Module 4: AIDE À LA RÉINTÉGRATION AU NIVEAU STRUCTUREL

4.3 Renforcement des cadres politiques nationaux

Sur le plan structurel, il faut s’assurer que la réintégration soit ancrée dans les stratégies nationales relatives à la migration et au développement ainsi que dans les politiques sectorielles du pays d’origine. Cela nécessite la révision et la mise à niveau des cadres politiques ou la création de mesures favorables à la réintégration. Cela vaut particulièrement pour les pays d’origine qui voient revenir un nombre important de migrants.

L’aide à la réintégration durable nécessite une approche interministérielle et devrait être reflétée dans la législation, les politiques et les programmes locaux et nationaux. Dans l’idéal, la réintégration constitue un élément du processus d’intégration de la migration au niveau national (voir l’encadré ci-après). Toutefois, même en l’absence d’un processus plus large, la réintégration peut être intégrée aux politiques, stratégies et cadres sectoriels (voir le tableau 4.8) aux niveaux local et national.
 

L’intégration de la réintégration aux processus politiques vise à :

  • Adopter une approche plus globale de la planification de la migration, étant donné que la migration de retour, la réintégration et le développement sont des questions étroitement liées ;
  • Faire en sorte que la réintégration durable bénéficie, de façon systématique, au développement des personnes et des sociétés, en particulier lorsque les migrants de retour sont nombreux ;
  • Allouer les ressources de manière plus efficace pour répondre aux priorités définies au niveau national, y compris en matière de réintégration ;
  • Faciliter la coordination entre acteurs locaux et nationaux lors des activités de retour et de réintégration ;
  • Mettre en œuvre des politiques et actions coordonnées.
COUP DE PROJECTEUR

Ce processus devrait comprendre l’intégration du retour et de la réintégration dans les lois, politiques et programmes à tous les niveaux, c’est-à-dire à toutes les étapes de la planification du développement, notamment la conception, la mise en oeuvre ainsi que le suivi et l’évaluation.

Des supports de formation en ligne ont été mis au point dans le cadre du Programme mondial conjoint d’intégration de la migration dans les stratégies nationales de développement, mené avec l’ONU ; ils fournissent des informations complémentaires sur la prise en compte de la migration dans l’élaboration des politiques.

Chaque fois que cela est possible, les stratégies d’intégration doivent être mises au point en partenariat avec les principales parties prenantes. Cela peut améliorer la compréhension et l’engagement de tous les acteurs, ainsi que le rapport coût-efficacité grâce à d’éventuels accords de partage des coûts. De même, il est important que les gouvernements des pays d’origine et les organisations responsables intègrent des programmes de réintégration aux cadres et stratégies de développement, tels que les plans-cadres des Nations Unies pour l’aide au développement, les stratégies de développement national, les politiques et stratégies nationales pour l’emploi, les stratégies de réduction de la pauvreté et les politiques migratoires globales. Les organisations internationales qui ont des compétences et une expérience en matière d’intégration de la migration dans les cadres nationaux ou internationaux sont souvent bien placées pour aider les gouvernements dans ce processus. Pour mener ces initiatives, il est nécessaire de bien comprendre les objectifs et priorités des différents ministères d’exécution, et de connaître les politiques sectorielles ainsi que la manière dont elles sont liées à la gestion des migrations et de la réintégration.

Pour une intégration efficace du retour et de la réintégration aux stratégies locales et nationales en matière de migration et de développement ainsi qu’à d’autres politiques pertinentes, certaines conditions préalables doivent être réunies dans le pays d’origine (voir le tableau 4.7 ci-après).

 

Tableau 4.7 : Conditions à remplir pour une intégration efficace du retour et de la réintégration aux cadres politiques

   
Un ferme appui
politique de haut
niveau
Il faut encourager les acteurs politiques de haut niveau à faire de l’intégration du retour et de la réintégration au programme national une priorité. Cela contribuera à garantir la participation active des acteurs compétents aux niveaux local et national et à soutenir le processus.
Appropriation aux
niveaux local et
national
Le gouvernement du pays d’origine doit être le principal acteur du processus d’intégration, afin que ses priorités soient prises en compte et que les résultats soient viables à long terme. Chaque fois que possible, tous les niveaux de l’administration doivent être impliqués.
Une participation
inclusive reposant
sur une définition
claire des rôles
Les principales parties prenantes, telles que les groupes de migrants de retour, les groupes communautaires de migrants, les groupes de la diaspora, la société civile, les milieux universitaires, les associations d’employeurs et les partenaires de développement, doivent devenir des partenaires dans le processus d’intégration afin que celui-ci bénéficie de différentes perspectives, de nouvelles informations et données, d’un appui politique et social et de sources de financement. Une large
participation favorise un processus qui n’est pas dirigé par une seule institution publique ou un petit nombre de personnes. Cette participation inclusive exige que les rôles et responsabilités respectifs des différents acteurs soient clairement définis.
Objectifs communs Une compréhension commune des objectifs permet d’éviter que les programmes mis en oeuvre soient trop différents. Afin d’élaborer et de suivre un programme cohérent, il faut promouvoir la transparence, une vision claire et un dialogue régulier entre les parties prenantes.
Fixer et respecter
des délais réalistes
Le fait de donner aux acteurs suffisamment de temps pour réfléchir, rassembler des données factuelles et parvenir à un consensus permettra d’éviter les attentes irréalistes, de conserver une certaine souplesse et d’apprendre tout au long du processus.

Dans la plupart des cas, toutes les conditions susmentionnées ne seront pas parfaitement remplies. Toutefois, certaines peuvent être favorisées par les activités de sensibilisation, l’expertise technique et le renforcement des capacités apportés par l’organisation principalement chargée de la réintégration et ses partenaires.

Les efforts d’intégration aux niveaux local et national doivent toujours suivre une approche structurée. La figure 4.5 ci-après présente, étape par étape, le processus de conception, de mise en œuvre et de suivi d’un plan d’intégration. Il peut être utilisé dans des contextes où le retour et la réintégration sont intégrés aux politiques et stratégies existantes, ou dans des situations où les gouvernements sont en train (ou envisagent) d’élaborer une stratégie ou politique.

Figure 4.5: Processus d’intégration du retour et de la réintégration dans les stratégies et politiques en matière de migration et de développement, étape par étape.

1. Sensibilisation
  • Les principaux acteurs sont réunis pour discuter des buts et objectifs du processus d’intégration afin de contribuer à l’élaboration d’une proposition en vue de ce processus.
2. Étude préliminaire
  • Afin de recenser les composantes retour et réintégration déjà en place dans les politiques sectorielles et les cadres de planification du développement, et pour évaluer les délais, les principales parties prenantes, les difficultés et les moyens de progresser dans la structuration du processus.
3. Définition d’objectifs
  • Afin de recenser les objectifs et de les classer par ordre de priorité. Ce processus doit faire participer tous les principaux acteurs de la réintégration et refléter leurs commentaires et leurs priorités. Si cela est possible, il doit être intégré aux processus nationaux de planification du développement actuellement mis en oeuvre.
4. Planification des
interventions
  • Suppose de sélectionner et d’élaborer les programmes et projets afin de répondre aux priorités fixées, en déterminant les bénéficiaires cibles, les principales activités à mener ainsi que les partenaires compétents.
5. Mise en oeuvre
  • Sur la base du plan d’action convenu, l’entité publique responsable doit élaborer un plan de mise en oeuvre et une stratégie de mobilisation des ressources afin que les ressources disponibles, la prise de décisions, les attributions de chacun et la communication des informations soient clairement déterminées.
6. Suivi
  • Ce plan doit être régulièrement revu, mis à jour et adapté. Toutes les mesures ou politiques concernant le retour et la réintégration qui sont mises en oeuvre mais n’étaient pas inclues dans le plan initial doivent y être intégrées afin que toutes les activités d’intégration puissent être suivies dans un seul document.

Possibilités en matière d’intégration de la réintégration

La réintégration et le retour ne doivent pas seulement être intégrés aux stratégies de migration et de développement, mais également à toutes les politiques et stratégies sectorielles pouvant être pertinentes pour la gouvernance nationale du retour et de la réintégration. Le tableau ci‑après présente une sélection des principales politiques sectorielles et indique leur pertinence potentielle pour les activités d’intégration :

 

Tableau 4.8 : Possibilités d’intégration de la réintégration à différentes politiques et stratégies sectorielles

Stratégie/
politiques
sectorielles
Possibilités d’intégration de la migration
Emploi
  • Tenir compte des besoins et capacités des migrants de retour dans les politiques et stratégies relatives au travail ;
  • Faire en sorte que les compétences et atouts des migrants de retour bénéficient au marché du travail, aux programmes de transferts de compétences et à l’économie dans son ensemble ;
  • Mettre au point des dispositifs pour faciliter la réinsertion des migrants de retour sur le marché du travail, ou renforcer ceux qui existent (notamment au moyen de programmes de travaux publics et du développement des compétences) ;
  • Harmoniser les buts et objectifs pertinents énoncés dans les stratégies de retour et de réintégration avec ceux des stratégies relatives à l’emploi ;
  • Favoriser la coordination entre les institutions liées au marché de l’emploi et les institutions et acteurs liés à la migration ;
  • Renforcer les capacités des services publics pour l’emploi, des instituts d’EFTP ainsi que des centres de développement des entreprises et inclure les migrants de retour comme groupe cible remplissant les conditions requises.
Éducation et
formation
  • Tenir compte des besoins et capacités des migrants de retour dans les politiques et stratégies relatives à l’éducation ;
  • Appuyer l’accès des migrants de retour à l’éducation et favoriser un milieu propice à l’apprentissage, notamment en facilitant la reconnaissance des certificats ;
  • Surmonter les obstacles qui entravent l’accès des migrants de retour à l’éducation, grâce à l’élaboration de directives sur l’intégration scolaire, la mise en place de cours de langue et de rattrapage et la reconnaissance de l’équivalence des diplômes obtenus à l’étranger ;
  • Accélérer l’inscription scolaire et universitaire pour les enfants en âge d’être scolarisés qui reviennent dans des zones affichant un taux de retour élevé ;
  • Harmoniser les buts et objectifs pertinents énoncés dans les stratégies de retour et de réintégration avec ceux des stratégies relatives à l’éducation ;
  • Favoriser la coordination entre les établissements d’enseignement et les institutions et acteurs liés à la migration.
Assistance et
protection
sociales
  • Tenir compte des besoins et capacités des migrants de retour dans les politiques et stratégies relatives à l’assistance et à la protection sociales ;
  • Appuyer l’accès des migrants de retour au système de protection sociale (logements sociaux, pensions, prestations sociales), et traiter les obstacles qui peuvent se présenter lorsqu’ils cherchent à obtenir les documents personnels requis pour accéder aux services de protection sociale (certificats de naissance, de mariage ou de divorce, passeport, papiers d’identité, etc.) ;
  • Appuyer la création de services adaptés aux migrants de retour en situation de vulnérabilité, notamment au moyen de mécanismes nationaux d’orientation ;
  • Favoriser la coordination entre les institutions liées à l’assistance et à la protection sociales et les institutions et acteurs liés à la migration.
Santé et
bien‑être
  • Tenir compte des besoins et capacités des migrants de retour dans les politiques et stratégies relatives à la santé ;
  • Aider les migrants de retour à bénéficier de l’égalité d’accès au système de santé national ;
  • Accroître la capacité d’accueil des établissements de santé dans les zones affichant un taux de retour élevé ;
  • Mettre en place de nouveaux établissements de soins ou des dispensaires mobiles dans les zones où les migrants de retour et les communautés locales ont du mal à accéder aux établissements de santé existants ;
  • Harmoniser les buts et objectifs pertinents énoncés dans les stratégies de retour et de réintégration avec ceux des stratégies relatives aux politiques sociales et à la santé.
Égalité des
sexes et
LGBTI
  • Prendre en considération les besoins et capacités des hommes et femmes de retour, y compris ceux des personnes LGBTI, dans les politiques et stratégies relatives à l’égalité des sexes et aux personnes LGBTI ;
  • Appuyer les questions sectorielles et intersectorielles relatives à l’égalité des sexes dans les politiques et stratégies afin de prendre en compte la situation spécifique et les vulnérabilités des femmes et personnes LGBTI de retour ;
  • Réduire les obstacles qui entravent la prise en compte des préoccupations et priorités des hommes et femmes de retour dans les cadres de planification, budgétisation et mise en oeuvre tenant compte de l’égalité des sexes ;
  • Harmoniser les buts et objectifs pertinents énoncés dans les stratégies de retour et de réintégration avec ceux des stratégies relatives à l’égalité des sexes.
Environnement
et adaptation
au changement
climatique
  • Veiller à ce que les programmes et projets de réintégration soient en accord avec les politiques nationales dans le domaine de l’environnement, telles que la gestion des ressources naturelles, la planification de l’aménagement du territoire, l’adaptation au changement climatique et la réduction des risques de catastrophe ;
  • Le cas échéant (par exemple, lorsqu’un grand nombre de migrants revient dans une même zone), intégrer la réintégration aux plans et politiques liés à l’environnement (par exemple, en ce qui concerne la demande supplémentaire prévue de ressources naturelles en cas d’augmentation du risque de catastrophe) ;
  • Étudier les possibilités de synergie entre les activités de réintégration, les stratégies relatives à l’emploi et les objectifs environnementaux, au moyen d’« emplois verts » – y compris ceux qui sont spécifiquement destinés à préserver ou restaurer l’environnement dans les communautés de retour ;
  • Favoriser la coordination entre les institutions et acteurs oeuvrant dans le domaine de l’environnement et ceux liés à la migration.
Entreprise et
finance
  • Veiller à ce que les critères pour l’enregistrement des entreprises et l’accès au financement et au crédit tiennent compte de la situation spécifique des migrants de retour ;
  • Donner aux migrants de retour des informations sur les possibilités en matière d’entreprise et de financement, y compris entre les pays d’origine et d’accueil.