Principaux messages
Public cible
Introduction
L’aide à la réintégration à base communautaire soutient l’environnement de l’enfant de retour et de sa famille. Elle promeut la participation des enfants et de leur famille à leur communauté de retour dans le but de répondre à leurs besoins et préoccupations. L’aide à la réintégration à base communautaire répond aux besoins, vulnérabilités et préoccupations tant des migrants de retour que de leur communauté d’accueil. Elle mobilise leurs forces et leur savoir-faire en tirant profit des ressources et des compétences déjà présentes dans la communauté, et peut atténuer ou pallier toute tension éventuelle pouvant surgir entre eux, tout en dotant la communauté de capacités suffisantes pour appuyer activement la réintégration durable des enfants de retour et de leur famille. Le chapitre 3 du présent module s’intéresse aux diverses méthodes de mobilisation des communautés pour protéger les enfants, préserver leurs droits et promouvoir leur participation effective aux divers aspects de la vie communautaire.
6.3.1 Définir et mobiliser la communauté en matière de protection de l’enfance au niveau communautaire
Il est fondamental de comprendre la communauté et le contexte particulier dans lesquels un enfant et sa famille sont susceptibles de revenir pour la planification et pour garantir que les enfants et leur famille ont accès à un soutien à leur arrivée dans leur communauté d’origine. Une communauté peut aussi être comprise d’un point de vue écologique, selon lequel chaque enfant de retour s’inscrit dans un système d’acteurs qui peuvent soit appuyer soit freiner la réintégration de l’enfant. Il convient de prendre ce système en considération lors de l’élaboration et de la mise en oeuvre de l’aide à la réintégration. Il comprend :
- la famille et les pairs ;
- la société civile et les organisations confessionnelles et communautaires ;
- les secteurs public et privé ;
- les normes sociales.
À cet égard, une approche de l’aide à la réintégration soucieuse des besoins de l’enfant au niveau communautaire est axée sur l’activation et la mobilisation des structures communautaires de protection de l’enfance disposant de mécanismes formels de protection de l’enfance, et sur le soutien actif apporté aux initiatives qui renforcent et autonomisent les structures communautaires contribuant à la fourniture de services pour les enfants, telles que l’éducation, les soins de santé et le soutien psychosocial. Elle comprend aussi un appui financier pour des activités qui englobent et réunissent les migrants de retour et les communautés d’accueil (surtout celles qui sont axées sur les enfants, les jeunes et les familles) et pour des initiatives qui renforcent la cohésion sociale et facilitent l’intégration des enfants de retour et de leur famille.
Les structures formelles de protection de l’enfance sont souvent soutenues par le gouvernement et des organisations de la société civile. Pour leur part, les approches communautaires sont axées sur l’autonomisation soutenue par la communauté, le dialogue communautaire et la prise de décisions tenant compte des points de vue des enfants. Elles peuvent revêtir diverses formes, telles que des comités de protection de l’enfance, des associations de chefs traditionnels ou de femmes, ou des organisations de la jeunesse. Les approches communautaires offrent l’avantage d’aboutir à une appropriation communautaire plus grande et de contribuer à la définition des paramètres de la fourniture des services disponibles. En outre, elles permettent généralement de mieux prévenir les préjudices et d’améliorer la durabilité en s’appuyant sur les ressources et compétences déjà présentes dans la communauté.
La Child Resilience Alliance a rédigé deux documents, intitulés Guide for Supporting Community Led Child Protection Processes et Toolkit for Reflective Practice qui renferment des lignes directrices sur les approches communautaires durables de la protection de l’enfance. Le second document, une boîte à outils, énumère les critères ci-après qui régissent les approches communautaires de la protection de l’enfance75. Il peut être envisagé pour la conception, la mise en oeuvre, la surveillance et le suivi des programmes de réintégration :
- Identification communautaire du problème de protection de l’enfance qui doit être résolu (réintégration) ;
- Détermination communautaire des modalités de résolution du problème (approche intégrée) ;
- Décision communautaire relative aux capacités et ressources locales à utiliser ;
- Élaboration communautaire de l’intervention ;
- Mise en oeuvre communautaire de l’intervention ;
- Évaluation communautaire de l’intervention ;
- Dépendance relativement faible vis-à-vis d’animateurs et d’acteurs extérieurs ;
- Participation communautaire inclusive ;
- Forte appropriation communautaire ;
- Dépendance minimale à l’égard des étrangers à la communauté.
6.3.2 Évaluations communautaires soucieuses des besoins des enfants
Le Manuel sur la réintégration de l’OIM propose de mettre l’accent sur les moteurs de la migration, les perceptions communautaires, l’analyse du système économique, la cartographie des parties prenantes et des services, ainsi que sur d’autres facteurs sociodémographiques présentés dans le tableau 6.1 ci-après afin d’éclairer une évaluation ou un profil communautaire approfondi, soucieux des besoins des enfants et adapté au contexte. L’évaluation ou le profil communautaire permet de définir les critères régissant le programme de réintégration et l’approche de la réintégration appropriée. Les évaluations communautaires :
- Permettent d’examiner en détail l’environnement de l’enfant au-delà de la famille ;
- Soulignent les vulnérabilités et les forces qui existent dans cet environnement et la manière dont elles peuvent soutenir ou freiner la réintégration durable ;
- Sont centrées sur les besoins des enfants en matière de développement tout en recueillant des informations sur les mécanismes communautaires existants pour appuyer le développement des enfants ;
- Identifient les risques et difficultés possibles que présentent les interventions communautaires qui, une fois surmontés, devraient être régulièrement examinés ;
- Sont un bon moyen de prendre la mesure de toute source de conflit ou de tension possible entre les enfants de retour et leur famille, d’un côté, et la communauté d’accueil, de l’autre ;
- Doivent être fréquemment examinées et mises à jour en coopération avec les acteurs locaux de manière à rendre compte des évolutions, des nouveaux risques et difficultés ou des nouvelles possibilités.
Tableau 6.1 Suggestions de questions à poser en vue d’une analyse approfondie de la communauté soucieuse des besoins de l’enfant
Phase | Suggestions de questions | Méthodes de collecte des données |
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Profil de la communauté |
Moteurs de la migration
1. Quel rôle la mobilité des enfants joue-t-elle (et a-t-elle joué par le passé) dans la communauté ? 2. Quels sont les principaux facteurs qui influent sur la migration des enfants, des adolescents et des familles (situation économique, gouvernance et aspects sociaux, politiques, environnementaux, structurels et relatifs à la sécurité) ? 3. Quelles sont les motivations personnelles derrière le retour ? Le retour est-il volontaire ? 4. Quel rôle joue la prise de décisions collective sur la migration ? 5. Quels sont les principaux acteurs qui forgent la décision de migrer ? 6. Quels sont les facteurs qui influencent la migration irrégulière des enfants et des familles ? |
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Élaboration des programmes de réintégration
7. Quels sont les facteurs qui empêchent ou favorisent la réintégration des enfants aux niveaux économique, social et psychosocial ? 8. De quel type d’aide à la réintégration (aux niveaux économique, social et psychosocial) les enfants et les familles ont-ils besoin pour que la réintégration soit durable ? 9. Quels acteurs sont indiqués pour mettre en oeuvre ces activités ? |
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Perceptions de la communauté
10. Quelles sont les sources de tension et les sources de capital social à l’intérieur de l’écosystème ? 11. Comment les membres de la communauté se perçoivent-ils les uns les autres ? 12. Quels sont les événements majeurs, récents et anciens, qui ont façonné cette communauté ? 13. Comment les migrants et les enfants, adolescents et familles de retour sont-ils actuellement perçus et quelles sont les attitudes à leur égard ? 14. Comment la communauté considère-t-elle les migrants et les personnes de retour en tant qu’acteurs de l’écosystème ? 15. Comment les membres de la communauté traitent-ils les personnes de retour, et vice-versa ? |
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Analyse du système économique
16. Identifier les possibilités concrètes et immédiates en matière d’emploi, de création de revenus et d’emploi indépendant. 17. Identifier les possibilités concrètes et immédiates d’un renforcement de l’accès à des services de qualité et à la protection sociale. |
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Cartographie desparties prenantes et des services |
18. Qui sont les parties prenantes associées directement ou indirectement à la fourniture de l’aide à la réintégration aux niveaux local et national ? 19. Comment interagissent-elles et se concertent-elles ? 20. Quels projets à base communautaire existe-t-il qui concernent la réintégration en général, et la réintégration des enfants et des jeunes en particulier ? 21. Quels sont les mécanismes d’orientation en place aux divers niveaux (individuel, communautaire, régional, national et international) pouvant appuyer les activités de réintégration ? 22. Quels sont, parmi les services existants accessibles aux enfants migrants de retour et à leur famille, ceux qui peuvent appuyer les activités de réintégration ? 23. Quelles sont les approches complémentaires disponibles ? Qui les met 24. Existe-t-il des possibilités de créer de nouveaux partenariats ou de renforcer des partenariats existants à l’appui d’activités de |
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Évaluation des capacités |
25. De quelles ressources humaines et financières les parties prenantes disposent-elles pour intervenir dans les trois dimensions (économique, sociale et psychosociale) et aux trois niveaux (individuel, communautaire, structurel) de la réintégration ? 26. Quelles sont les activités de renforcement des capacités requises pour aider effectivement les partenaires à fournir l’aide à la réintégration ? |
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6.3.3 Projets de réintégration à base communautaire à des fins de réintégration économique
Dans les communautés où les ressources formelles sont limitées, les possibilités d’études ou d’emploi peuvent être rares, de sorte que les enfants et les jeunes sont exposés à un risque important de déscolarisation, de chômage, de sous-emploi ou de conflit avec les autorités. Cette situation peut susciter un sentiment de désespoir qui, conjugué à d’autres facteurs de risque, peut devenir un moteur de la migration et entraîner des stratégies d’adaptation négatives, voire des pensées ou des comportements suicidaires. Dans de tels environnements, les parents risquent de peiner à trouver un emploi et d’avoir du mal à satisfaire les besoins élémentaires de leurs enfants, par exemple de la nourriture en quantité suffisante, ou l’accès aux soins de santé et à l’éducation. Ils peuvent également être incapables de fournir un soutien émotionnel à leur famille en raison de la discrimination et de l’exclusion sociale à laquelle ils se heurtent alors qu’ils tentent de s’adapter à leur nouvel environnement.
L’aide à la réintégration économique au niveau communautaire doit tenir compte des besoins et des possibilités économiques qui sont accessibles à l’échelle communautaire, et de l’incidence que les enfants de retour et leur famille auront sur ces besoins et possibilités. L’objectif doit être de réduire la vulnérabilité de la communauté dans son ensemble aux chocs économiques tout en promouvant le dialogue, la cohésion sociale et l’autonomisation, ce qui suppose des stratégies à court et à long terme. S’appuyer sur les connaissances locales pour éclairer les interventions, encourager la participation des migrants de retour et des populations non migrantes et établir des liens avec les plans de développement locaux peut favoriser la durabilité. Parmi les approches programmatiques possibles, il convient de citer l’établissement de profils communautaires afin d’évaluer les besoins et les priorités ; la cartographie des initiatives et interventions existantes avec la participation active des migrants de retour et des communautés non migrantes ; l’analyse des tendances du marché du travail ; et l’identification des possibilités d’emploi qualifié et non qualifié à l’échelle locale, y compris les possibilités de formation professionnelle, de mentorat et d’apprentissage. L’établissement de partenariats avec le secteur privé visant à créer des emplois ou la collaboration avec le secteur public dans le but de mettre en oeuvre des projets de développement tels que la construction de routes sont des exemples pratiques susceptibles d’être appliqués à des fins de réintégration économique (voir le module 3 du Manuel qui examine les activités rémunératrices collectives, les activités de subsistance et de développement local à base communautaire et les activités de soutien financier à l’échelle communautaire comme autant de possibilités permettant d’organiser l’aide à la réintégration économique au niveau communautaire).
Il est fondamental, pour une aide à la réintégration économique soucieuse des besoins de l’enfant, de déterminer laquelle de ces formes d’aide à la réintégration économique permettra d’obtenir les meilleurs résultats pour l’enfant. À cet effet, il y a lieu de réaliser une évaluation multidimensionnelle qui porte non seulement sur la forme d’aide économique la plus viable pour le soutien économique adulte du ménage, mais aussi sur la manière dont les revenus tirés des activités de subsistance peuvent être utilisés au mieux dans l’intérêt de l’enfant. En outre, une telle évaluation peut prendre en considération les possibilités en matière de santé, d’éducation et de formation, intégrer la participation des enfants et des familles dans le processus d’évaluation et tenir compte de la situation économique de la famille et de l’enfant afin de définir une aide financière à la réintégration appropriée.
Il est bon que ces types d’évaluation soient réalisés par une équipe multidisciplinaire travaillant au contact de tous les membres de la famille. Cette équipe peut faire partie d’une structure locale ou communautaire qui est en relation avec une structure formelle ou informelle de protection de l’enfance ou en relève. La cartographie des parties prenantes et des services, qui doit faire partie du processus d’évaluation communautaire soucieuse des besoins de l’enfant, peut permettre d’identifier les structures existantes. En pratique, l’équipe multidisciplinaire peut faire partie d’une mission de terrain conjointe ayant des capacités en matière de protection de l’enfance et de renforcement économique. L’objectif de l’évaluation peut être d’identifier les compétences appropriées et adaptées à la communauté par une analyse du marché, d’étudier l’utilisation la plus appropriée des ressources disponibles aux niveaux individuel, du ménage et de la communauté, et d’intégrer l’évaluation des stratégies identifiées.
Programme de réintégration à base communautaire : OIM Nigéria
L’OIM Nigéria soutient un programme de réintégration à base communautaire dans des communautés comprenant un grand nombre de migrants et de familles de retour. La réintégration à base communautaire est un exemple d’aide à la réintégration économique et sociale au niveau de la communauté qui est axée sur l’amélioration de l’accessibilité et de la disponibilité des possibilités sociales, psychosociales et économiques dans les communautés de retour, dans l’intérêt à la fois des migrants de retour et des autres membres de la communauté. À cet égard, les bénéficiaires cibles sont à la fois les migrants de retour et les migrants potentiels (jeunes au chômage), afin de répondre aux besoins de la communauté locale.
Pour éclairer l’élaboration de l’intervention en matière de réintégration à base communautaire, l’OIM a réalisé une évaluation dans 18 zones d’administration locale au Nigéria, qui a permis d’identifier, outre les projets réalisables, le type de besoins et de risques existants dans les communautés comptant un grand nombre de résidents migrants ou de retour. Les migrants de retour et les migrants potentiels ont été regroupés sur la base de leurs compétences, de leurs intérêts et de leur situation géographique dans la communauté. Ils ont reçu une formation initiale aux compétences commerciales, puis un cours de formation pratique et professionnelle spécialisé, selon le type de projet de réintégration à base communautaire mis en place. Ces groupes permettent de réunir des migrants de retour qui vivaient isolés les uns des autres ou avaient été jugés particulièrement marginalisés, afin de réduire leur isolement et la stigmatisation sociale auxquels certains étaient confrontés dans leur communauté.
Le projet de réintégration à base communautaire a mis en place des usines de traitement d’ananas et de manioc sur les sites identifiés, afin de créer des possibilités d’emploi dans la communauté pour les migrants de retour et les jeunes chômeurs. Il profite aussi indirectement aux agriculteurs, aux membres des familles bénéficiaires et aux autres membres de la communauté en atténuant les pratiques de migration dangereuses et irrégulières et en améliorant les possibilités de subsistance. Le projet promeut un modèle de partenariat public-privé, en invitant des acteurs qualifiés et expérimentés du secteur privé à s’associer aux initiatives et à en superviser la gestion et la mise en oeuvre pendant une période prédéfinie. Pour leur part, les projets établis sont la propriété de coopératives (composées de migrants de retour et de migrants potentiels). Ces partenariats favorisent le bon fonctionnement des installations agroalimentaires en mettant à leur disposition l’expérience managériale des entreprises du secteur privé tout en leur permettant d’accéder à leur position sur le marché afin d’éviter les difficultés liées à la pénétration du marché et aux exigences d’investissement.
Les membres vulnérables de la communauté qui n’avaient pas migré ont bénéficié directement de l’emploi de groupe, mais en aussi tiré un avantage indirect grâce aux mesures de sensibilisation et à l’aide aux moyens de subsistance, car les usines agroalimentaires, en achetant leurs produits, garantissent aux ménages agricoles une demande stable, empêchent les pertes de gains en évitant les baisses de prix pendant la saison des récoltes, et en prévenant les pertes dues à la nature périssable des produits. Les groupes vulnérables englobaient les agriculteurs et d’autres bénéficiaires de la réintégration communautaire, qui a atténué les pratiques migratoires dangereuses et irrégulières. Parmi les succès notoires de ces programmes, l’on peut citer les préconisations adressées au Gouvernement pour l’attribution de terres aux fins de la réintégration communautaire, le renforcement des partenariats avec le secteur privé dans le but de promouvoir des régimes d’emploi de groupe et l’accès des migrants de retour au capital social, et la création d’une société coopérative de migrants de retour pour défendre et représenter leurs intérêts collectifs.
- Effectuer des évaluations pour savoir où mettre en oeuvre des projets de réintégration à base communautaire et établir un ordre de priorité.
- Renforcer les partenariats avec le secteur privé pour promouvoir les possibilités d’emploi.
- Inclure dans les interventions non seulement les migrants de retour, mais aussi les membres de la communauté.
6.3.4 Projets de réintégration à base communautaire à des fins de réintégration sociale
La réintégration sociale au niveau communautaire est axée sur l’amélioration de l’accessibilité et de la disponibilité des services sociaux et de la cohésion sociale dans les communautés de retour. La réintégration au niveau communautaire aide les migrants de retour à accéder aux services dont ils ont besoin et les met en relation avec d’autres migrants de retour dont les besoins et les vulnérabilités sont analogues. Les interventions de renforcement de la famille donnent la priorité à la participation et à l’autonomisation des familles, et visent à l’élaboration et au renforcement de politiques centrées sur la famille, y compris l’accès à des services d’aide à base communautaire et un soutien parental géré par les parents76, afin de donner aux familles les moyens d’aider les enfants à sociabiliser et à découvrir leur culture, leur religion et leur identité. Une mobilisation communautaire peut également modifier les paradigmes qui exposent les enfants et les familles à des risques, en ciblant les écoles, les chefs et structures communautaires afin de renforcer l’appui communautaire durable77.
Le personnel des services sociaux, le chargé de dossier, les organisations de la société civile et les autres acteurs de la réintégration peuvent s’associer à des interventions au niveau communautaire pour faciliter l’accès au logement ou une prise en charge appropriée des enfants, notamment lorsque la communauté compte beaucoup de migrants de retour. Les interventions au niveau communautaire peuvent également soutenir l’éducation, le développement des compétences et la formation en réalisant des évaluations visant à mesurer le niveau scolaire et à éclairer le placement des enfants de retour, de manière à compléter les relevés scolaires et les certificats de formation des pays d’accueil, lorsqu’ils existent, ou en mettant en place des voies d’apprentissage flexibles lorsqu’un retour à l’éducation formelle n’est pas possible. L’accès à la santé (y compris à la santé mentale et au soutien psychosocial) est généralement une préoccupation clé pour les enfants et les familles qui reviennent dans leur communauté, tout comme la sécurité et les infrastructures publiques, ou encore l’accès à la justice. En ce qui concerne les besoins sanitaires des enfants de retour, les projets peuvent fournir une aide directe en s’attaquant aux obstacles juridiques et pratiques qui entravent l’accès aux soins de santé, en répondant aux besoins de formation des professionnels de la santé, en fournissant des équipements, en améliorant les infrastructures, et en élaborant des informations sur la santé intéressant spécifiquement la communauté, notamment au sujet des maladies infectieuses. L’accès à la justice peut être facilité collectivement en levant les obstacles à l’obtention d’actes de naissance et autres documents nécessaires pour la fourniture de services aux enfants.
6.3.4.1 Coalitions de prise en charge communautaires
Les coalitions de prise en charge communautaires (community care coalitions) sont des groupes de personnes et d’organisations au niveau local qui se rassemblent dans le but commun de développer et d’améliorer la prise en charge des membres les plus vulnérables de la communauté. Ce modèle existe dans plusieurs pays, où il complète l’action du personnel des services sociaux formels en pourvoyant aux besoins des enfants vulnérables et de leur famille. Une coalition de prise en charge communautaire peut être un moyen de fournir aux familles une aide économique et sociale et de leur offrir un accès aux services. En Éthiopie, ces coalitions sont une source essentielle d’aide aux enfants de retour et à leur famille dans les communautés rurales isolées.
Coalitions de prise en charge communautaires en Éthiopie
En Éthiopie, les coalitions de prise en charge communautaires sont établies au niveau du kebele (la plus petite unité administrative gouvernementale) et réunissent différentes parties prenantes, dont les chefs traditionnels, des jeunes, des enseignants, des travailleurs sociaux, des agents de vulgarisation sanitaire, des chefs religieux, des groupes de femmes et les forces de l’ordre. Ce sont des systèmes d’aide à base communautaire dont les ressources proviennent de collectes mensuelles de contributions auprès des membres de la communauté qui en ont les moyens. Ceux-ci sont également invités à apporter des contributions en nature (y compris des cultures ou un soutien pratique, par exemple du travail). Ces biens sont distribués aux ménages vulnérables dans le besoin, afin de protéger la santé, l’éducation et le bien-être des enfants. La structure de gouvernance, adaptée au contexte local, consiste en une équipe présidée par l’administration locale, ainsi que divers comités, dont un groupe exécutif composé d’agents permanents, un groupe de vérificateurs qui exécute diverses tâches financières, volontairement ou sur demande, et des comités thématiques spécialisés chargés d’interventions précises, telles que la mobilisation des ressources, l’accès à la justice (assistants juridiques), la protection sociale, etc..
Le Gouvernement de l’Éthiopie et l’UNICEF soutiennent et financent les coalitions de prise en charge communautaires en reconnaissance de leur rôle précieux de soutien social, car elles protègent les enfants au niveau local, les mettent en relation avec d’autres services de protection de l’enfance et les orientent vers eux. Par exemple, une famille de cinq personnes, comprenant un couple et leurs trois enfants scolarisés, a été considérée comme vulnérable et nécessitant de l’aide. Le kebele et la Coalition de prise en charge communautaire se sont offerts pour fournir une aide pratique et assurer le lien avec les services. La famille a reçu de la Coalition un don en espèces pour que les enfants puissent poursuivre leur scolarité. Une évaluation économique a révélé que la famille, bien que vivant dans un logement en location, possédait un terrain listé parmi ses ressources. Puisqu’elle n’avait pas les moyens de construire sur son terrain, la Coalition de prise en charge communautaire a mobilisé des membres de la communauté pour construire une modeste habitation de deux pièces, aujourd’hui entourée d’une végétation luxuriante. Cette intervention a permis à la famille non seulement de trouver un abri, mais aussi de rester ensemble.
En outre, la Coalition de prise en charge communautaire a mis la famille en relation avec les services d’aide sociale du Bureau de la femme, de l’enfant et de la jeunesse ainsi qu’avec les services sanitaires du centre médical local. La famille a reçu des soins médicaux dans un centre médical qui collabore étroitement avec la Coalition vers lequel elle avait été orientée par un travailleur de services communautaires du kebele chargé d’identifier les familles vulnérables ayant besoin de services de protection de l’enfance. Le centre médical est considéré comme l’un des actifs communautaires qui permettent aux membres communautaires du kebele d’obtenir des soins médicaux gratuits.
Le travailleur social du Bureau régional de la femme, de l’enfant et de la jeunesse a aidé le mari à trouver un emploi à temps partiel après qu’il a pu améliorer son niveau de compétence. Les revenus du mari sont désormais suffisants pour faire vivre la famille. Grâce à ces interventions, l’un des enfants a obtenu son diplôme de second cycle et a obtenu un poste d’enseignant à temps partiel.
- Les autorités nationales devraient soutenir les coalitions de prise en charge communautaire afin de renforcer leurs capacités à l’échelle locale.
- Les actifs disponibles à l’échelle locale devraient être identifiés et utilisés pour promouvoir une aide à la réintégration selon une approche communautaire.
- Au niveau local, il convient d’associer des particuliers aux coalitions de prise en charge communautaire car ils sont particulièrement bien placés pour identifier les vulnérabilités, les besoins et les forces.
- Des mécanismes d’orientation appropriés vers les services disponibles au sein de la communauté devraient être mis en place et tenus à jour.
6.3.5 Santé mentale et soutien psychosocial au niveau communautaire
Comme il a été indiqué au chapitre 6.2, les enfants et les familles ont généralement un niveau de résilience qui leur permet de bien se réintégrer. Des services de santé mentale et de soutien psychosocial à des fins de réintégration qui sont axés sur la fourniture de services essentiels et sur l’aide de la famille et de la communauté peuvent bénéficier aux enfants de retour et à leur famille. Les activités à base communautaire relatives à la santé mentale et au soutien psychosocial doivent viser à renforcer le lien entre les enfants et ceux qui en ont la charge, à établir une relation entre les enfants et leurs pairs et à faciliter l’intégration sociale des enfants et des familles dans leur communauté. Elles peuvent aussi comprendre des activités de sensibilisation destinées à lutter contre les éventuelles stigmatisations et à favoriser un environnement accueillant et inclusif. Répondre aux besoins des jeunes enfants et des personnes qui en ont la charge en matière de santé mentale et de soutien psychosocial et soutenir les programmes parentaux ainsi que les enseignants permet de promouvoir les besoins de développement des enfants de retour.
Mobiliser les travailleurs sociaux et développer leurs capacités favorise les activités relatives à la santé mentale et au soutien psychosocial au niveau communautaire. C’est pourquoi un renforcement des capacités des fournisseurs de services en matière de santé mentale et de soutien psychosocial devrait compléter le développement des travailleurs des services sociaux au niveau communautaire. Cela suppose de renforcer les services sociaux ainsi que les services en matière de conseil, d’éducation et de santé, y compris les soins de santé mentale, afin de répondre aux besoins des enfants de retour. Cela suppose aussi de concentrer les efforts sur le renforcement des capacités en matière de santé mentale et de soutien psychosocial (conseil et psychologie clinique) là où elles font défaut.
À cet effet, des interventions en matière de santé mentale et de soutien psychosocial peuvent être élaborées à l’intention des enfants et des personnes qui en ont la charge, qui pourront ensuite être développées et mises en oeuvre par des animateurs communautaires (qui sont eux-mêmes des parents). Ces groupes peuvent :
- Élargir le réseau d’aide sociale et permettre l’émergence d’un sentiment de communauté (de nombreux parents disent se sentir isolés et avoir l’impression d’être les seuls à éprouver ce sentiment ; les groupes peuvent y remédier) ;
- Tirer parti des ressources existantes spécialisées en matière de santé mentale et de soutien psychosocial, et étendre l’accès aux soins aux communautés insuffisamment desservies ;
- Offrir un espace sûr, créer des occasions de se faire connaître, tisser des liens avec les autres et comprendre les schémas qui sous-tendent les dynamiques interpersonnelles (de nombreux parents n’étaient plus capables de faire confiance à d’autres parents, anticipant le sentiment d’être jugés et portant un regard critique sur leurs compétences parentales).
Les interventions de groupe peuvent faire appel à l’art, à la musique et à la danse et devraient s’appuyer sur les manières dont les communautés créent naturellement du lien. L’étude de cas ci-après montre comment cette méthode a été appliquée en Colombie. Le contexte communautaire de cette étude de cas est semblable aux nombreux contextes que retrouvent les enfants et les familles qui reviennent dans un pays d’origine où les moyens disponibles pour faciliter la réintégration sont limités et où les taux de déplacement ou de migration sont toujours élevés, de même que la violence ou les facteurs économiques qui déstabilisent la cohésion sociale. Cette méthodologie peut être utile pour soutenir des parents qui reviennent auprès d’enfants confiés à d’autres membres de la famille et qui ont du mal à rétablir un lien. Former des animateurs de groupe spécialisés dans le renforcement des liens familiaux permet d’étoffer le réseau d’orientation à l’appui de la réintégration durable tout en promouvant la cohésion sociale par la création d’espaces au sein desquels la communauté peut acquérir collectivement ces compétences.
Groupe de psychothérapie parent-enfant à Tumaco (Colombie)
À Tumaco, en Colombie, les communautés sont régulièrement déplacées par le conflit armé ou exposées à celui-ci. Cette situation peut avoir de graves répercussions sur la santé mentale des enfants et sur leur bien‑être psychosocial une fois adultes, qui subsistent lorsqu’ils deviennent euxmêmes parents. Afin de protéger le développement des enfants dans ces communautés touchées par la violence, Andres Moya, de l’Université des Andes, a mené des recherches en partenariat avec l’Université de Californie, à l’origine du programme « Semillas de Apego » (« Graines de lien »), une intervention psychosociale de groupe pour les enfants de moins de cinq ans et les personnes qui en ont la charge.
Semillas de Apego s’appuie sur le travail d’Alicia Liberman et de Vilma Reyes, qui ont adapté la psychothérapie parent-enfant à un modèle de groupe éclairé par le contexte socioéconomique, géopolitique et culturel de deux communautés en Colombie. Cette intervention vise à encourager les liens parent-enfant qui promeuvent un développement émotionnel sain dans des circonstances défavorables, à examiner la façon dont les expériences influent sur la parentalité, à sensibiliser davantage les personnes ayant la charge de l’enfant et à restaurer la confiance envers la communauté. L’intervention de groupe s’appuie sur le principe selon lequel le meilleur indicateur de la manière dont les enfants font face après des expériences traumatisantes est la manière dont les parents et les personnes ayant la charge de l’enfant font eux-mêmes face à ces expériences. Elle se compose de 15 sessions portant sur des sujets et des exercices qui visent à instaurer la confiance au sein du groupe, à encourager la réflexion, les opinions et les stratégies en matière de réparation du lien parent-enfant et à donner aux parents les moyens de répondre aux besoins de l’enfant en matière de développement.
À Tumaco, les groupes ont été accompagnés par des animateurs recrutés localement et formés par l’équipe clinique à l’origine du projet à Bogota. Un responsable a été désigné parmi les animateurs de groupe de Tumaco, qui a ensuite organisé des sessions de formation des formateurs à l’intention d’un groupe de futurs animateurs. Tous les animateurs étaient eux-mêmes parents et ont déclaré avoir également appris des choses et amélioré leur relation avec leurs propres enfants. Ils ont été formés aux principes de la psychothérapie parent-enfant, à la théorie du traumatisme et à l’animation de groupe. Ils ont également bénéficié d’une supervision axée sur la réflexion, qui leur a permis de réfléchir à leur propre parentalité, d’appliquer les diverses théories et activités étudiées, et de faire l’expérience d’une participation à un espace de réflexion afin de pouvoir recréer ce même environnement pour les participants à l’intervention.
Dans le cadre de l’essai clinique et de la phase pilote de l’intervention en Colombie, des mesures ont été effectuées avant et après l’intervention. Les résultats obtenus pour les parents et les enfants se présentaient comme suit :
- Réduction des symptômes aigus d’angoisse et de dépression chez les personnes ayant la charge de l’enfant ;
- Réduction du stress parental ;
- Amélioration de l’auto-efficacité parentale (satisfaction par rapport à sa parentalité) ;
- Amélioration de la relation parent-enfant ;
- Réduction des symptômes de traumatisme, de dérégulation émotionnelle et de déficiences cognitives, sociales et linguistiques chez les enfants.
- Recruter et former des animateurs de groupe qui connaissent la communauté et en font partie.
- La formation en cours d’emploi et l’accompagnement sont essentiels pour la mise en oeuvre du modèle.
- Adapter le modèle au cadre et au contexte culturels.
Pour plus d’informations, consulter le site https://uniandes.edu.co/en/news/regional-development/sowing-the-future-in-a-land-of-violence.
75 M.G. Wessells, A Guide for Supporting Community-led child Protection Processes, Child Resilience Alliance (New York, 2018).
76 Groupe de travail de l’Assemblée générale des Nations Unies, Principales recommandations en vue de la résolution de l’Assemblée Générale des Nations Unies 2019 sur les droits de l’enfant, axées plus particulièrement sur les enfants privés de protection parentale (New York, juin 2019).
77 Ibid.