Les sections suivantes donnent des informations supplémentaires, étape par étape, sur l’aide à la création d’entreprise, ainsi qu’un exemple présenté initialement à la section 2.4.3.
L’entrepreneuriat peut constituer une option viable de réintégration économique pour les migrants de retour qui satisfont aux critères suivants :
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Un véritable intérêt pour l’approche entrepreneuriale. La création d’une entreprise pouvant prendre moins de temps que les autres options proposées, certains migrants peuvent opter pour l’aide à la création d’entreprise uniquement pour cette raison.
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La personne de retour a les capacités et compétences nécessaires pour gérer sa propre entreprise. Il est difficile de créer et gérer une entreprise avec succès ; tout le monde n’en est pas capable. Certains migrants ne seront pas des entrepreneurs prospères et devraient plutôt être orientés vers d’autres interventions économiques. En se basant sur les résultats de l’évaluation des compétences précédente (section 2.2.4), l’on examinera si les compétences du migrant (linguistiques, transversales, en matière de numérique et autres) nécessaires à la concrétisation de l’idée d’entreprise initiale sont suffisantes pour qu’il puisse bénéficier de l’aide à la création d’entreprise.
- Premièrement, l’élaboration d’un plan d’entreprise complet et la gestion d’une entreprise viable exigent généralement des compétences en matière de planification financière et de comptabilité de base. Bien que certaines de ces compétences de base puissent être acquises dans le délai généralement court de la formation sur l’élaboration d’un plan d’entreprise (étape 3), il est peu probable qu’un migrant d’âge moyen, sans connaissances dans le domaine du numérique, acquière des compétences suffisantes en matière de comptabilité pour réussir à gérer une entreprise. Ainsi, les migrants devraient déjà posséder un ensemble de compétences de base qui peuvent leur servir pour apprendre à créer une entreprise avec succès.
- Deuxièmement, pour de nombreux projets d’entreprise, un ensemble de compétences spécifique sera nécessaire au migrant. Un candidat qui a un plan d’entreprise pour un atelier de réparation électronique doit par exemple avoir des connaissances en électronique et une expérience professionnelle antérieure dans la réparation d’appareils électroniques. Au moment d’évaluer l’éligibilité des bénéficiaires pour l’aide à la création d’entreprise, il convient d’évaluer à la fois les compétences et capacités transversales individuelles des candidats et les compétences qui seraient nécessaires pour mener à bien leur idée d’entreprise spécifique.
Les personnes de retour sans expérience préalable en matière de création d’entreprise ont peu de chances de pouvoir élaborer un plan d’entreprise réalisable et adapté au marché, ou d’investir dans une entreprise existante et de la développer avec succès. Si l’élaboration d’un plan d’entreprise prometteur et réalisable est la condition préalable pour bénéficier d’une aide à la création d’entreprise, la plupart des migrants qui souhaitent créer une entreprise à leur retour ont besoin d’une formation de courte durée sur l’élaboration d’un tel plan. Cette formation répond essentiellement à quatre objectifs :
- Elle permet aux participants d’acquérir les compétences nécessaires pour élaborer des plans d’entreprise axés sur le marché et de se familiariser avec les critères techniques qu’ils doivent remplir en vue du processus de sélection ultérieur (étape 4). Cette formation technique doit permettre aux participants d’acquérir les compétences financières et commerciales requises ainsi que des informations pertinentes sur la réglementation et la législation. Le manque de familiarité avec les réglementations et les procédures constitue un obstacle important pour tout nouvel entrepreneur. Les entrepreneurs de retour dans leur pays sont particulièrement désavantagés à cet égard, car ils ont souvent une connaissance insuffisante des réglementations nationales et locales pertinentes et peuvent même s’être déconnectés des normes sociales et culturelles qui prévalent localement pendant leur séjour à l’étranger.
- Elle permet aux participants d’acquérir des connaissances sur les chaînes d’approvisionnement et systèmes de marché locaux. En s’appuyant sur les évaluations du marché et les analyses des chaînes de valeur déjà réalisées (voir la section 1.4.2), les formateurs doivent donner aux participants des informations élémentaires sur les secteurs et les chaînes de valeur dans lesquels ils peuvent fournir des produits ou des services plus compétitifs, à même de générer de la croissance, de créer des emplois et de réduire la pauvreté. Des expériences pratiques devraient être proposées par des partenaires locaux dans le cadre d’un mentorat de groupe. Ces partenaires sont notamment les acteurs locaux concernés, tels que des institutions de microfinancement, des acteurs municipaux, des associations sectorielles, des organisations d’employeurs et des ONG, en fonction de leurs capacités, de leur pertinence, de leur disponibilité et de leur volonté de participer à l’aide à la création d’entreprise. Si les capacités des partenaires sont suffisantes, l’organisation principalement chargée de la réintégration doit viser à établir des conseils locaux d’aide à la création d’entreprise assurant des fonctions d’aide aux entreprises, d’encadrement et de suivi à long terme au cours de la ou des premières années d’activité (voir également la section sur le suivi et l’évaluation). Dans la mesure du possible, les anciens bénéficiaires qui ont déjà créé une entreprise avec succès devraient être invités à présenter leur expérience concernant les difficultés et possibilités qu’ils ont rencontrées sur les systèmes de marché locaux, et la manière dont ils ont réussi à s’intégrer dans leurs chaînes de valeur respectives.
- Elle offre aux bénéficiaires des possibilités de collaboration sociale et économique avec d’autres migrants, qui leur permettent de concevoir des projets collectifs plutôt qu’individuels. Cette formation de courte durée peut représenter un point d’entrée très efficace pour la réintégration socioéconomique des participants, en favorisant la coopération et la collaboration des migrants de retour dans le cadre de projets et créations d’entreprises collectifs. Même pour les candidats dont le plan d’entreprise n’est pas sélectionné par la suite (étape 5b), la collaboration et l’échange d’expériences permis par la formation initiale favorisent la création de liens sociaux précieux entre migrants de retour, partenaires et anciens participants, qui peuvent à leur tour faciliter la réintégration socioéconomique à long terme.
Elle permet d’élaborer les plans d’entreprise collectifs ou individuels définitifs conformément aux exigences techniques spécifiques du programme, à la réglementation applicable et au droit des affaires, et en fonction des marchés et des chaînes de valeur locaux.
Pendant la formation de courte durée, les bénéficiaires auront élaboré leur plan d’entreprise collectif ou individuel. Lors de l’étape suivante, un comité d’évaluation recense les plans d’entreprise les plus prometteurs et les plus réalistes afin de sélectionner le sous-ensemble de candidats qui pourront s’inscrire à la formation approfondie à la création d’entreprise.
Pour évaluer la faisabilité d’un plan d’entreprise dans un contexte économique donné, il est recommandé que le bureau de pays qui gère le processus de réintégration dans le pays d’origine crée un comité de sélection réunissant différents représentants, y compris des hommes et femmes d’affaires, chargés d’examiner la viabilité des plans. Le comité d’évaluation variera selon le programme de réintégration et le contexte local, mais doit idéalement être composé de membres du personnel de l’organisation responsable, de fonctionnaires gouvernementaux spécialisés au niveau technique dans le domaine concerné, de représentants d’institutions de microfinancement, d’associations sectorielles, d’organisations d’employeurs et de membres du personnel des ONG concernées. Les membres du comité d’évaluation doivent être nommés sur la base de leur connaissance pratique des chaînes de valeur et systèmes de marché locaux ainsi que de leur sens des affaires. (Voir la section ci-après sur la création de conseils consultatifs d’aide aux entreprises).
En outre, chaque programme de réintégration doit définir les critères de sélection des plans d’entreprise réalisables et prometteurs. Les critères élaborés pour l’évaluation des propositions d’entreprise constituent un élément clé et stratégique de la conception globale du programme de réintégration. Bien que les critères doivent toujours être fondés sur des données factuelles, axés sur le marché et transparents, les administrateurs de programme peuvent introduire des critères d’évaluation spécifiques permettant d’adapter les résultats de l’aide à la création d’entreprise aux paramètres particuliers du programme de réintégration (ressources, capacités et financement disponible pour les activités d’aide à la création d’entreprise) et à l’environnement socioéconomique externe (environnement des entreprises, systèmes de marché, conditions pour les projets au niveau communautaire et présence de sources de soutien externes). Plus le bureau chargé de superviser l’aide à la création d’entreprise travaille au niveau local, plus il lui est facile de trouver des mesures incitant les migrants à agir collectivement tout en s’assurant que les efforts collectifs sont adaptés aux besoins des individus et des marchés locaux.
En outre, des critères techniques de base tels que le modèle requis du plan d’entreprise final et le format des autres processus de sélection (par exemple, un argumentaire ou une présentation) doivent être définis. Idéalement, les critères ou le modèle de plan d’entreprise doivent être harmonisés au niveau du pays d’origine. Toutefois, un plan d’entreprise doit toujours comporter les éléments suivants :
- Une description de l’activité, une analyse de la situation et un ensemble d’objectifs clés clairement définis que le candidat entend atteindre au cours des première, deuxième et troisième années d’activité ;
- Des informations détaillées sur la main-d’œuvre, les principales infrastructures, les équipements, les outils et l’espace opérationnel nécessaires, ainsi que les autorisations ou les licences requises ;
- Les compétences requises pour la gestion de l’entreprise ;
- Les clients potentiels et les besoins du marché ;
- Un plan de marketing, comprenant une stratégie de prix et une stratégie de commercialisation et de promotion ;
- Une estimation des ventes par mois au cours des première, deuxième et troisième années ;
- Le capital initial requis et les coûts permanents pour la gestion de l’entreprise ;
- Les sources de capitaux ;
- Une évaluation des risques et une stratégie d’atténuation adéquate.
Une fois que les critères spécifiques au pays pour la sélection des plans d’entreprise ont été définis, ils doivent être communiqués de manière claire et transparente, dès le début, à tous les migrants qui postulent à l’aide à la création d’entreprise.
La procédure d’évaluation elle-même varie tant en ce qui concerne les critères d’évaluation spécifiques à chaque pays qu’en termes de composition et d’expertise des comités d’évaluation. Bien que les détails des exigences relatives aux plans d’entreprise puissent varier selon les bureaux de pays, les évaluateurs doivent toujours vérifier si les plans comprennent une interprétation claire du système de marché et des chaînes de valeur pertinentes, une approche étape par étape du démarrage de l’entreprise et une stratégie claire sur la manière de faire face aux éventuels risques et difficultés. Indépendamment des caractéristiques du programme, tous les plans d’entreprise doivent en outre être conformes au droit et à la réglementation applicables aux entreprises ainsi qu’aux normes sociales, culturelles et religieuses pertinentes. En outre, les évaluations doivent toujours comprendre l’impact prévu de l’entreprise sur la communauté et le système de marché locaux afin d’éviter toute perturbation économique ou sociale. Les évaluateurs doivent récompenser les idées d’entreprises qui prévoient de manière crédible de créer des emplois supplémentaires à l’avenir. Enfin, ils doivent examiner si les plans d’entreprise utilisent de manière adéquate et efficace les actifs matériels et immatériels existants des migrants (tels que les éventuels biens immobiliers, les véhicules à moteur, les réseaux sociaux, etc.).
Un deuxième facteur d’évaluation général concerne la faisabilité du plan d’entreprise dans le contexte des possibilités du marché et des parcours d’encadrement disponibles. Si chaque plan d’entreprise doit être réalisable au regard des possibilités recensées sur le marché (voir la section 1.4.2), il est tout aussi important que l’organisation principalement chargée de la réintégration et ses partenaires dans le pays d’origine aient la capacité d’encadrer le(s) migrant(s) dans le domaine spécifique de l’entreprise.
À l’issue du processus de sélection, le chargé de dossier doit faire savoir aux bénéficiaires si leurs propositions de plan d’entreprise ont été sélectionnées ou non. Pour les candidats dont le projet n’a pas été retenu, le chargé de dossier doit réajuster le plan de réintégration économique et fournir un soutien psychologique en proposant aux bénéficiaires des options alternatives appropriées, telles qu’une formation ou un placement professionnels (étape 5b), ou une aide pour améliorer le plan d’entreprise avec d’autres migrants ou partenaires afin de présenter un projet plus solide lors de la prochaine sélection.
Les bénéficiaires dont le plan d’entreprise a été sélectionné ont besoin d’une formation et d’un encadrement complets pour être en mesure de créer, de gérer et de développer une entreprise viable. Pour cela, il est nécessaire de fournir dès le début une aide ciblée aux entreprises en phase de démarrage – formation à la création d’entreprise, garantie d’une formation continue après le lancement de l’entreprise, recherche de projections de flux de trésorerie plus solides et analyse des pertes et profits sur une période prolongée. Tout au long de la formation à la création d’entreprise, le transport vers le site et les repas doivent être fournis à tous les participants. Pour les personnes qui vivent très loin du centre de formation, il faut étudier les possibilités d’hébergement pour la nuit.
L’objectif principal de cette formation est de renforcer les capacités des bénéficiaires à créer et à gérer leurs futures entreprises. Si le programme de formation doit être adapté en fonction du programme de réintégration et du contexte, il doit généralement comprendre les modules et éléments présentés dans le tableau A.3 ci-après.
Comme indiqué précédemment, l’aide à la création d’entreprise ne doit pas être comprise comme un cours de formation ponctuel limité, mais plutôt comme un processus à long terme de soutien et d’encadrement qui accompagne l’entreprise sélectionnée sur des périodes plus longues (voir l’étape 6). À cette fin, le bureau de pays doit procéder à des évaluations régulières du marché (voir la section 1.4.2) afin d’actualiser la base de connaissances, à la fois pour adapter en permanence les programmes des nouveaux cours de formation et pour fournir des conseils et un encadrement aux migrants qui gèrent déjà une entreprise fonctionnelle. Ainsi, le processus de création d’entreprise devrait s’inscrire dans une démarche d’apprentissage plutôt que de constituer une source d’aide ponctuelle. Cette aide à long terme devrait :
- Faciliter les ajustements au cours de la première année d’exploitation de l’entreprise, notamment en fournissant un capital de démarrage ou des formations supplémentaires selon les besoins de l’entreprise.
- Appuyer l’expansion de l’entreprise et l’accès à une clientèle plus variée, en mettant en relation l’entreprise avec des pépinières et des investisseurs ; favoriser l’élargissement de la gamme de produits et de l’approche de la commercialisation ; faciliter les liens avec les entreprises traditionnelles. Enfin, les échanges continus sur le long terme avec les entrepreneurs de retour facilitent aussi grandement le suivi et l’évaluation globaux de l’aide à la création d’entreprise.
Pour les migrants de retour qui souhaitent créer une entreprise, la recherche d’un magasin, d’un bureau ou d’un espace de fabrication représente une difficulté pratique courante. Pour créer une entreprise individuelle ou collective, les migrants doivent généralement avoir accès à des terres, à un magasin, à des outils et à des capitaux individuels ou familiaux. L’organisation qui gère l’aide à la création d’entreprise doit aider les bénéficiaires à trouver des espaces appropriés, en tenant compte de la clientèle, des coûts et des règles et réglementations locales. Selon les caractéristiques du programme, cet appui peut passer soit par une aide à la recherche de locaux tels que des bureaux, des lieux de commerce, des espaces de stockage ou des zones industrielles, soit par la mise à disposition de locaux au sein de pépinières d’entreprises.
Lors de l’évaluation des actifs nécessaires au projet d’entreprise du migrant, le chargé de dossier doit aider ce dernier à faire le point sur les éventuelles ressources qu’il a accumulées avant son retour. Il peut s’agir de biens financiers, matériels (tels que des biens immobiliers ou des véhicules automobiles achetés dans le pays d’origine pour lui ou son ménage) et d’autres ressources, sociales par exemple, comme des réseaux sociaux et commerciaux. Les biens immobiliers, s’ils ne sont pas nécessaires au logement, peuvent être utilisés directement pour l’entreprise proposée ou être loués à des fins d’accueil (chambres d’hôtes ou Airbnb) ou d’enseignement (comme les centres de formation). Les véhicules automobiles peuvent être utilisés ou loués pour le transport commercial et de passagers. Pour canaliser leurs actifs vers un usage productif, les migrants doivent être soutenus par les chargés de dossier et les acteurs concernés du système local d’encadrement des entreprises (associations d’entreprises, hommes d’affaires, ONG, etc.). Lorsqu’un plan d’entreprise est approuvé, le chargé de dossier, les partenaires et le bénéficiaire doivent également vérifier les coûts des biens et services nécessaires à la mise en œuvre et recenser les meilleurs fournisseurs.
Enfin, le conseil consultatif d’aide aux entreprises (voir la section ci-après : Création d’un conseil consultatif d’aide aux entreprises) doit prendre une décision finale sur la valeur, la nature et les modalités de l’aide à fournir. L’une des principales difficultés auxquelles les migrants ont été confrontés, dans le cadre de divers programmes d’aide aux entreprises, est l’insuffisance du capital de départ. Dans de nombreux programmes de réintégration précédents, le niveau des capitaux fournis ne correspondait pas aux besoins des entreprises en cours de création dans le contexte national et local60. Il est essentiel de veiller à ce que des capitaux suffisants soient fournis pour assurer le succès durable des entreprises créées. C’est pourquoi les niveaux de financement doivent être ajustés dans chaque situation en fonction des prix locaux. Que l’aide soit fournie en nature, en espèces ou les deux, il convient de tenir compte des facteurs locaux pertinents qui influent sur les frais généraux. Par exemple, le coût des loyers et de certains services est souvent plus élevé en milieu urbain qu’en milieu rural61. Le personnel des bureaux de pays peut examiner les rapports de parité de pouvoir d’achat et les données sur les prix du marché comme première orientation, mais pour l’adaptation au niveau local, il convient d’utiliser les évaluations du marché et les analyses de la chaîne de valeur pour déterminer les différences de coûts de démarrage des entreprises.
En ce qui concerne la nature de l’aide, il existe deux options, l’aide en nature et l’aide en espèces. Ces deux formes d’assistance peuvent être utilisées de manière exclusive ou complémentaire. Jusqu’à récemment, les organisations internationales avaient tendance à fournir, comme capital de départ, des subventions en nature plutôt que des espèces, c’est-à- dire des biens et services nécessaires à la mise en œuvre des plans de réintégration des bénéficiaires. Par exemple, le bureau de l’OIM en Iraq tient un catalogue de subventions en nature standard, organisé par catégorie et type d’entreprise et réactualisé au fil du temps afin de refléter les changements de prix et de disponibilité des articles sur le marché.62
Selon les modalités de l’aide à la création d’entreprise, les facteurs de différenciation essentiels sont le fait que l’aide soit fournie en une ou plusieurs fois, et qu’elle soit conditionnelle ou inconditionnelle. En ce qui concerne l’aide en nature, l’organisme qui gère l’aide à la création d’entreprise fournit généralement des actifs (machines, outils, etc.) qui sont intrinsèquement utiles à l’entreprise, avec peu de risques de détournement par le bénéficiaire. En revanche, pour l’aide en espèces, il existe des risques tangibles liés au détournement de fonds, à l’utilisation à des fins abusives et aux dépenses antisociales. Ces problèmes peuvent être résolus en liant le transfert d’argent à certaines conditions. Les transferts en espèces inconditionnels sont des subventions directes sans condition, exigences de travail ou obligation de remboursement, et les personnes ont le droit d’utiliser l’argent comme elles le souhaitent ; les transferts monétaires conditionnels sont assortis de conditions quant à la manière dont l’argent sera dépensé (par exemple, il doit être utilisé dans une entreprise). Une approche efficace peut consister à émettre différents types de transferts de fonds en plusieurs fois, la première partie étant versée sans condition, une deuxième n’étant émise qu’après l’achat d’actifs essentiels pour l’entreprise et une troisième étant versée plus tard dans le processus, une fois que certains objectifs ont été atteints.
Chaque bureau de pays doit définir des règles et des procédures à cet égard, conformément aux règles de l’organisation relatives à la passation des marchés publics, aux paramètres et aux règles budgétaires du programme de réintégration spécifique, et en tenant compte du contexte structurel et local. Le choix de fournir un capital de démarrage d’entreprise sous forme d’aide en espèces ou en nature dépend de critères spécifiques des programmes de réintégration, et est influencé par des facteurs aux niveaux structurel, communautaire et individuel. Le tableau 9 de la section 3.2.2 de la partie principale du présent manuel donne un aperçu des principales considérations à prendre en compte pour décider de recourir à des formes d’aide en espèces ou en nature. Si le bénéficiaire accepte le plan d’aide, l’organisation responsable ou son (ses) partenaire(s) doit le mettre en œuvre en temps utile et de manière transparente. Dans les cas où l’aide choisie prend la forme de subventions en nature, le chargé de dossier lance le mécanisme de passation conformément aux règles applicables à cet égard63. L’organisation paie alors directement les fournisseurs, soit par virement bancaire, soit par chèque.
En fonction de la durée de leur expérience migratoire, de leur connaissance des pratiques commerciales locales et de leurs liens sociaux et communautaires, les bénéficiaires ont besoin de différents niveaux de soutien pour accéder aux organismes compétents pour leur entreprise. En s’appuyant sur le système d’orientation et le réseau de partenariats dont dispose le bureau national dans un pays d’origine spécifique, l’aide à la création d’entreprise devrait également faciliter l’accès des bénéficiaires aux organismes concernés, tels que les associations d’entreprises, les organismes de normalisation (si cela est pertinent pour les produits et services de l’entreprise envisagée) et les services douaniers. En fonction de la nature et des besoins de l’entreprise et des options d’aide aux entreprises disponibles dans le contexte local, il convient de faciliter les contacts avec :
- Diverses organisations du secteur des affaires (associations d’employeurs ; associations de producteurs et de commerçants, organisations syndicales ; représentants de coopératives ; associations de travailleurs indépendants ; associations du secteur financier ; responsables des services territoriaux de l’emploi) ;
- Les organismes de normalisation, en particulier si la création de biens ou de services réglementés est prévue dans le plan d’entreprise ;
- Les associations de femmes et de jeunes ainsi que les associations d’autres groupes marginalisés ;
- Les organisations sociales et religieuses, fondations, sociétés et autres organisations à but non lucratif ayant des objectifs sociaux, économiques, financiers, environnementaux, culturels ou artistiques ;
- Les services douaniers (si les services ou les marchandises sont destinés à l’exportation ou si des biens essentiels doivent être importés) ;
- Les centres de recherche-développement et les services d’assistance technique, le cas échéant ;
- Les médias locaux, à des fins de couverture, de publicité et de marketing.
L’un des obstacles les plus courants à la création d’entreprise est la difficulté d’accéder au financement à des taux d’intérêt et conditions raisonnables. Il est essentiel d’améliorer l’accès des migrants de retour au financement pour améliorer la réussite de leurs entreprises. Alors que la section 2.4.4 fournit des informations générales sur l’accès des bénéficiaires aux services bancaires et au microcrédit, cette section donne un aperçu des approches spécifiques visant à mettre en relation les entrepreneurs avec les services bancaires et instruments de financement adaptés.
Selon les paramètres du programme de réintégration, l’accès au crédit et au capital dans le cadre de l’aide à la création d’entreprise peut être assuré par des programmes de microcrédit internes, externes ou à propriété mixte, des pépinières d’entreprises dans les communautés locales et d’autres méthodes. Certains programmes de réintégration fournissent directement des services financiers dans le cadre de leur composante d’aide à la création d’entreprise, tandis que d’autres s’appuient sur des institutions de microfinancement pour fournir des microcrédits et d’autres formes d’aide financière. Dans le cadre des programmes de microfinancement en vue de la réintégration, le microcrédit prend généralement la forme de petits prêts aidés et garantis pour les jeunes entreprises du groupe cible. Les garanties sont fournies par les emprunteurs lorsqu’elles sont disponibles ; en l’absence de garanties, des groupes de garants entre pairs doivent être constitués par plusieurs emprunteurs. Si des groupes de pairs sont créés, ceux-ci doivent être assistés et suivis de près par des conseillers spécialisés dans les projets d’entreprise afin de prévenir les problèmes de remboursement collectif et d’atténuer toute friction potentielle au sein du groupe.
Il est important de noter que le microcrédit n’est pas une solution adaptée à tous les migrants qui reçoivent une aide à la création d’entreprise. Dans certains programmes, le microcrédit n’est pas fourni par l’organisation qui gère le processus de réintégration mais par des institutions de microfinancement externes. Ces dernières doivent assurer leur propre viabilité économique et ne sont donc généralement pas disposées à offrir un crédit à un migrant de retour si ce dernier ne dispose d’aucune garantie, ou s’il ne connaît pas assez bien le marché local et ne possède pas de capacités avérées dans le domaine d’activité proposé. Le processus de sélection en deux étapes et la formation approfondie devraient permettre aux jeunes entrepreneurs qui ont bénéficié de l’aide à la création d’entreprise d’acquérir toutes les connaissances et compétences nécessaires ;néanmoins, l’absence de garantie peut rendre l’accès au microcrédit difficile. En fonction du programme, l’organisation principalement chargée de la réintégration peut être en mesure de fournir une garantie au nom de l’emprunteur.
Comme indiqué précédemment, tous les migrants de retour qui se lancent dans la création d’entreprise doivent être informés de manière exhaustive sur les fournisseurs de services financiers disponibles localement, tels que les banques et les institutions de microfinancement, au cours de la formation approfondie. Toutefois, l’aide aux entrepreneurs pour l’accès au microcrédit doit être fournie de façon rigoureuse et au cas par cas. Il ne faut orienter les bénéficiaires vers les institutions bancaires et de microfinancement compétentes qu’après les avoir informés des différents risques liés à la souscription d’un prêt aux différentes étapes du processus de développement de l’entreprise, et avoir vérifié si les entrepreneurs remplissent les conditions élémentaires et disposent des documents nécessaires pour accéder à un prêt (voir la section 2.4.5 pour des informations détaillées sur l’évaluation de l’éligibilité des migrants au microcrédit).
L’opportunité de contracter un prêt dépend également du stade où en est la création de l’entreprise. Dans certains cas, le microcrédit peut constituer un instrument adéquat une fois que l’entreprise fonctionne et génère ses premiers bénéfices, car il peut aider à augmenter les bénéfices et contribuer à la stabilité à long terme. Le tableau A.4 donne un aperçu schématique des différentes étapes du processus de développement de l’entreprise au cours desquelles le microcrédit peut être utilisé.
Tous les migrants de retour qui désirent créer une entreprise doivent être formés aux moyens d’investir de façon productive les fonds qu’ils reçoivent de parents ou d’amis à l’étranger au cours de la formation approfondie sur la création d’entreprise (voir le tableau A.3). La formation sur l’utilisation entrepreneuriale des transferts de fonds doit également cibler le niveau du ménage, car d’autres membres de la famille peuvent être les bénéficiaires et gestionnaires de facto des transferts de fonds. Il est essentiel de cibler les proches parents des entrepreneurs afin de développer leurs compétences en matière de gestion financière et d’améliorer leurs pratiques d’épargne, et pour éviter que d’autres membres de la famille n’effectuent des dépenses imprudentes qui pourraient mettre en péril la réussite de l’entreprise. Pour un ciblage efficace, la formation doit être intégrée aux modules de formation générale aux compétences financières qui sont généralement mis en œuvre dans les organisations communautaires. De plus amples informations sur les initiatives d’investissement et l’acquisition de compétences financières liées aux transferts de fonds sont fournies au point 2.4.5.
Les partenariats peuvent jouer un rôle stratégique important dans les différentes phases de l’aide à la création d’entreprise, depuis l’appui aux évaluations initiales du marché, l’expertise sur la sélection des plans d’entreprise prometteurs, la fourniture de formations et de mentorats, jusqu’à l’incubation et l’expansion des entreprises prospères.
Afin d’exploiter l’expertise du secteur privé, l’organisation principalement chargée de la réintégration devrait s’attacher à créer des conseils consultatifs d’aide aux entreprises au niveau local, qui pourraient appuyer différentes activités dans le cadre de la composante d’aide à la création d’entreprise et au-delà. Sur la base de la cartographie des parties prenantes, l’organisation principalement chargée de la réintégration devrait contacter les partenaires locaux pertinents, notamment les chambres de commerce, les organisations d’employeurs, les associations d’entreprises locales et nationales, les hommes d’affaires de la diaspora, les associations sectorielles ainsi que les représentants des institutions de microfinancement et des organisations de la société civile, afin d’établir des conseils consultatifs multipartites d’aide aux entreprises pouvant appuyer la conception, la mise en œuvre et l’évaluation de l’aide à la création d’entreprise.
Afin d’inciter les acteurs privés et non gouvernementaux à rejoindre les conseils consultatifs, l’organisation responsable devrait contacter les ministères nationaux chargés des portefeuilles des finances, du travail et de l’innovation et étudier avec eux la possibilité de mettre en place un système d’incitation qui offrirait aux membres des conseils consultatifs des incitations financières et de réputation pour soutenir l’aide à la création d’entreprise. Les formes d’organisation pertinentes peuvent inclure les mémorandums d’accord ou accords interinstitutions entre l’organisation principalement chargée de la réintégration et les ministères et agences concernés. Les conseils consultatifs d’aide aux entreprises devraient être incités à appuyer les différentes étapes de l’aide à la création d’entreprise :
- Appui aux évaluations initiales du marché. Lorsqu’elle effectue des évaluations du marché ou des analyses de la chaîne de valeur, l’organisation principalement chargée de la réintégration (ou le partenaire externe auquel la recherche a été confiée) a besoin de l’expertise des associations d’entreprises, associations sectorielles, organisations de la société civile et d’autres groupes de parties prenantes locaux pour fournir des données essentielles sur le marché local et la dynamique sectorielle. Toutes les évaluations du marché reposent catégoriquement sur des données primaires, ce qui rend l’expertise locale essentielle pour obtenir des résultats complets et précis. S’il existe déjà un conseil consultatif d’aide aux entreprises associant des experts locaux, cela facilite grandement les réunions périodiques nécessaires à des évaluations de marché régulières. Il est préférable d’y recourir plutôt que de devoir contacter individuellement les parties prenantes chaque fois qu’une évaluation de marché doit être réalisée.
- Évaluation et sélection des plans d’entreprise prometteurs. Les membres du conseil consultatif devraient faire partie du comité de sélection ou d’évaluation qui choisit les plans d’entreprise prometteurs des bénéficiaires de la réintégration. Le comité d’évaluation variera en fonction du programme de réintégration et du contexte local, mais devrait être composé de représentants des institutions de microfinancement, des associations d’entreprises, des organisations d’employeurs et du personnel des ONG concernées. Les membres du comité d’évaluation doivent être nommés sur la base de leur connaissance pratique des chaînes de valeur et systèmes de marché locaux ainsi que de leur sens des affaires.
- Formation et encadrement. Les membres du conseil consultatif, tels que les associations d’entreprises, les représentants d’institutions de microfinancement et d’organisations d’employeurs, peuvent fournir des conseils et un encadrement sur tous les aspects pertinents de l’entrepreneuriat, notamment sur la fiscalité, les procédures administratives et bureaucratiques, la gestion des travailleurs et la commercialisation. Leur connaissance experte des marchés locaux peut être un atout important pour garantir que la formation tienne compte des aspects spécifiques des systèmes de marché locaux, notamment les questions de compétitivité et la dynamique de l’offre et de la demande au niveau local.
- Sélection de fournisseurs appropriés. Les membres du conseil consultatif étant sélectionnés, entre autres, sur la base de leur connaissance des systèmes de marché et des chaînes de valeur locales, ils peuvent aider l’organisation principalement chargée de la réintégration à recenser et sélectionner des fournisseurs appropriés pour l’achat d’actifs et de produits destinés à la création d’entreprise. Dans la mesure du possible, l’organisation responsable doit fournir un soutien aux petites entreprises en ayant recours à des fournisseurs officiellement enregistrés ou reconnus par l’État. Les membres du conseil consultatif peuvent aider l’organisation à créer un répertoire des fournisseurs existants dans chaque pays d’origine, et à le mettre à jour régulièrement.
Création de pépinières d’entreprises et expansion des entreprises prospères. Comme indiqué à l’étape 6, l’organisation principalement chargée de la réintégration doit étudier les possibilités de fournir un appui financier, organisationnel et logistique aux entreprises les plus performantes après une période d’activité. Les membres du conseil consultatif peuvent appuyer directement la création de pépinières d’entreprises qui fourniront des investissements supplémentaires et une gamme de ressources et de services (tels que des espaces de bureaux partagés à bas prix et des services administratifs partagés) aux entreprises sélectionnées. Les options envisagées devraient également viser à faire participer les hommes d’affaires de la diaspora à ces pépinières, en offrant tout d’abord des possibilités d’investissement pour l’expansion des entreprises, puis en facilitant les échanges transnationaux de compétences spécialisées, de services et de biens entre les entreprises prospères en tirant parti des réseaux existants d’entrepreneurs de la diaspora dans les pays d’accueil.