La migration de retour fait partie intégrante de la mobilité humaine. Le « retour » est l’acte ou processus consistant à revenir ou être renvoyé à son point de départ. Il est aussi fréquemment associé au fait de retrouver sa propre culture, sa famille et son domicile1, que ce soit à l’intérieur des limites territoriales d’un pays, comme dans le cas d’une personne déplacée à l’intérieur de son propre pays retournant chez elle, ou par-delà les frontières internationales, entre un pays d’accueil et un pays d’origine. Ce dernier cas peut concerner les travailleurs migrants, les réfugiés, les demandeurs d’asile ou les migrants en situation irrégulière.
La migration de retour est, comme la migration en général, un phénomène complexe. Cependant, elle est loin d’être exceptionnelle. Lorsque des personnes quittent leur pays, c’est souvent dans l’espoir d’y revenir à un moment donné. Cela est vrai pour les personnes migrant pour des raisons positives, telles que l’éducation ou le travail, mais peut-être plus encore pour celles qui sont obligées de migrer, dont le retour dépend généralement d’une amélioration de la situation qui les a forcées à partir. Certains migrants ne reviennent jamais. Mais de nombreux autres reviennent, et ce dans des circonstances diverses.
Toutefois, ce n’est pas parce qu’une personne retourne dans un pays ou un lieu où elle vivait auparavant que la réintégration se fait sans heurts. Pour certains, le retour est associé à de nombreuses difficultés (voir Étude de cas no 1 ci-après pour un exemple).
Les difficultés que doivent affronter les migrants de retour, telles que celles décrites dans l’Étude de cas n° 1, ont fait l’objet d’une prise de conscience accrue ces dernières années. La nécessité d’un appui pour rendre la réintégration durable et bénéfique pour les personnes de retour, leur famille, leur communauté et leur pays d’origine est davantage prise en compte. Afin d’élaborer et de mettre en œuvre une aide efficace dans ce domaine, il est nécessaire de comprendre que le processus de réintégration associé à la migration de retour est pluridimensionnel et comporte plusieurs niveaux.
Assistance culturelle en El Salvador
Certains migrants de retour en El Salvador ont passé de nombreuses années à l’étranger et ne bénéficient pas de réseaux de soutien dans leur communauté d’origine. Parfois, ils ne parlent qu’anglais, et n’ont pas de papiers d’identité salvadoriens. Dans certains cas, ils ont un casier judiciaire aux États-Unis et reviennent en El Salvador parce qu’ils ont été expulsés. Tous ces facteurs influent sur l’autonomie économique des migrants de retour. Ils ont également une incidence sur leur bien-être psychosocial et leur capacité d’insertion sociale et, à terme, font obstacle à leur réintégration durable.
Pour aider ces migrants de retour éloignés de leurs racines, l’OIM El Salvador a créé un programme pilote répondant à leurs besoins spécifiques. Toutefois, il est particulièrement difficile de leur venir en aide : ils ne représentent qu’une faible part du nombre total de migrants de retour et, de ce fait, risquent de ne pas être identifiés. Cela entrave les évaluations ciblées de leurs besoins.
Une fois que la Direction générale des migrations, après un rapide protocole, a orienté les personnes concernées vers l’OIM, celle-ci peut apporter une assistance à ce groupe vulnérable.
Souvent, ces personnes ne disposent d’aucun réseau personnel sur lequel s’appuyer à leur retour ; l’assistance comporte donc un nécessaire d’urgence composé de nourriture, de vêtements, de bons de transport et d’un logement pour trois mois. Les migrants de retour peuvent également bénéficier d’une aide pour obtenir des papiers d’identité. L’OIM complète ensuite cette aide directe avec des cours de langue et des ateliers culturels en anglais et en espagnol ; ces séances comprennent des informations culturelles sur El Salvador ainsi que des conseils sur l’établissement d’un budget, l’accès au logement et l’accès au marché du travail. L’Organisation leur fournit également une aide psychosociale sous la forme de consultations individuelles ou d’ateliers et de groupes de soutien. Ces séances aident les bénéficiaires à accéder aux services disponibles dans leur communauté et à établir de nouveaux liens avec celle-ci.
Envisager de renforcer les capacités des fournisseurs de soutien psychosocial dans le cadre de l’initiative.
1.1.1 Types de retour et motivations
Il n’existe pas de classification des retours universellement convenue. Toutefois, différentes sous-catégories de retour sont liées à la durée prévue de celui-ci, au niveau d’assistance reçue dans le cadre du processus de retour (le cas échéant) et aux différentes manières dont le retour est mis en œuvre ; d’autres sous-catégories indiquent qui participe au retour.
- Durée de séjour prévue : Le retour peut être permanent ou temporaire. Par exemple, pour les migrants hautement qualifiés qui souhaitent contribuer au développement de leur pays d’origine en transmettant les connaissances et données d’expérience qu’ils ont acquises à l’étranger, l’option privilégiée peut être un retour temporaire.
- Retour avec ou sans appui : On parle de retour spontané lorsqu’une personne décide de son retour et le met en œuvre par elle-même. On parle d’aide au retour lorsqu’un État ou une tierce partie offre aux migrants un soutien financier et logistique pour leur retour dans leur pays, et parfois un appui aux mesures de réintégration.
- Retour volontaire ou involontaire : Le retour involontaire ou forcé est l’acte de renvoyer une personne, contre sa volonté, dans son pays d’origine, un lieu de transit ou un pays tiers qui accepte de la recevoir. Il est généralement effectué sur la base d’un acte ou d’une décision administrative ou judiciaire. Le retour volontaire est le retour assisté ou indépendant d’un migrant dans son pays d’origine, un lieu de transit ou un autre pays sur la base de la décision volontaire de l’intéressé2. Toutefois, le fait qu’un migrant décide de son retour ne signifie pas nécessairement que son souhait soit sans ambiguïté. Il est possible que les alternatives soient limitées, par exemple si les débouchés économiques sont rares ou si un migrant n’est pas légalement autorisé à rester sur le territoire d’un État3. Il n’existe aucune définition universellement convenue du retour volontaire. Certains acteurs estiment que le retour n’est volontaire que si les migrants ont toujours la possibilité de rester légalement dans leur pays d’accueil. Selon ces acteurs, lorsqu’un migrant est légalement tenu de quitter le pays d’accueil et décide de partir de son propre gré, son retour devrait être qualifié de contraint, obligatoire ou accepté4. D’autres considèrent que le retour volontaire doit s’entendre dans un sens plus large, à savoir que même en l’absence de possibilités légales de demeurer dans un pays hôte, les migrants peuvent exprimer leur volonté, sous réserve que d’autres conditions soient remplies. Plus précisément, pour l’OIM, dans le contexte de l’aide au retour volontaire et à la réintégration (AVRR), le caractère volontaire est présumé exister dès lors que deux conditions sont remplies : a) la liberté de choix, qui s’entend de l’absence de pressions physiques ou psychologiques exercées pour participer à un programme AVRR ; et b) une décision éclairée, ce qui suppose l’existence d’informations actuelles, objectives et fiables sur lesquelles fonder sa décision5. Le présent manuel suit la seconde approche.
Indépendamment des cadres juridiques qui le régissent, le retour des migrants peut s’expliquer par des raisons diverses, telles qu’une amélioration des conditions politiques, économiques et sociales dans le pays d’origine, des raisons familiales et d’autres considérations privées. Certains migrants retournent dans leur pays conformément à ce qu’ils avaient prévu, après avoir terminé leurs études ou un contrat de travail, ou une fois qu’ils ont atteint un objectif spécifique. Le retour peut également être motivé par des problèmes rencontrés dans le pays hôte, tels que l’absence de perspectives économiques, les difficultés liées à la langue, l’isolement social, la discrimination ou une méconnaissance de la culture locale. Certains retournent dans leur pays d’origine afin de finir leurs jours chez eux. Souvent, les devoirs familiaux (garde de malades ou de parents âgés, protection des membres vulnérables de la famille) sont cités comme motif de retour. Les raisons du retour ne sont pas figées et sont susceptibles de changer. Par exemple, un demandeur d’asile peut avoir des difficultés à s’adapter à la vie dans le pays hôte et sa famille peut lui manquer ; il peut alors décider, après avoir reçu une décision de rejet de sa demande d’asile, de rentrer chez lui au lieu de faire appel.
Les raisons du retour ont une influence considérable sur la réintégration des personnes concernées. Le présent manuel décrit des initiatives de réintégration qui peuvent s’appliquer à divers types de retours, qu’ils soient forcés ou volontaires. L’OIM estime toutefois que le retour volontaire devrait être l’option privilégiée et qu’il devrait être promu par rapport au retour forcé : non seulement il donne aux migrants un choix, mais il leur permet de préparer leur retour, ce qui favorise le processus de réintégration6. L’on part en outre du principe, dans le présent manuel, que la réintégration commence avant même le retour dans le pays d’origine. Dans la mesure du possible, il faut aider les migrants et les organisations et partenaires compétents à préparer la réintégration avant le départ. Cette préparation peut comprendre des évaluations individuelles et des consultations préalables dans le pays d’accueil, ainsi que l’établissement de partenariats ou de mécanismes d’orientation dans le pays d’origine. Les migrants qui ne sont pas en mesure de préparer convenablement leur retour avant leur départ peuvent avoir besoin d’une aide à la réintégration plus importante dans leur pays d’origine.
1.1.2 Évolution des programmes d’aide au retour volontaire et à la réintégration
Dans un nombre croissant de contextes, les États offrent un appui financier, logistique ou administratif au retour volontaire des migrants qui ne peuvent pas ou ne veulent pas rester dans le pays d’accueil. Les programmes d’aide au retour volontaire et à la réintégration (AVRR) fournissent un appui administratif, logistique et financier, y compris une aide à la réintégration, à des migrants qui ne peuvent pas ou ne veulent pas rester dans le pays d’accueil ou de transit et qui décident de rentrer dans leur pays d’origine7. L’OIM met en œuvre des programmes AVRR à l’échelle mondiale depuis 1979. Elle a fourni un appui humain et digne au retour et à la réintégration de plus de 1,6 million de personnes dans le monde. Souvent considéré comme un moyen de lutter contre la migration irrégulière, le retour volontaire assisté représente généralement, pour les gouvernements, une alternative plus économique et administrativement rapide à des mesures telles que la détention ou l’expulsion. Pour les migrants, le retour volontaire constitue une alternative plus humaine au retour forcé. Il peut également être une solution pour les migrants en situation irrégulière, qui sont particulièrement exposés à la discrimination, à la violence, à l’exploitation et aux mauvais traitements, et risquent d’être exploités par des organisations criminelles impliquées dans la traite d’êtres humains et le trafic illicite de migrants. Pour le pays d’origine, le retour volontaire est généralement plus acceptable politiquement que le retour forcé et il s’agit d’un sujet moins sensible.
Les bénéficiaires des programmes AVRR peuvent être des migrants en situation régulière ou irrégulière, tels que, par exemple, des migrants en détresse ; des demandeurs d’asile qui choisissent finalement de ne pas donner suite à leur demande ; des travailleurs migrants à la fin de leur contrat ou des personnes dont le visa a expiré8. Au fil des ans, les concepts et les pratiques en matière d’AVRR ont connu d’importants changements, principalement en raison de l’évolution des contextes dans lesquels les programmes AVRR sont mis en œuvre9.
L’aide au retour volontaire et à la réintégration s’est progressivement étendue au-delà de l’Europe et fait à présent partie intégrante des politiques et pratiques relatives à la migration de retour en Afrique, en Asie et dans le Pacifique, les Amériques et les Balkans occidentaux. Dans le même temps, les retours volontaires depuis les pays dits de transit sont de plus en plus nombreux, tout comme les retours volontaires Sud–Sud, en particulier dans la région du Moyen-Orient et sur le continent africain ; on assiste en outre à une augmentation des risques auxquels les migrants sont exposés en raison d’itinéraires dangereux. En outre, depuis quelques années, les acteurs du financement et de la mise en œuvre de programmes de retour volontaire et de réintégration sont plus nombreux et se sont diversifiés.
Il est à noter que l’appui à la réintégration durable a connu un regain d’intérêt auprès des acteurs du développement. L’AVRR n’était pas initialement conçue comme un outil propre à favoriser le développement dans les pays d’origine, mais plutôt comme un instrument de gestion des migrations permettant d’assurer un retour digne et humain aux migrants qui ne pouvaient pas ou ne voulaient pas rester dans le pays d’accueil. De ce fait, les ministères de l’Intérieur ou leur équivalent au niveau régional ou international étaient généralement les principaux contributeurs aux programmes AVRR. Cependant, au fil du temps, l’aide à la réintégration a été progressivement intégrée aux interventions d’aide au retour volontaire, d’abord sous la forme d’une aide financière limitée, puis sous celle de nécessaires d’urgence pour aider les migrants de retour. Cette évolution positive reflète une prise de conscience du fait qu’il faut aider les migrants à leur retour si l’on veut faciliter leur réintégration durable.
L’intérêt récent des acteurs du développement pour ces questions a réorienté la réflexion sur les objectifs ultimes de l’AVRR. En conséquence, une attention accrue est à présent portée au rôle que peuvent jouer les communautés d’origine dans l’élaboration et la mise en œuvre de programmes de réintégration efficaces dans l’intérêt de tous. Ce changement a mis l’accent sur la nécessité de renforcer l’appropriation du processus par les acteurs locaux ainsi que les structures et capacités des services liés au retour et à la réintégration, conformément aux plans de développement existants.
1 Les migrants ne retournent pas toujours dans leur communauté d’origine : ils peuvent se rendre ailleurs dans leur pays d’origine. En outre, la migration de retour peut également désigner le « retour » dans un pays tiers, qui n’est pas le pays d’origine du migrant. Toutefois, aux fins du présent manuel, nous ne parlerons que du retour et de la réintégration dans le pays d’origine.
2 D’après IOM Glossary on Migration, 2019.
3 Les États doivent respecter le principe de non-refoulement. Les programmes d’aide au retour volontaire et à la réintégration (AVRR) doivent tenir compte des questions de sécurité, telles que le niveau général de sécurité et les problèmes opérationnels qui pourraient avoir une incidence sur la fourniture de l’aide au retour et à la réintégration. Si en raison d’un ou plusieurs de ces facteurs, la situation représente une menace pour la sécurité des migrants de retour ou du personnel participant à la fourniture de l’AVRR, il est possible que les retours dans certaines régions ou certains pays doivent être limités ou suspendus.
4 K. Newland et B. Salant, Balancing Acts: Policy Frameworks for Migrant Return and Reintegration (en anglais seulement). Washington: Migration Policy Institute (2018) et Conseil européen sur les réfugiés et les exilés (CERE), Voluntary Departure and Return: Between a Rock and a Hard Place. ECRE’s Analysis of European Practices in the Area of Return Including “Voluntary Departures” and Assisted Return, with its Recommendations to the EU (2018) (en anglais seulement).
5 Pour plus d’informations, voir Cadre relatif à l’aide au retour volontaire et à la réintégration (OIM, 2018).
6 En vertu de sa Constitution, l’OIM n’a pas le droit de participer à un retour forcé, que ce soit de façon directe ou indirecte. Toutefois, l’Organisation estime que, tout comme les migrants volontairement retournés dans leur pays qui bénéficient de ses programmes AVRR, les migrants qui sont renvoyés de force peuvent se trouver dans des situations vulnérables et avoir besoin d’une assistance à la réintégration socioéconomique (voir section 1.1.2). Même lorsque l’OIM ne participe pas à l’organisation et la facilitation du retour, elle peut être impliquée dans les activités de réintégration après l’arrivée.
7 Le travail de l’OIM sur l’AVRR est guidé par son Cadre relatif à l’aide au retour volontaire et à la réintégration, qui s’appuie sur la contribution de longue date de l’OIM dans ce domaine et a marqué une étape importante dans l’action menée par l’Organisation en la matière.
8 Les États doivent respecter le principe de non-refoulement. Les programmes AVRR doivent tenir compte des questions de sécurité, telles que le niveau général de sécurité et les problèmes opérationnels qui pourraient avoir une incidence sur la fourniture de l’aide au retour et à la réintégration. Si en raison d’un ou plusieurs de ces facteurs, la situation représente une menace pour la sécurité des migrants de retour ou du personnel participant à la fourniture de l’AVRR, il est possible que les retours dans certaines régions ou certains pays doivent être limités ou suspendus.
9 Les paragraphes ci-après sont adaptés de : N. Graviano et N. Darbellay, "A framework for assisted voluntary return and reintegration", Migration Policy Practice, Vol IX no 1, p. 9-14 (janvier-mars 2019) (en anglais seulement).
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