Principaux messages
Public cible
Introduction
La situation politique, institutionnelle, économique et sociale influe directement sur les chances d’une réintégration durable pour les enfants et leur famille. Pour créer un environnement propice à la conception et la mise en oeuvre d’une aide à la réintégration axée sur l’enfant et la famille, il faut :
- Mobiliser les principales parties prenantes dans les pays d’accueil et d’origine et renforcer leurs capacités, et mener une action de sensibilisation auprès des interlocuteurs gouvernementaux afin que les droits et les besoins des enfants soient pris en considération lors de l’élaboration et de la mise en oeuvre des politiques et programmes de réintégration ;
- Renforcer ou mettre en place des mécanismes de coordination entre toutes les parties prenantes clés tout au long du processus de retour et de réintégration ;
- Mettre en place des systèmes et pratiques de coopération internationale (à l’échelle multilatérale et bilatérale) axés sur la réintégration des migrants de retour ou renforcer ceux qui existent ;
- Intégrer les aspects relatifs à la réintégration dans la législation, les politiques, les stratégies et les pratiques nationales en matière de protection de l’enfance et d’aide sociale, ainsi que dans d’autres services tels que l’éducation, les soins de santé, le logement, l’accès à la justice et la protection sociale, et dans les politiques et stratégies concernant l’emploi.
Là où le nombre d’enfants et de familles de retour est relativement faible ou lorsque les systèmes de protection de l’enfance et d’aide sociale et autres services particulièrement utiles pour les enfants sont bien établis, les interventions au niveau structurel peuvent se concentrer sur des mesures visant à intégrer les migrants de retour dans les systèmes existants. En général, l’aide à la réintégration au niveau structurel devrait orienter et éclairer le développement et l’adaptation continus des mécanismes de protection pour les enfants et les familles vulnérables. Dans certains cas, les vulnérabilités qui conduisent à migrer ou entravent les efforts de réintégration sont semblables à celles qui freinent le développement des enfants et affaiblissent la résilience des familles et des communautés. À cet égard, la réintégration durable des migrants de retour peut être l’occasion :
- D’augmenter les ressources allouées aux services locaux et nationaux ;
- De mobiliser davantage les principales parties prenantes qui s’emploient à promouvoir les droits de l’enfant et à répondre aux besoins de tous les enfants de retour dans leur communauté d’origine, et d’augmenter le nombre de ces parties prenantes ;
- De renforcer les systèmes qui non seulement soutiennent les enfants de retour et leur famille, mais offrent aussi une protection et une aide à tous les enfants et à toutes les familles, en accordant une attention particulière à ceux qui sont en situation de vulnérabilité.
Le présent chapitre s’intéresse principalement à la consolidation des mécanismes de protection de l’enfance et d’aide sociale par un renforcement des compétences, pour illustrer le type d’intervention structurelle à l’appui de la réintégration durable des enfants qui devrait être priorisé. Les autres services particulièrement utiles pour les enfants de retour sont l’éducation, les soins de santé, le logement, la protection sociale et l’accès à la justice.
6.4.1 Mobilisation des parties prenantes
Il est bon de collaborer avec les autorités nationales et locales dès le début de la conception du processus d’aide à la réintégration en raison de leur proximité avec la communauté et de leur connaissance approfondie des services disponibles. Une cartographie des parties prenantes peut, par exemple, permettre d’identifier les autorités chargées de la protection de l’enfance et de l’aide sociale durant la phase précédant le départ ou immédiatement après le retour d’un enfant ou d’une famille dans le pays d’origine. La cartographie des parties prenantes et la collecte d’informations dans le cadre de l’analyse de situation permettent de connaître le contexte, y compris les vulnérabilités, les forces, les lois applicables, les accords de réadmission entre États, les politiques des donateurs, les politiques et priorités des gouvernements nationaux et locaux, les services et les systèmes qui concernent les enfants et leur famille dans les pays d’origine.
- Les processus de l’OIM et de l’UNICEF permettent de recueillir, d’analyser et de mettre régulièrement à jour les informations, les enquêtes nationales et les analyses de situation concernant le pays d’origine, et peuvent constituer un point de départ pour mieux comprendre le contexte national et l’infrastructure vers lesquels l’enfant retournera peut-être.
- La situation individuelle de l’enfant et de sa famille peut éclairer l’identification des parties prenantes clés.
- Les plans de réintégration pour chaque enfant et sa famille, ainsi que la mise en oeuvre de programmes de réintégration plus vastes dans les communautés accueillant de nombreux migrants de retour doivent prendre en considération toutes les parties prenantes pertinentes, à savoir les autorités aux niveaux national et local, le secteur privé, les organisations de la société civile (y compris les organisations de la jeunesse), les migrants, les associations de migrants de retour et de la diaspora, les gouvernements étrangers et les organismes donateurs (généralement ceux des pays d’accueil qui renvoient des migrants).
- La cartographie des parties prenantes et l’analyse de situation s’inscrivent dans le prolongement de l’évaluation de l’intérêt supérieur qui doit être effectuée pour tous les enfants (voir le tableau 4.1, module 4 pour une description des catégories de parties prenantes, de leur pertinence et de leurs
fonctions possibles). - La mobilisation des parties prenantes qui gèrent les systèmes de fourniture de l’aide à la réintégration économique, sociale et psychosociale revêt la plus haute importance pour la protection de l’intérêt supérieur de l’enfant. Elles englobent le secteur privé, qui joue un rôle central dans l’aide à la réintégration économique et sociale pour l’enfant et sa famille.
Mobilisation des parties prenantes aux niveaux national et municipal en El Salvador
L’aide à la réintégration en El Salvador associe des acteurs de nombreux ministères aux niveaux national et municipal, en commençant par une procédure d’accueil appropriée (plus de 11 institutions nationales fournissent des services après l’arrivée). À l’arrivée, les migrants de retour, qu’il s’agisse d’adultes, de cellules familiales, d’enfants ou d’adolescents, sont reçus au centre d’accueil national, dirigé par la Direction des migrations (DGME) et soutenu par des organisations internationales et la société civile. En coordination avec les services de protection de l’enfance, chaque institution effectue une rapide évaluation individuelle en portant une attention particulière aux enfants et aux cellules familiales. Les enfants non accompagnés sont orientés vers le Conseil national pour l’enfance et l’adolescence (CONNA). Les services nationaux assurent l’orientation et le suivi à l’échelle locale dans
les communautés d’arrivée.
Dans plusieurs municipalités prioritaires où les taux d’homicides sont élevés, le Gouvernement d’El Salvador a, en 2015, lancé avec le soutien d’acteurs internationaux, institutionnels et sociaux, le « Plan El Salvador Seguro », rebaptisé « Plan Control Territorial » en 2019. L’objectif est de lutter contre la violence communautaire en rétablissant des lieux publics sûrs et réaménagés à l’intention des familles et des membres de la communauté. C’est ainsi que des ateliers ont été organisés pour former aux compétences de la vie courante et promouvoir des projets d’entreprise, la réintégration dans le système éducatif grâce à des modules éducatifs flexibles et l’ouverture de bureaux pour l’emploi des jeunes visant les populations à risque.
Ce programme a donné la priorité à plus de 60 municipalités. À titre complémentaire, l’OIM, sur la base de données gouvernementales officielles, a suivi le nombre de migrants de retour arrivant en El Salvador depuis les États-Unis d’Amérique et le Mexique. Ces données lui ont permis, avec le soutien d’USAID, de prioriser à des fins de réintégration et de prévention de la migration irrégulière des municipalités présentant à la fois un taux élevé d’homicides et un taux élevé de migration de retour. La municipalité de Zacatecoluca en est un exemple.
Cette municipalité a créé un bureau municipal pour les migrants de retour et leur famille. Ce bureau reçoit les migrants de retour qui lui sont envoyés et, conjointement avec d’autres services nationaux, leur offre une aide pour faciliter leur réintégration. Il diffuse également des informations sur les risques de la migration irrégulière et aide les migrants de retour à conserver des liens avec les Salvadoriens de l’étranger.
Par ailleurs, les Comités municipaux pour la prévention de la violence (CMPV) ont ouvert un bureau local de soutien aux victimes et promu des activités artistiques et culturelles en ouvrant des écoles de danse et de peinture. Des mesures de ce genre permettent de suivre une approche plus complète pour chaque migrant de retour, selon son profil.
En parallèle, l’OIM, en partenariat avec les dirigeants municipaux, a renforcé les efforts locaux en faveur de la cohésion sociale en élaborant des projets d’infrastructure à petite échelle ainsi qu’en promouvant la participation locale et l’animation communautaire. L’OIM a également renforcé les capacités communales à des fins d’appropriation de la réintégration et de prévention de la migration irrégulière.
La mobilisation de plusieurs niveaux de parties prenantes a débouché sur des espaces publics communautaires qui promeuvent la cohésion sociale et la réintégration sociale des familles de retour et d’autres membres marginalisés de la communauté, atténuent les facteurs de migration et sensibilisent aux risques de la migration irrégulière.
- Mobiliser un large éventail de parties prenantes à divers niveaux, y compris aux niveaux national, municipal et local, et désigner un dirigeant local.
- Savoir parfaitement en quoi consiste un processus d’accueil approprié et respectueux de la dignité et effectuer une cartographie complète des acteurs et services disponibles est un préalable à l’élaboration des approches nécessaires de la réintégration.
- Garantir un soutien psychosocial immédiat et former des groupes de soutien pour les migrants de retour.
- Promouvoir des stratégies fondées sur des éléments factuels par une analyse des données disponibles sur les migrants de retour et la communauté d’origine.
6.4.2 Développement et renforcement des capacités
Le développement des capacités peut cibler toute partie prenante intervenant dans l’aide à la réintégration, et consiste à renforcer ses capacités, structures, processus ou ressources afin qu’elle puisse faciliter la réintégration durable des enfants de retour et des familles78. L’OIM et l’UNICEF collaborent en tant que parties prenantes clés pour promouvoir la réintégration durable des enfants de retour et des familles dans leurs pays d’origine. L’UNICEF a adopté une approche systémique de la protection de l’enfance qui vise à faire en sorte que les enfants soient protégés conformément à leurs droits. Le renforcement systémique, pour sa part, consiste à consolider les capacités des institutions et des systèmes en vue d’atteindre cet objectif79. L’UNICEF met en oeuvre l’approche du renforcement systémique de la protection de l’enfance en promouvant une structure globale et intégrée de fourniture de services et des politiques permettant d’identifier et d’aider tous les enfants vulnérables sans discrimination. En même temps que le développement des capacités visant au renforcement systémique, la stratégie de l’UNICEF promeut la mise en place d’un système unifié permettant à chaque enfant vulnérable d’accéder au soutien nécessaire, plutôt que la création de mécanismes parallèles qui ne sont ni intégrés ni coordonnés.
Dans le cadre d’une approche de renforcement systémique de la protection de l’enfance, les principales parties prenantes sont les ministères nationaux et les organisations de la société civile chargées de défendre et de promouvoir les droits des enfants et des familles. Le développement des capacités du gouvernement et des partenaires de la société civile qui coordonnent le soutien aux enfants et aux familles ou qui le fournissent est essentiel pour les interventions de renforcement systémique. Au chapitre 6.2, il était dit qu’une gestion des dossiers soucieuse des besoins de l’enfant est un bon moyen de fournir un appui personnalisé aux enfants et aux familles. Les efforts de renforcement des capacités au niveau structurel débouchent sur des cadres nationaux et transfrontaliers de gestion des dossiers, notamment sur des mécanismes d’orientation, et renforcent les capacités des travailleurs sociaux qui mènent des activités de gestion des dossiers pour les enfants vulnérables.
Renforcer l’aide à la réintégration grâce au système national de gestion des dossiers : Éthiopie
L’OIM et l’UNICEF s’emploient ensemble, en tant que parties prenantes clés, à promouvoir la réintégration durable des enfants de retour et des familles dans leur pays d’origine conformément au cadre national de gestion des dossiers en Éthiopie. Le renforcement systémique nécessite d’accroître les capacités des institutions, des procédures et des processus afin que les enfants puissent être protégés d’une manière conforme à leurs droits.
L’UNICEF et l’OIM contribuent au renforcement des mécanismes et des structures qui permettent aux enfants, y compris les enfants de retour et leur famille, d’avoir accès à une aide au niveau national en matière de planification à l’intention de l’enfant avant le départ et après l’arrivée, suivie d’un soutien et d’un suivi continus avec l’enfant et la famille dans leur communauté locale. Pour les enfants de retour en Éthiopie, un partenariat a été noué entre l’OIM et le Ministère de la femme, de l’enfant et de la jeunesse afin de fournir au centre de transit de l’OIM des travailleurs sociaux chargés d’appuyer l’identification, l’enregistrement et l’évaluation des enfants non accompagnés ou séparés de retour au pays. Le travailleur social procède au repérage de la famille conformément à l’intérêt supérieur de l’enfant, accompagne l’enfant dans son village et le confie à un travailleur social local qui supervise le regroupement familial et la mise en oeuvre du plan de prise en charge du dossier de protection de l’enfance en coordination avec les parties prenantes pertinentes.
Cette approche repose sur un cadre national de gestion des dossiers qui tient compte des besoins de tous les enfants, y compris les enfants de retour. Elle réunit et coordonne tous les acteurs concernés par la protection de l’enfance. Cette approche multisectorielle requiert la participation et le soutien de tous les niveaux du système, du niveau national au niveau communautaire, et la mise en place de structures coordonnant les points de vue, les priorités, les approches et les interventions de toutes les parties prenantes. Il en résulte un réseau d’organismes interconnectés, des mécanismes de coordination ainsi qu’une pratique normalisée de gestion des dossiers. L’UNICEF soutient l’expérimentation du cadre national de gestion des dossiers dans divers endroits, notamment en augmentant le nombre et les capacités des travailleurs sociaux, y compris les travailleurs communautaires, à la faveur d’une formation spécialisée. Des procédures opérationnelles permanentes et des outils ont été conçus pour passer d’un système de gestion des dossiers sur papier à une plateforme numérique afin de renforcer l’efficacité du suivi, de la surveillance et des orientations vers les services appropriés.
- S’efforcer d’accroître le nombre de travailleurs sociaux, y compris les travailleurs communautaires, et de renforcer leurs compétences en proposant des cours spécialisés sur le retour et la réintégration.
- Identifier les travailleurs sociaux qualifiés et certifiés relevant de l’autorité nationale pertinente pour qu’ils supervisent et surveillent l’aide à la réintégration aux niveaux local et communautaire.
- Renforcer les systèmes nationaux de protection de l’enfance, d’aide sociale et d’éducation afin qu’ils répondent aux besoins des enfants de retour et des familles.
6.4.2.1 Renforcer les effectifs des services sociaux
Un profil du personnel, une structure des effectifs et une méthode de recrutement appropriés pour un projet de réintégration des enfants et des familles commencent par une main-d’oeuvre des services sociaux fonctionnelle. Le document intitulé « Guidelines to Strengthen the Social Service Workforce for Child Protection 2018 », élaboré par l’UNICEF en consultation avec l’Alliance mondiale pour les travailleurs des services sociaux, s’appuie sur des éléments factuels concernant « ce qui fonctionne » et sur les enseignements tirés du terrain. Les lignes directrices qu’il renferme visent à accélérer les programmes des bureaux régionaux et de pays de l’UNICEF en matière de renforcement de la main-d’oeuvre des services sociaux et à appuyer les efforts faits pour mieux planifier, développer et soutenir les travailleurs sociaux des partenaires nationaux et régionaux.
Ces lignes directrices recommandent des stratégies et des interventions pour renforcer la main-d’oeuvre des services sociaux – une composante importante du système de protection de l’enfance – comme suit :
- Améliorer la compréhension du rôle et de la fonction des travailleurs sociaux au sein du système de protection de l’enfance ;
- Mieux connaître la composition de la main-d’oeuvre et des acteurs clés qui la composent ;
- Recommander des stratégies et interventions fondées sur des éléments factuels pour renforcer la maind’oeuvre des services sociaux à court, moyen et long terme ;
- Souligner le rôle particulier que l’UNICEF peut jouer dans le renforcement de la main‑d’oeuvre des services sociaux aux niveaux régional et national ;
- Renforcer le suivi, aux niveaux national, régional et mondial, afin de mesurer les progrès en matière de renforcement de la main‑d’oeuvre des services sociaux et son impact sur les services de prévention et de réponse en matière de protection de l’enfance.
En outre, l’Alliance mondiale pour les travailleurs des services sociaux a élaboré des principes directeurs et des compétences pour les paraprofessionels des services sociaux. Les bons travailleurs sociaux paraprofessionnels sont formés à une prise en charge axée sur l’enfant et centrée sur la famille dans le cadre d’un « processus continu d’évaluation, de gestion de la prise en charge, de coordination des services, d’amélioration de la qualité, de renforcement des capacités et de soutien direct »80. La deuxième édition (2017) de Para Professionals in the Social Service Workforce: Guiding Principles, Functions and Competencies comprend les éléments suivants :
- Principes directeurs relatifs au développement des travailleurs sociaux paraprofessionnels ;
- Fonctions et compétences générales/essentielles des travailleurs des services sociaux paraprofessionnels ;
- Fonctions et compétences des travailleurs paraprofessionnels chargés de la prise en charge des enfants et des jeunes ;
- Fonctions et compétences des travailleurs sociaux paraprofessionnels ;
- Fonctions et compétences des travailleurs paraprofessionnels chargés du développement communautaire.
Ces cadres de compétence sont axés sur l’enfant, visent à aider les responsables à élaborer des programmes, à rédiger des descriptions de poste et à évaluer les besoins en matière de formation et de supervision, et complètent le profil du personnel chargé de la réintégration fourni dans le module 1, chapitre 1.4.3.
6.4.3 Mise en place de mécanismes de coordination
Les chapitres précédents ont souligné la nécessité de tenir compte de l’environnement et de l’intérêt supérieur de l’enfant. La complexité de ces aspects clés se reflète dans l’éventail de parties prenantes, de mécanismes de soutien et de fournisseurs de services nécessaires pour appuyer et promouvoir l’environnement et l’intérêt supérieur de l’enfant. La plupart des pays d’origine disposent déjà de certains mécanismes de coordination relatifs à l’accès à la protection, aux services et à l’aide, mais ceux-ci ne sont pas nécessairement organisés en fonction des besoins des personnes et des familles revenant au pays. De fait, il est probable que l’impossibilité d’accéder aux mécanismes de soutien et l’absence de coordination de ces derniers pour répondre aux besoins des personnes ou des familles vulnérables aient contribué aux raisons de migrer.
Pour les pays d’origine où les mécanismes de coordination sont sous-développés ou manquent de ressources, le module 4 indique comment mettre en place un mécanisme de coordination adapté au contexte. La cartographie des services disponibles, l’adoption de procédures opérationnelles permanentes, la création de mécanismes d’orientation, et les efforts visant à promouvoir l’appropriation gouvernementale, notamment en coordonnant les mécanismes d’orientation au niveau national et en mettant les principaux acteurs en relation, constituent certaines des mesures soulignées dans le module 4. La création d’un mécanisme de coordination spécialement conçu pour répondre aux besoins des personnes et des familles retournant au pays peut représenter une réponse immédiate ou d’urgence lorsqu’il n’existe aucun mécanisme pour faciliter la réintégration des migrants de retour et leur fournir une aide. La réintégration durable des enfants de retour et de leur famille dépendra de l’amélioration des capacités de réponse des systèmes nationaux. Le Cadre national de gestion des dossiers en Éthiopie est un exemple de méthodologie permettant de renforcer la main‑d’oeuvre des services sociaux et de mettre en place les mécanismes de coordination requis pour garantir à tous les enfants et familles dans le besoin, y compris les migrants de retour, l’accès à un soutien et à un suivi personnalisés.
6.4.4 Coopération internationale
Étant donné que le processus de réintégration commence avant le départ du pays d’accueil ou de transit, il est important que la planification de la réintégration prenne en considération les informations recueillies pour la procédure relative à l’intérêt supérieur, le motif ou les moteurs de la migration et les circonstances relatives au voyage migratoire. Le moment du retour physique des enfants et de leur famille et les dispositions prises à cet égard doivent également être planifiés et coordonnés grâce aux mécanismes de communication et de coordination transfrontalières disponibles et effectifs. Les parties prenantes de ce processus sont les gouvernements des pays d’accueil et d’origine, aux niveaux national et local, notamment les services de la protection de l’enfance et de l’aide sociale, les organisations internationales, les ONG, les organisations de la société civile, les écoles, les organisations confessionnelles, les acteurs privés et les associations de migrants, de migrants de retour et de la diaspora dans les pays d’accueil, d’origine et de transit.
L’élaboration d’accords et de cadres de coopération centrés sur les enfants et les familles et associant des partenaires locaux et internationaux pour faciliter la coopération et une bonne gestion des dossiers de part et d’autre des frontières permet de faciliter une communication et une coordination transfrontalières efficaces. Celles-ci permettent de coordonner le soutien individuel aux enfants de retour et d’identifier, de suivre et d’atténuer les risques et vulnérabilités auxquels les enfants peuvent être exposés avant, pendant et après leur voyage migratoire. Elles peuvent mettre en lien les pays d’accueil et les pays d’origine, faciliter la fourniture d’une aide à la réintégration avant le départ, éclairer l’adaptation des mécanismes de réintégration au contexte du pays d’origine, adapter les mesures aux besoins des enfants et des familles, et promouvoir le suivi et l’évaluation afin de mesurer la réintégration durable. Les risques à prendre en considération durant ce processus sont la traite des enfants, les diverses formes d’exploitation des enfants ainsi que l’identification des enfants non accompagnés et séparés et leur protection. Une fois ces risques et vulnérabilités identifiés, des protocoles soucieux des besoins des enfants devraient être élaborés et intégrés dans les accords bilatéraux et transfrontaliers sur la protection de l’enfance, ainsi que dans les partenariats et accords de réadmission locaux.
Une communication et une coordination transfrontalières efficaces contribuent au processus de réintégration en facilitant :
- La coopération entre les acteurs des pays d’accueil, de transit et d’origine ;
- La fourniture et la coordination de l’aide à la réintégration avant même le retour ;
- L’adaptation des mesures de réintégration en fonction des besoins et des capacités des pays d’origine ;
- L’adaptation de l’aide à la réintégration en fonction des besoins individuels des migrants de retour grâce au partage d’informations ;
- Le suivi et l’évaluation afin de suivre les progrès et le succès des mesures de retour et de réintégration.
La gestion transfrontalière des dossiers peut s’appuyer sur les systèmes nationaux en place qui englobent les enfants migrants, sont soucieux de leurs besoins particuliers en matière de protection et promeuvent la coordination aux niveaux national et transnational. La gestion transfrontalière des dossiers permet d’établir une continuité des soins dans laquelle les services des lieux d’origine, de transit et de destination sont coordonnés sur la base de systèmes interconnectés de gestion des données et des dossiers (compte tenu des règles relatives à la protection des données). Dans un tel système, les enfants migrants qui nécessitent une protection sont identifiés, orientés vers les services de la protection de l’enfance et soutenus afin de trouver et de mettre en oeuvre une solution durable fondée sur une procédure relative à l’intérêt supérieur et une évaluation complète dans le pays d’accueil, le pays d’origine ou un pays tiers. Ceci oblige différents systèmes nationaux de gestion des dossiers à collaborer afin de garantir une prise en charge, une protection et des services rationalisés.
Procédures et standards de prise en charge de la CEDEAO pour la protection et la réintégration des enfants vulnérables concernés par la mobilité et des jeunes migrants
Les procédures et standards de prise en charge de la CEDEAO ont été promulgués en novembre 2011 par le Comité de pilotage du Réseau Afrique de l’Ouest pour la protection des enfants (RAO), avec le soutien du Service social international – Suisse (SSI Suisse). Le RAO est un réseau de gouvernements, d’organisations de la société civile, de particuliers et d’autres acteurs travaillant dans les différents pays d’Afrique de l’Ouest. Sous la supervision de la CEDEAO, le RAO constitue un groupe de protection pour les enfants d’Afrique de l’Ouest et un mécanisme viable pour la protection et la prise en charge transnationale des enfants en voyage.
L’objectif des standards est de faire en sorte que l’enfant soit au centre de toutes les questions relatives à la prise en charge, de même que sa famille et sa communauté, qui jouent un rôle essentiel dans le développement et le bien-être de l’enfant. En outre, les standards encouragent une prise en considération globale des besoins, ressources, opinions et relations de l’enfant.
Les standards proposent un cadre conceptuel de la vulnérabilité qui établit un cadre commun
permettant à tous les pays de la CEDEAO d’évaluer les risques et les vulnérabilités des enfants migrants et d’y répondre. Ce cadre conceptuel met en relief l’impact des vulnérabilités sur l’environnement de l’enfant, identifie les causes profondes et les interventions pouvant être mises en oeuvre afin d’atténuer les risques, de gérer les dossiers et de promouvoir les droits des enfants. Les Procédures et standards de la CEDEAO identifient huit étapes pour la gestion transnationale des dossiers, qui sont intégrées dans le Cadre de suivi et d’évaluation de la protection de l’enfance de la CEDEAO et les lignes directrices relatives à sa mise en oeuvre. Ces huit étapes couvrent l’identification et la prise en charge d’urgence de l’enfant, l’étude de la situation personnelle de l’enfant et l’évaluation de l’environnement de la famille et de l’enfant, le placement alternatif, la réintégration sociale, éducationnelle et professionnelle, le suivi et l’évaluation après le retour, et le soutien familial et communautaire.
- S’assurer que l’enfant est au centre de toute intervention.
- Inclure une chaîne d’acteurs composée d’acteurs étatiques, d’ONG, de la famille et de la communauté afin d’apporter un soutien et une protection à l’enfant.
Pour plus d’informations, voir les Procédures et standards de prise en charge de la CEDEAO pour la protection et la réintégration des enfants vulnérables concernés par la mobilité et des jeunes migrants : www.ssi-suisse.org/sites/default/files/2017-06/04001_ecowas_content_FR_03_7_0.pdf.
6.4.5 Renforcement des cadres politiques nationaux et locaux
Au niveau structurel, les politiques et stratégies de réintégration, y compris l’aide à la réintégration, doivent être intégrées dans les cadres politiques nationaux et locaux qui garantissent que les droits et les besoins des enfants sont au premier plan.
Une intégration de l’aide à la réintégration et du soutien dans les politiques nationales peut faciliter la coordination transfrontalière. Celle-ci peut concerner les besoins en matière d’emploi, de formation professionnelle et de certification des compétences, de qualifications et d’éducation afin de permettre aux jeunes migrants de retour et aux personnes qui en ont la charge de mettre à profit dans leur communauté d’origine l’éducation et les compétences acquises à l’étranger.
Pour renforcer la réintégration des enfants et des familles au niveau structurel, il faut collaborer avec les parties prenantes clés et les aider à introduire des éléments relatifs à la réintégration dans les politiques et stratégies nationales et locales qui concernent tous les enfants et leur famille. Les mesures d’aide à la réintégration au niveau structurel doivent s’appuyer sur une approche multisectorielle ainsi que sur un renforcement des capacités à long terme de ces secteurs, conformément aux priorités de développement nationales et locales. En ce qui concerne les enfants et leur famille, l’intérêt supérieur de l’enfant et son environnement peuvent éclairer l’identification des secteurs et possibilités à intégrer en priorité. Ces secteurs peuvent être l’emploi, l’éducation et la formation, la protection de l’enfance, l’aide sociale, la santé et le bien-être, la problématique hommes-femmes, la justice, l’environnement, le secteur privé, les affaires et la finance. Les liens sociaux sont également importants pour les enfants et leur famille car ils permettent d’atténuer toute stigmatisation ou marginalisation dues à l’appartenance à une certaine catégorie socioéconomique ou à un certain groupe ethnique, voire la stigmatisation liée au statut de migrant de retour. La capacité des enfants et de leur famille à se sentir intégrés, appréciés et soutenus par leur communauté et leurs pairs déterminera souvent le degré de durabilité de la réintégration. C’est pourquoi les politiques d’inclusion sociale soucieuses de promouvoir des communautés harmonieuses et la pleine intégration des groupes minoritaires ou marginalisés dans la société sont un autre moyen de prendre en considération les questions relatives au retour et à la réintégration durable.
Enfin, pour réduire au minimum les risques de protection associés aux mouvements irréguliers, il est impératif de développer les voies et routes de migration régulières. L’absence de possibilités d’éducation et d’activités rémunératrices est également un important facteur de migration pour les personnes qui ont la charge d’enfants et les jeunes qui migrent seuls. L’élaboration de politiques nationales, régionales et internationales sur les cadres et voies de migration régulière devrait toujours tenir compte des incidences sur les enfants et prévoir de solides processus permettant un regroupement familial rapide.
78 Manuel de l’OIM sur la réintégration, p. 146 (Genève, 2019).
79 UNICEF, Strengthening Child Protection Systems: Evaluation of UNICEF Strategies and Programme Performance, (Genève, 2018).
80 Linsk et al., p. 996 (2010).