les migrants
    aux décisions concernant leur
    logement.
Les migrants de retour doivent avoir leur mot à dire concernant leur propre logement : ils doivent s’approprier les décisions prises à cet égard.

La grille de faisabilité concernant l’appui pour trouver un logement, l’aide à la location et l’hébergement temporaire est disponible à l’annexe 5.

Disclaimer-icon Created with Sketch. Disclaimer

Il faut prendre en considération les cas des personnes handicapées et des personnes âgées à mobilité ou cognition limitée, qui peuvent avoir besoin d’un logement et d’installations spécifiques. Dans la mesure du possible, les logements proposés doivent intégrer le principe de conception universelle, c’est-à-dire la conception de produits, d’équipements, de programmes et de services pouvant être utilisés par le plus grand nombre de personnes possible, sans nécessiter ni adaptation ni conception spéciale, et qui permettent aux personnes de vivre confortablement et en toute sécurité, quelles que soient leurs aptitudes.

2.5.2 Accès aux papiers d’identité

Tous les migrants de retour devraient pouvoir bénéficier de la protection accordée par le statut juridique (et particulièrement la citoyenneté) et les documents d’identité connexes. Ces documents (notamment les extraits d’acte de naissance pour les enfants) sont essentiels, car ils donnent accès à de nombreux droits et services de base, accroissent la liberté de mouvement et l’autonomie qui en découle et permettent l’insertion professionnelle.

Il est donc essentiel de veiller à ce que la question des papiers d’identité soit prise en compte dans le plan de réintégration. Il faut évaluer les besoins spécifiques des migrants de retour dans ce domaine, et consacrer le temps et les ressources nécessaires à l’obtention des documents. Il est utile que les chargés de dossier comprennent la procédure pour obtenir ou renouveler tous les documents pertinents. Ils doivent également aider les bénéficiaires à surmonter les éventuels obstacles à cet égard, tels que des coûts prohibitifs, la lourdeur des procédures, le transport jusqu’aux bureaux officiels, une méconnaissance des institutions et procédures pertinentes ou la discrimination qu’ils peuvent subir en tant que migrants de retour.

Si des structures de suivi des citoyens, telles que des archives pour les actes de naissance, sont en place dans le pays de retour, les migrants n’auront généralement pas trop de difficultés à prouver leur nationalité. Toutefois, dans les lieux où ces dossiers ne sont pas tenus ou conservés de façon systématique, il faudra probablement fournir des efforts supplémentaires pour aider les migrants et les membres de leur famille à être dûment reconnus par l’État.

Liste de vérification pour aider les migrants de retour à se procurer et conserver les documents d’identité et les actes d’état civil :

  • Anticiper les obstacles pratiques et logistiques à l’obtention de documents, tels que les contraintes de temps, les frais de transport, le problème de la garde des enfants, le manque de contacts (comme en Afghanistan où le témoignage de tiers est nécessaire) et les coûts. Communiquer à l’avance avec les migrants au sujet de ces obstacles potentiels.
  • Aider le bénéficiaire à accéder aux informations nécessaires sur les procédures administratives, en ayant recours à la bonne source. Assurer des services de traduction si nécessaire, ou aider les personnes ayant un faible niveau d’éducation à comprendre le processus.
  • Ne pas préjuger des capacités des migrants à gérer les procédures administratives par eux-mêmes.

La grille de faisabilité concernant l’aide à apporter aux migrants pour qu’ils aient accès aux services est disponible à l’annexe 5.

2.5.3 Accès aux régimes de protection sociale

Les personnes de retour peuvent avoir besoin d’accéder aux services publics et régimes de protection sociale suivants : la sécurité sociale, les pensions de vieillesse ou l’aide aux personnes âgées, les régimes d’assurance maladie ou d’assurance-invalidité appuyés par l’État, les programmes de travaux publics et l’aide alimentaire.

Les migrants de retour n’en connaissent pas toujours l’existence. Ils peuvent ignorer s’ils remplissent les conditions requises, ou ne pas comprendre la procédure administrative requise pour accéder aux services. Il est donc important que les chargés de dossier sachent si des informations appropriées sont disponibles et accessibles aux migrants et, si tel n’est pas le cas, comment ils peuvent appuyer le processus. Cela est particulièrement vrai en ce qui concerne les migrants en situation de vulnérabilité, qui peuvent être plus facilement submergés par la complexité des obstacles administratifs ou trop tendus pour gérer eux-mêmes le processus de façon efficace.

Les chargés de dossier doivent promouvoir l’inclusion des personnes de retour dans les régimes de protection sociale en facilitant la communication avec les communautés de migrants de retour et en plaidant pour la levée des obstacles qui les empêchent de participer.

2.5.4 Accès à l’éducation et à la formation professionnelle

Il est essentiel de veiller à ce que les migrants aient accès à des écoles ou à des possibilités d’éducation appropriées au cours du processus de réintégration. L’éducation est un facteur de protection. Elle renforce la résilience et constitue un vecteur de développement personnel et social. Les écoles et autres établissements d’enseignement peuvent être un puissant instrument de réintégration lorsqu’ils sont conçus et gérés de manière appropriée.

L’éducation peut être proposée par des voies formelles ou informelles. Les types d’enseignement formel sont notamment le développement du jeune enfant, l’enseignement primaire, secondaire et supérieur et l’éducation religieuse. L’enseignement informel comprend notamment, mais pas seulement, les cours de compétences pratiques, d’alphabétisation, de langues ou d’initiation au calcul, les cours liés à la planification d’une carrière et la formation professionnelle (voir la section 2.4.2). L’enseignement formel et la formation professionnelle ne sont pas incompatibles et les personnes de retour peuvent bénéficier des deux. Il faut toujours faire le maximum pour offrir une éducation et une formation dans la langue que préfère l’intéressé.

L’on considère qu’une éducation de qualité est disponible, accessible, acceptable et adaptable24. C’est à l’État qu’incombe la fourniture d’une éducation de qualité, souvent par l’intermédiaire du ministère de l’Éducation ou des autorités locales. Dans certaines zones, les organismes des Nations Unies, les organisations internationales, les ONG, les organisations de la société civile ou le secteur privé proposent également des possibilités d’éducation et de formation afin de combler les lacunes des autres secteurs. L’enseignement et la formation doivent être assurés dans le respect des lois et règlements locaux, y compris ceux qui concernent l’éducation, la santé et la sécurité, tels que l’enregistrement ou l’agrément exigés par les organismes gouvernementaux ou les associations professionnelles. (Voir également la section 3.2.)


➔ Accès à l’éducation et à la formation professionnelle

Les migrants de retour font souvent face à des obstacles en matière d’éducation. Ces obstacles peuvent comprendre des problèmes d’inscription, le fait de ne pas parler la langue d’enseignement, des coûts prohibitifs, un handicap physique, des troubles de l’apprentissage ou le fait d’arriver en milieu d’année scolaire ou universitaire ou après qu’un programme de formation a commencé.

En outre, le problème de l’accès à l’éducation ne se résout pas uniquement par la scolarisation. Pour les migrants de retour, les obstacles à l’éducation et les stratégies qui permettraient de les surmonter sont notamment les suivants :

  • Des moyens de transport sûr sa destination et au départ des installations scolaires ne sont pas toujours disponibles dans certains contextes. Il peut être nécessaire de vérifier s’il existe un moyen viable de transport scolaire. Les obstacles à cet égard sont notamment les suivants : l’insuffisance des moyens de transport, le mauvais état des routes et des systèmes d’évacuation des eaux (en particulier pendant la saison des pluies) et l’imprévisibilité de l’approvisionnement en électricité.
  • Les personnes de retour ne peuvent se concentrer et apprendre que si leurs besoins essentiels (notamment une bonne santé, une hygiène régulière et une alimentation suffisante) sont suffisamment satisfaits.
  • Les besoins essentiels de la famille des personnes de retour doivent être satisfaits pour que les difficultés économiques ou la charge des enfants ne les empêchent pas de suivre des cours.
  • Les attentes et les normes culturelles qui favorisent l’égalité des sexes et l’éducation pour tous, considérant par exemple qu’il est tout aussi important d’éduquer les filles que les garçons, peuvent être faibles ou inexistantes. Pour faire face à ce problème, il peut être judicieux de collaborer avec les ministères de l’Éducation et les écoles locales pour faire valoir les avantages qu’il y a à soutenir l’éducation des filles et des femmes. Le fait de sensibiliser l’ensemble de la communauté à l’éducation mutuelle de ses membres ou à celle des jeunes générations peut être un moyen de combler les lacunes dans l’accès des filles à l’éducation dans certaines communautés, en permettant l’autonomisation et en tenant compte des disparités entre les sexes.
  • Pour faciliter leur inscription, les personnes de retour peuvent avoir besoin d’un certificat prouvant le suivi d’un enseignement général ou professionnel, ou de la traduction de celui-ci. Les chargés de dossier peuvent également apporter leur aide en orientant les intéressés vers des évaluations permettant de déterminer le niveau d’enseignement ou de la formation qu’ils devraient suivre. Ces évaluations peuvent être menées par l’autorité scolaire compétente, les écoles et les enseignants ou d’autres acteurs de l’éducation ; elles doivent tenir compte de l’âge et du niveau de maturité du bénéficiaire ainsi que des incidences sociales d’une nouvelle solarisation ou formation.

Les personnes de retour doivent être consultées et leur point de vue doit éclairer le choix et l’adaptation des options en matière d’éducation et de formation. Les chargés de dossier doivent tenir compte des aspirations de chaque bénéficiaire dans ce domaine. Lorsque ces aspirations ne correspondent pas aux options disponibles, il faut trouver des alternatives pour atteindre les objectifs des intéressés en matière d’apprentissage. Il est particulièrement important de consulter les personnes de retour au moment de recenser et de traiter les obstacles à leur accès à l’éducation et à la formation, car elles sont les mieux placées pour identifier ces obstacles et peuvent proposer des moyens de les surmonter.

La grille de faisabilité concernant le paiement des frais de scolarité, des livres et des uniformes est disponible à l’annexe 5.

2.5.5 Accès à la santé et au bien-être

La facilitation de l’aide médicale est un élément important des services de réintégration, qui s’inscrit de préférence dans le cadre de soins continus tout au long du processus de migration et à l’issue de celui-ci. Tous les migrants de retour doivent avoir accès à des soins de santé. Selon l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), « la santé est un état de complet bien-être physique, mental et social, et ne consiste pas seulement en une absence de maladie ou d’infirmité » ; elle constitue « l’un des droits fondamentaux de tout être humain, quelles que soient sa race, sa religion, ses opinions politiques, sa condition économique ou sociale.25»

Il n’est pas rare que les fournisseurs de services se heurtent à des difficultés lorsqu’ils tentent d’aider les migrants de retour à gérer leurs problèmes de santé. Les principaux problèmes sont les suivants :

  • La difficulté à accéder aux services médicaux, notamment en raison de coûts prohibitifs, de l’absence d’infrastructures, du manque de personnel médical qualifié et de médicaments et de l’insuffisance des possibilités de traitement ;
  • L’absence de solutions de prise en charge à long terme dans les zones de retour ;
  • L’absence de soins adaptés aux problèmes de santé des migrants en situation de vulnérabilité ;
  • Un coût total des soins trop élevé, ce qui inclut les frais de transport et la perte de revenus ;
  • Les conséquences négatives des problèmes de santé (telles que l’incapacité à travailler ou un sentiment de bien-être réduit) ;
  • Des différences entre le pays hôte et le pays d’origine en ce qui concerne la qualité des soins (ce qui suppose par exemple un changement dans les pratiques et régimes de traitement ou l’adaptation aux différences culturelles dans la manière dont les soins sont fournis) ;
  • La nécessité d’un changement rapide dans les traitements médicaux (de préférence avant le départ) et d’un suivi après l’arrivée pour prévenir les conséquences négatives à court et à long terme ;
  • L’insuffisance des connaissances en matière de soins de santé spécialisés dans les zones de retour.

La santé physique et la santé mentale sont étroitement liées ; il est donc recommandé d’adopter une approche globale et complémentaire. Les différents aspects de la réintégration qui concernent la santé mentale et psychosociale sont abordés dans la section 2.6.

Compte tenu de ces difficultés, et du fait que certains types de traitements médicaux ne sont tout simplement pas disponibles dans certains contextes, le personnel des programmes de réintégration doit toujours s’efforcer de faciliter l’accès aux traitements dans des institutions appropriées en se conformant à la liste de vérification ci-après :

Tableau 2.5: Favoriser des soins médicaux appropriés et adaptés

 
  • Faciliter la continuité des
    soins
Aider les médecins du pays d’origine à accéder aux dossiers médicaux antérieurs, tout en tenant compte des considérations relatives à la confidentialité ainsi que des principes de vie privée, de protection des données et surtout de consentement. Il peut être nécessaire de traduire les dossiers médicaux du pays de destination.
  • Faciliter l’accès aux
    secours d’urgence et
    à des soins médicaux
    continus dès que cela
    s’avère nécessaire.
    Accorder en priorité
    l’accès immédiat aux
    migrants en situation de
    vulnérabilité.
Les migrants qui ont des besoins immédiats en matière de soins de santé doivent être traités sans discrimination et indépendamment de leur capacité à payer les frais connexes ou à fournir des documents officiels. Les besoins urgents en matière de santé devraient avoir été identifiés au moyen des outils d’examen de la vulnérabilité, lors des entretiens ou dans le cadre des évaluations de santé avant le voyage. Lorsque des problèmes de santé sont recensés, le chargé de dossier doit collaborer avec les professionnels de santé qualifiés pour une orientation rapide vers des services de soin.
  • Être conscient de l’impact que peut avoir la santé d’un migrant de retour sur sa famille.
L’état de santé d’une personne de retour peut avoir une incidence sur l’ensemble de sa vie et de celle de sa famille. Si un parent qui a de jeunes enfants fait face à une maladie chronique ou de longue durée, une manière de faciliter son accès aux soins peut être de l’aider à faire garder ses enfants afin qu’il puisse se rendre aux rendez-vous médicaux et se reposer quand il en a besoin. De même, il arrive que le conjoint doive consacrer beaucoup de temps à des soins, ce qui l’empêche de gagner des revenus. Il est nécessaire de tenir compte de tous les facteurs (y compris les membres de la famille) pouvant expliquer pourquoi une personne a accès ou non à des soins médicaux appropriés.
  • Recenser les services
    de santé disponibles
    par l’intermédiaire du
    gouvernement, des ONG et des programmes
    des organisations
    internationales, en
    coordination avec
    les médecins ou les
    personnes référentes.
Tenir ces renseignements à jour pour faciliter la rapidité de la coordination
et de l’orientation vers les services compétents.
  • Mettre en place
    des partenariats et
    des protocoles de
    coopération pour
    la coordination
    interinstitutions.
La mise en place de mémorandums d’accord formels avec des organismes publics, des établissements et autres organismes médicaux et des structures faisant partie du système d’orientation (comme les grands hôpitaux universitaires avec de multiples services spécialisés) et l’élaboration de politiques assurant un transfert sûr et confidentiel des informations et des dossiers médicaux des patients peuvent largement contribuer à la continuité des soins et à la protection du patient. Cela permettra également d’harmoniser les efforts de coordination, rendant ainsi l’orientation des patients plus souple et plus efficace.
  • S’assurer du fait que tous les traitements médicaux sont volontairement
    reçus et que le
    consentement éclairé du
    bénéficiaire a été obtenu.
Conformément aux principes d’autodétermination et de participation volontaire, tout doit être fait pour que les bénéficiaires soient informés de tous les aspects des soins reçus et de leurs conditions. Cela leur permettra de prendre en charge leur santé et leur rétablissement et de prendre en connaissance de cause les meilleures décisions sur leurs propres besoins et leur traitement. Les services médicaux ne doivent être fournis que sur une décision éclairée du bénéficiaire, ou de quelqu’un qui peut légalement prendre des décisions en son nom s’il n’est pas en mesure de donner son consentement. En ce qui concerne les traitements et examens médicaux, le consentement éclairé doit être donné par écrit avant toute procédure.
  • Aider les migrants de
    retour à surmonter les
    obstacles administratifs
    (documents à fournir,
    frais, transport, etc.) pour qu’ils puissent recevoir des soins de santé
Lorsque des services médicaux sont disponibles, les mesures permettant aux bénéficiaires d’y accéder sont notamment les suivantes : orienter les migrants de retour vers les prestataires et régimes d’assurance, les aider à accéder aux informations sur leur santé, faciliter le transport et coordonner les rendez-vous. Accompagner le bénéficiaire aux rendezvous, si cela est possible et s’il le demande, peut être très utile pour veiller à ce qu’il soit bien soigné et à ce qu’il reçoive tous les renseignements nécessaires concernant les soins de suivi. Il est également hautement recommandé d’orienter les migrants de retour vers d’autres organisations ou institutions locales qui peuvent les aider après des soins d’urgence ou lors d’un traitement de longue durée, si ces structures sont disponibles.
  • Faire évaluer les besoins médicaux par les médecins sur la durée
Les besoins médicaux peuvent diminuer ou augmenter, ce qui aura de fortes incidences sur les priorités, les capacités et les motivations d’un migrant de retour. Si son état de santé n’évolue pas au fil du temps, les chargés de dossier doivent envisager de l’orienter vers d’autres prestataires ou services afin d’obtenir un deuxième avis ou un appui supplémentaire. Cela est également valable pour les problèmes de santé survenant au cours du processus d’aide à la réintégration, qu’ils soient nouveaux ou jusqu’alors non détectés.
  • Tenir compte des
    incidences que peuvent
    avoir les événements
    violents et l’accumulation
    des facteurs de stress sur la santé.
Les perturbations survenant dans une vie, la violence, et des facteurs de stress extrêmes peuvent influer sur la santé d’une manière parfois inattendue. Si les chargés de dossier apprennent que le bénéficiaire a
connu une charge disproportionnée de stress ou de bouleversements au cours de sa vie, ils doivent prêter une attention particulière à ses besoins en matière de santé.

Santé sexuelle et procréative

Les soins de santé apportés aux personnes de retour doivent également comprendre un ensemble complet de soins de santé sexuelle et procréative. Les bénéficiaires ont besoin à cet égard d’informations adaptées à leur âge et à leur niveau d’éducation et de compréhension, qui tiennent compte de leur culture et des différences entre les sexes. Ces informations doivent porter notamment sur les options de planification familiale et les moyens de contraception disponibles, ainsi que sur les services de dépistage volontaire, de conseil et de traitement des infections sexuellement transmissibles, notamment le VIH/sida et d’autres virus transmis par le sang. Les adolescents et les personnes qui n’ont pas encore eu accès à ce type d’informations peuvent avoir besoin d’une éducation en matière de santé sexuelle et procréative.

Les soins de santé destinés aux migrants de retour doivent en outre tenir compte des facteurs de risque pour le VIH/sida (y compris les taux de prévalence dans le pays d’origine ainsi que dans ceux de transit et d’accueil) et de toutes les expériences antérieures qui ont pu accroître leur risque d’exposition au VIH (telles que la participation au travail du sexe, la traite à des fins d’exploitation sexuelle, l’expérience de la violence sexiste ou l’utilisation de drogues injectables). Si un migrant dit avoir été potentiellement exposé au VIH dans les 72 heures précédentes (y compris en cas d’agression sexuelle), les établissements de soins de santé doivent leur fournir un traitement de prophylaxie post-exposition (PPE) pour prévenir la transmission du VIH.

Des tests de grossesse doivent être mis à la disposition de toutes les femmes et les filles en âge de procréer lorsque celles-ci le demandent ; ces tests doivent être accompagnés d’informations sur les services de soins prénatals ou d’interruption volontaire de grossesse et de l’orientation vers ceux-ci, lorsqu’ils sont légaux et disponibles. Les femmes et les filles enceintes doivent bénéficier de soins prénatals complets sans discrimination fondée sur leur situation matrimoniale, leur nationalité, leur religion, leur âge ou tout autre motif.

Les personnes de retour qui s’identifient comme LGBTI doivent bénéficier de soins de santé sans discrimination, dans le respect de leur dignité, de leur vie privée et de leurs droits. Elles pourront ainsi bénéficier d’un environnement sûr leur permettant de préciser leur orientation sexuelle, ce qui facilitera l’identification de leurs besoins et la réponse à ceux-ci, notamment, mais pas exclusivement, en matière de santé sexuelle et procréative.

Les professionnels de la santé doivent être conscients des risques de violence, d’exploitation et d’atteintes sexuelles auxquels sont exposées les personnes de retour et en tenir compte lors de la prestation des soins de santé. Les migrants peuvent avoir été victimes de la traite à des fins d’exploitation sexuelle, avoir été impliqués dans le travail du sexe dans leur pays d’origine, sur leur itinéraire migratoire ou dans le pays de destination, ou avoir été contraints d’échanger des actes sexuels contre un libre passage, des promesses de protection ou d’autres biens et services. Ceux qui ont subi des sévices ou des actes de torture hors de leur pays d’origine peuvent également avoir besoin de soins de santé propres à leur expérience ; les prestataires doivent en être conscients et être sensibles à ce problème.

Cas nécessitant une attention particulière : la violence sexiste

La violence sexiste est un terme générique désignant tout acte préjudiciable commis contre une personne sur la base de différences socialement déterminées entre les sexes, lui faisant subir des souffrances physiques ou morales, des menaces, la contrainte ou toute autre privation de liberté. La violence sexiste peut avoir lieu en public ou en privé et comprendre (mais non exclusivement) des actes de nature sexuelle. Elle touche de manière disproportionnée les femmes et les filles. Le tableau ci-après donne un aperçu de ses multiples formes.

Tableau 2.6: Formes de violence sexiste

   
Violence
physique
  • Donner des gifles, des coups de poing, pousser, bousculer, frapper, griffer, étrangler, mordre, saisir violemment, secouer, infliger des crachats, des brûlures, la torsion de parties du corps, l’ingestion forcée de substances indésirables ;
  • Empêcher l’accès à des services médicaux ou à d’autres types d’appui ;
  • Utiliser des objets comme armes pour infliger des blessures.
Violence
sexuelle
  • Viol anal ou vaginal ;
  • Attouchements sexuels non désirés ;
  • Harcèlement sexuel et demande d’actes sexuels en échange de quelque chose ;
  • Traite à des fins d’exploitation sexuelle ;
  • Exposition forcée à la pornographie ;
  • Grossesse forcée, stérilisation forcée, avortement forcé ;
  • Mariage forcé, d’enfants ou précoce ;
  • Excision/mutilations génitales féminines ;
  • Test de virginité ;
  • Inceste.
Violence
psychologique
  • Menace de violence ou de dommages à l’encontre d’une personne, de ses amis ou sa famille, par des paroles ou par des actes ;
  • Harcèlement au travail ;
  • Humiliations et propos injurieux ;
  • Isolement et restriction des mouvements et de la communication ;
  • Utilisation des enfants par un conjoint violent comme moyen de contrôle ou de contrainte.
Violence
économique
  • Interdiction d’avoir un travail ;
  • Exclusion de la prise de décisions financières ;
  • Empêcher l’accès à l’argent ou aux informations financières ;
  • Refus de payer des factures ou de fournir des ressources pour les enfants communs ;
  • Destruction de biens conjoints ou de possessions par la victime.

Il faut proposer à toutes les victimes de violence sexuelle un traitement de prophylaxie post‑exposition, si celui-ci est disponible, dans les 72 heures suivant l’incident où elles ont pu être exposées au VIH. Si cela est possible et légal, les femmes et les filles doivent pouvoir bénéficier d’une contraception d’urgence dans les 72 heures suivant une agression sexuelle, s’il y a un risque de grossesse non désirée.

Des services de santé mentale et de soutien psychosocial doivent être disponibles pour tous les migrants de retour qui ont réchappé à la violence sexiste. Ils doivent être fournis par des professionnels ayant une formation et des compétences spécialisées (voir la section 2.6).


Gestion des données et des dossiers médicaux

Tous les dossiers médicaux et les noms des migrants bénéficiant des services de santé sont des données personnelles très sensibles. Ces informations doivent rester confidentielles et ne pas être partagées sans accord préalable, conformément aux principes de respect de la vie privée, de protection des données et de confidentialité. Le principe de « besoin d’en connaître » doit également s’appliquer afin que, dans les établissements de soins de santé, les renseignements nominatifs soient mis à la seule disposition des prestataires et des membres du personnel qui ont véritablement besoin de les connaître.

Les migrants de retour doivent pouvoir accéder à leur dossier médical complet à tout moment. Cela nécessite une planification préalable pour obtenir des professionnels de la santé une copie des dossiers médicaux avant et après le retour. Les personnes de retour doivent être informées des risques que peut présenter le fait de posséder une copie de leur propre dossier afin de prendre cette décision en connaissance de cause.

Dans la mesure du possible, les établissements de santé doivent être conçus de manière à protéger la confidentialité et la vie privée. Des bureaux de réception, des salles d’attente et des salles de traitement doivent être aménagés sur le site de soins de santé afin que personne ne puisse entendre les conversations privées entre bénéficiaires et prestataires. Si des ordinateurs sont utilisés pour stocker ou afficher les données des patients, l’écran ne doit pas être positionné de sorte que des membres du personnel non essentiel ou d’autres patients puissent facilement accéder aux dossiers médicaux, y compris aux données à caractère personnel. La sécurité des données doit également être respectée afin que toutes les informations médicales à caractère personnel soient protégées par des mesures raisonnables et appropriées contre la modification non autorisée, les altérations, la destruction illégale, la perte accidentelle, la divulgation indue ou le transfert inapproprié.

Qui orienter vers les services de soins de santé ?

  • Les migrants qui reviennent avec des troubles ou problèmes de santé existants. Ces problèmes doivent idéalement être connus avant l’arrivée dans le pays d’origine. Les conseils fournis avant le départ doivent inclure des renseignements sur les services existants pour traiter et gérer ces problèmes de santé.
  • Les migrants qui présentent des signes de maladie après leur retour et pendant la période d’aide à la réintégration.
  • Les personnes de retour qui demandent des soins de santé.

Pour de plus amples détails sur les services vers lesquels il convient d’orienter les bénéficiaires, voir le graphique de cartographie des services à l’annexe 8.

2.5.6 Accès à l’eau et à l’alimentation

Lorsque les personnes de retour ont du mal à obtenir suffisamment de nourriture pour elles-mêmes ou leur famille, elles peuvent avoir besoin d’un appui pour accéder à l’aide alimentaire en bons ou en espèces, si celle-ci est disponible. Au moment de diriger les bénéficiaires vers ces services, il faut chercher à savoir si les options existantes correspondent aux besoins nutritionnels ou restrictions alimentaires (pour des raisons de santé ou de religion) de l’intéressé.

En ce qui concerne l’aide alimentaire, les chargés de dossier doivent être particulièrement vigilants dans les cas où une alimentation insuffisante a des effets néfastes et à long terme sur la santé et le bien-être, notamment chez les enfants, les femmes enceintes ou allaitantes et les personnes âgées. Les personnes de retour qui souffrent de malnutrition ont des besoins spécifiques ; des professionnels de la santé doivent participer à l’élaboration d’un plan de soins pour traiter les carences. Les interventions thérapeutiques doivent être effectuées par des spécialistes ayant des compétences en la matière et être précédées d’évaluations nutritionnelles appropriées.

Les migrants de retour doivent avoir accès à l’eau en quantité suffisante pour boire, cuisiner, laver et pour l’hygiène personnelle.

Au moment de chercher un logement ou un abri pour les migrants de retour, l’organisation principalement chargée de la réintégration doit tenir compte de la disponibilité de l’eau dans les lieux d’hébergement potentiels. Pour déterminer l’accessibilité d’une source d’eau, les questions relatives à la sûreté ou à la mobilité limitée doivent être prises en compte. La source d’eau disponible, quelle qu’elle soit, doit être en conformité avec les normes internationales et les réglementations locales en matière de santé. Si des questions se posent en ce qui concerne la sécurité d’une source d’eau, les chargés de dossier doivent envisager de contacter les autorités compétentes pour s’assurer que l’eau est potable. Dans certains cas, il leur faudra orienter les migrants de retour vers des sources dont l’eau peut être transportée par camion, stockée, mise en bouteille ou filtrée.

2.5.7 Accès à la justice et à la protection des droits

Le droit international fournit des indications de base concernant la protection juridique dont devraient bénéficier tous les êtres humains, y compris les migrants à tous les stades du processus de migration. Ces droits sont notamment les suivants : la présomption d’innocence et le droit à des audiences justes, publiques et impartiales ; le droit pour toute personne accusée d’une infraction pénale d’assister à son propre procès et de bénéficier d’une défense compétente ; le droit à un recours pour les victimes de violations des droits de l’homme ou d’un crime.

➔ Évaluation des besoins juridiques

Les migrants de retour peuvent avoir affaire au système judiciaire pour diverses raisons. Les chargés de dossier doivent inclure les besoins juridiques dans leur évaluation initiale, qui peuvent être les suivants : la nécessité de signaler un crime commis contre la personne de retour ; la nécessité d’une assistance et de conseils juridiques si le bénéficiaire a affaire au système judiciaire en tant que victime ou témoin ; la nécessité d’une représentation en justice s’il a été accusé, inculpé ou condamné pour un crime ; le besoin de voir ses droits respectés dans les cas comme la restitution des biens ou l’indemnisation ; la nécessité d’un appui civil pour des questions de divorce, de garde ou de tutelle.

Les personnes de retour ayant besoin d’une aide juridique doivent être orientées vers des organisations ou des personnes spécialisées dans la fourniture de ce type d’aide, qui pourront effectuer une analyse plus approfondie des besoins et des réponses appropriées. Selon le contexte et le type d’assistance nécessaire, les services d’aide juridique peuvent être fournis par les institutions de l’État, les organismes des Nations Unies, des ONG ou des organisations de la société civile. Les éventuels coûts de l’aide juridique doivent idéalement être pris en compte dans la planification de réintégration.

➔ Accès à la justice

L’accès à la justice est un principe fondamental de l’état de droit qui promeut le principe de responsabilité et permet aux individus d’exercer leurs droits. Il peut comprendre des systèmes de justice formels et informels.

  • Les systèmes de justice formels comprennent la justice pénale et civile, et souvent les services d’application de la loi (par exemple, les forces de police ou les services de contrôle de l’immigration), l’appareil judiciaire (tribunaux, représentation en justice), le système pénitentiaire (prisons, systèmes de probation), les institutions de défense des droits de l’homme (commissions nationales des droits de l’homme, bureaux de médiateurs) et les mécanismes de réclamation (par exemple, pour l’examen des plaintes relatives à l’emploi).
  • Les systèmes de justice informels sont ceux qui sont établis par les communautés, tels que les normes sociales et traditions provenant d’institutions religieuses, ou les pratiques des systèmes de gouvernance autochtones.

Si un migrant de retour tient à signaler une infraction commise à son encontre, y compris des violations de la législation du travail, il faut étudier les options disponibles dans les systèmes formels et informels. Les personnes de retour doivent recevoir des informations sur la manière de signaler les infractions, ainsi que sur les avantages (tels que les possibilités d’indemnisation ou les services de protection spéciale) et les risques connus (par exemple, le fait d’être nommé publiquement).

Les migrants doivent être informés de toutes les procédures judiciaires qui les concernent particulièrement, le cas échéant, ou des dispositifs permettant de signaler des infractions spécifiques – par exemple, les lignes directes spécialisées ou les procédures de signalement de la violence sexiste ou de la traite d’êtres humains. Les migrants doivent être assistés s’ils souhaitent avoir recours à la médiation ou à d’autres systèmes non pénaux de résolution des conflits, comme la justice réparatrice26.

Les personnes de retour peuvent parfois accéder aux voies de recours civiles, qui ont pour but de verser une réparation financière pour les dommages subis. Si un migrant souhaite exercer un recours au moyen des juridictions civiles, des tribunaux ou des commissions de règlement des différends, il doit être orienté vers un avocat. Il faut aider les bénéficiaires à remplir correctement les assignations et les formulaires de dépôt de plainte, et à accéder aux services spécialisés pouvant les appuyer tout au long du processus de poursuite civile.

Les cadres juridiques pouvant être utilisés pour un recours civil sont notamment les suivants : les lois contre la violence (y compris les violences physiques, sexuelles et psychologiques et les mauvais traitements, l’exploitation et le harcèlement) ou contre la violation d’un contrat, du droit immobilier ou d’un contrat de location, des pratiques injustes de recrutement et des conditions d’emploi illégales.

➔ Coopération avec le système de justice pénale

Certaines personnes de retour pouvant avoir été victimes d’un crime, notamment la traite d’êtres humains, les migrants et les organismes qui leur apportent aide et protection peuvent avoir affaire aux forces de l’ordre. Si possible, ces contacts doivent avoir lieu dans le cadre de mémorandums d’accord signés, de systèmes d’orientation officiels ou de protocoles définissant les processus de coopération et les objectifs de celle-ci, et assurant la protection du migrant et de toute autre personne impliquée pouvant être en danger.

La coopération avec les forces de l’ordre peut concerner les activités suivantes : porter plainte ou remplir des rapports de police ; donner des informations et renseignements pouvant contribuer aux actions judiciaires intentées contre les passeurs, les trafiquants ou les employeurs illicites de migrants ; apporter des informations et des renseignements pouvant être utilisés pour fournir protection et assistance à d’autres migrants ; participer à une affaire pénale en tant que témoin ; bénéficier d’une réparation pour avoir été la victime d’une infraction.

Lorsqu’un migrant de retour est mêlé à une affaire pénale en tant que témoin, le pays d’origine est chargé de fournir toute la protection nécessaire pour garantir sa sûreté et sa sécurité et pour prévenir toutes représailles contre lui ou sa famille. Les chargés de dossier peuvent contribuer à ce processus en aidant le bénéficiaire à évaluer les risques encourus. Les évaluations des risques éclairent l’appui à fournir aux personnes de retour, selon qu’elles décideront de participer ou non à des enquêtes et procédures judiciaires, et selon le type de participation. Le chargé de dossier peut également aider les bénéficiaires à accéder à des informations sur l’issue des enquêtes, des procès ou des condamnations pour lesquels ils ont fourni des renseignements, notamment en ce qui concerne l’incarcération ou la libération de l’auteur de l’infraction.

➔ Contacts avec le système judiciaire

Dans certains cas, les migrants de retour ont été impliqués dans une infraction, accusés, inculpés ou condamnés. Dans de telles situations, l’intéressé doit être orienté vers les services d’aide juridique sans discrimination. Des mesures pratiques doivent être prises pour que les migrants puissent vérifier s’ils sont traités équitablement et sans discrimination et s’ils sont en mesure d’exercer leurs droits. Ces mesures peuvent comprendre la communication d’informations adaptées à leur niveau d’éducation et d’alphabétisation et sous une forme compréhensible. Dans l’ensemble, les bénéficiaires doivent être assurés du fait que leurs intérêts seront défendus dans n’importe quelle procédure judiciaire.

Tableau 2.7: Faciliter l’accès à la justice et à la protection des droits

 

Aider les migrants de retour
qui doivent participer à une
procédure judiciaire à obtenir
toutes les informations dont
ils ont besoin à cet égard.

Les procédures judiciaires peuvent être lourdes et déroutantes, et donc donner à l’intéressé un sentiment d’impuissance. Les personnes déjà vulnérables peuvent le devenir encore davantage si elles ne comprennent pas les décisions qui ont des incidences sur leur vie. En veillant à ce que les bénéficiaires soient correctement et complètement informés, les chargés de dossier leur permettent de comprendre leurs propres droits et de mieux se défendre lors des procédures judiciaires. Pour cela, ils doivent régulièrement leur communiquer les mises à jour de leur dossier.

Obtenir le consentement
éclairé et s’en assurer tout
au long des procédures
judiciaires.

Le consentement éclairé des migrants doit être demandé pour toute action en justice les concernant. Ils seront ainsi en mesure de comprendre les conséquences ou risques pouvant découler d’une action judiciaire, les manières dont leurs données personnelles seront éventuellement communiquées ainsi que les attentes et engagements financiers associés à la procédure judiciaire.

Aider les migrants de retour
à trouver un avocat. Il faut
également veiller à ce qu’ils
soient accompagnés lors des
procédures judiciaires, que ce
soit par un avocat ou par le
chargé de dossier.

Trouver, sur la liste des services recensés, des fournisseurs de conseils juridiques au fait des besoins spécifiques des personnes de retour et sensibles aux problèmes des migrants. L’accompagnement des bénéficiaires lors des procédures judiciaires peut constituer un soutien important. C’est aussi une façon de savoir s’ils sont traités équitablement et sans discrimination.

Évaluer si des mesures de 
protection, des témoins par
exemple, sont nécessaires,
notamment pour les victimes
de la traite et de la violence
sexiste.

Dans les cas où toute implication judiciaire pourrait faire courir davantage de risques à la personne de retour, préconiser des mesures à prendre pour la protéger autant que possible.

Faire en sorte que des
interprètes des deux sexes,
formés et sensibilisés, soient
disponibles, si nécessaire,
pendant toutes les
procédures judiciaires.

Les interprètes doivent être capables de traduire des informations sensibles et confidentielles. Ils doivent être préparés à aborder des sujets difficiles ou perturbants et savoir comment communiquer sans émettre de jugement et en faisant preuve d’empathie. Les migrants de retour doivent pouvoir choisir s’ils préfèrent un interprète de sexe masculin ou féminin.

24 International Network for Education in Emergencies (INEE), Normes minimales pour l’éducation : Préparation, interventions, relèvement (2010).

25 Constitution de l’OMS www.who.int/governance/eb/who_constitution_fr.pdf.

26 La justice réparatrice est un modèle de justice qui rassemble les personnes lésées par une infraction et les responsables de cette infraction, afin de promouvoir l’autonomisation des victimes et la responsabilisation des coupables.