Module 5: SUIVI ET ÉVALUATION DE L’AIDE À LA RÉINTÉGRATION

5.3 Mise en place d’un cadre de suivi

Le suivi des programmes de réintégration exige des systèmes et pratiques de collecte et d’analyse des données s’appuyant sur les cadres de suivi établis. Le suivi devrait être effectué tout au long de la mise en œuvre du programme afin de recenser les obstacles communs ; les conclusions doivent être communiquées au personnel et aux partenaires afin que les informations puissent être utilisées pour améliorer le programme.

Une fois que le cadre de suivi des résultats est en place, il doit être mis en œuvre conformément à ce qui a été planifié. Dans le contexte des programmes de réintégration, il faut mettre l’accent sur certaines considérations communes en matière de suivi et d’évaluation :

  1. Effectuer un examen régulier (par exemple au cours de réunions mensuelles) du cadre de suivi des résultats par rapport à un plan de travail détaillé et aux dépenses courantes. Cela facilitera l’évaluation du budget, des activités, des résultats et des risques potentiels qui peuvent affecter les opérations.

  2. Établir de bons moyens de communication pour informer les intéressés des progrès ou des résultats. Cela est utile pour :

    • Adapter ou améliorer les programmes en fonction des résultats. Par exemple, si les bénéficiaires

      déclarent systématiquement qu’ils ne sont pas en mesure d’accéder à un service particulier, il est

      possible de remédier à cette situation.

    • Stimuler le moral de l’équipe et encourager la mobilisation et l’adhésion des intervenants.

    • Clarifier les attentes, les rôles et les responsabilités.

  3. L’engagement des parties prenantes est essentiel au bon déroulement du processus général de réintégration, y compris du suivi et de l’évaluation. Certains acteurs sont directement impliqués dans la collecte des données tandis que d’autres participent aux activités de suivi. Une approche participative est donc nécessaire. Il est important de faire preuve de transparence et de tenir compte des commentaires.

  4. Enfin, il faut considérer les méthodes de validation des données. Elles comprennent souvent des vérifications ponctuelles, des entretiens dans le cadre de la fourniture de l’aide, la vérification croisée d’un petit échantillon de formulaires (par exemple, les certificats de transfert) par rapport au bénéficiaire (par exemple en contactant la personne dont le nom figure sur le certificat) et l’application d’un contrôle de qualité à la base de données des bénéficiaires.

Ce chapitre donne un aperçu détaillé des éléments à considérer et des mesures à prendre pour mettre en œuvre un cadre de suivi, étayé par des orientations supplémentaires dans les annexes :

  • 5.3.1 Difficultés communes lors du suivi des initiatives de réintégration
  • 5.3.2 Collecte, saisie et nettoyage des données
  • 5.3.3 Analyse et communication des données

5.3.1 Difficultés communes lors du suivi des initiatives de réintégration

Lors du suivi et de l’évaluation, certaines difficultés communes peuvent être rencontrées aux trois niveaux d’intervention (individuel, communautaire et structurel). Ces difficultés doivent être prises en compte, tout comme les considérations éthiques mentionnées à la section 5.1.1. Les difficultés communes concernent notamment :

L’insuffisance des ressources : La mise en œuvre d’un programme de réintégration fait généralement intervenir différents bureaux de pays (par exemple, ceux des pays d’accueil et d’origine). Dans ce processus, il est recommandé de prévoir les ressources nécessaires à la mise en œuvre comme au suivi et l’évaluation, afin d’éviter les contraintes dans la collecte et l’analyse des données.

  • Recommandation : Concevoir et financer le programme de manière réaliste pour y inclure la composante de suivi et d’évaluation (ressources humaines, coordination et transport).

Contact avec les migrants de retour : Le succès du suivi dépend de la volonté des migrants d’y participer. Toutefois, cela n’est pas toujours évident et ils ont le droit de refuser. Les personnes de retour peuvent ne pas vouloir être contactées, en particulier si elles estiment que leur processus de réintégration est difficile ou peu efficace. Il se peut que d’autres bénéficiaires du programme (tels que les membres de la communauté ou les parties prenantes concernées) ne comprennent pas pleinement l’objectif et la pratique du suivi et de l’évaluation. Il est donc important de fournir aux migrants de retour et aux autres bénéficiaires des informations régulières sur l’importance de leurs commentaires.

  • Recommandation : Expliquer l’utilité des commentaires lors des séances de consultation et faire en sorte que la relation entre le chargé de dossier et le migrant de retour soit bien établie.

Assurer la participation des bénéficiaires : Ces derniers (les migrants de retour, les membres de la communauté et les parties prenantes concernées) ne doivent pas recevoir de rétribution pour leur participation au suivi et à l’évaluation. Toutefois, l’on peut offrir aux personnes de retour et aux membres de la communauté une petite allocation couvrant les frais de transport liés à leur participation aux réunions ou aux discussions de groupe, ainsi qu’une boisson ou une collation pendant l’entretien, pour montrer que leur coopération et leur temps sont appréciés. Cela peut aider à atténuer le poids financier de cette participation.

  • Recommandation : Expliquer l’importance des commentaires lors des séances de consultation. Effectuer un sondage pour déterminer à qui les bénéficiaires préfèrent donner leur avis.

Transparence du processus de suivi : Le personnel chargé des activités de suivi doit s’assurer que les participants comprennent la manière dont les données de suivi seront utilisées, et sachent que cela n’aura pas d’impact positif ou négatif sur la prestation de l’aide à laquelle ils ont droit, le cas échéant, ou sur leurs possibilités de migration futures. Il faut le préciser dès le début et à chaque fois que les participants seront interrogés : cela augmentera la probabilité que les bénéficiaires du programme donnent leur consentement éclairé – ainsi que des réponses sincères, utiles à la conception et la mise en œuvre des programmes futurs.

  • Recommandation : Communiquer les résultats du suivi et de l’évaluation aux bénéficiaires et leur rappeler qu’ils constituent une partie prenante essentielle. Souligner que leurs précieux commentaires seront pris en compte dans les programmes futurs, qui seront ajustés en conséquence. Les documents issus du suivi doivent être facilement lisibles et consultables afin de favoriser la transparence et la légitimité.

Sécurité : En ce qui concerne les lieux inaccessibles pour des raisons de sécurité ou dans lesquels les migrants de retour ont fait preuve d’agressivité envers le personnel chargé de la réintégration lors du processus de consultations (par exemple, pour des raisons qui dépassent le cadre d’influence du projet), la méthode privilégiée est le suivi par téléphone. Il arrive également que dans certaines régions où reviennent des migrants, la sécurité et la sûreté se détériorent tout au long de la phase de mise en œuvre. Dans de tels cas, un suivi par téléphone ou par visioconférence peut être envisagé lorsque la technologie le permet ; le suivi peut également être effectué par les partenaires d’exécution qui ont accès aux lieux préoccupants, sur la base d’une évaluation approfondie.

  • Recommandation : Si nécessaire, avoir recours à d’autres méthodes de suivi, comme le suivi à distance par visioconférence, par téléphone ou par l’intermédiaire de partenaires d’exécution de confiance. Communiquer les changements aux parties prenantes concernées.

5.3.2 Collecte, saisie et nettoyage des données

Pour pouvoir évaluer les progrès accomplis, il faut disposer de données fiables et de bonne qualité. Des orientations en matière de collecte de données sont pour cela nécessaires ; par exemple, une formation peut être dispensée aux personnes chargées de la collecte, afin qu’elles comprennent clairement pourquoi les données sont recueillies et qu’elles respectent les principes de confidentialité et de protection des données. Il est également important de disposer des outils et logiciels nécessaires à la saisie, au nettoyage et à l’analyse des données.

5.3.3 Analyse et communication des données

La transformation des données en éléments de preuve comprend les étapes suivantes :

  1. Gestion des données : Comprend la façon dont les données sont organisées, nettoyées, vérifiées et stockées.

  2. Catégorisation ou calcul des données (analyse qualitative ou quantitative).

  3. Validation des données : Il s’agit de vérifier ou de contrôler si les progrès signalés sont avérés ou non.

    Cela peut se faire par triangulation, c’est à dire en comparant plusieurs sources de données et différentes méthodes pour corroborer les résultats et compenser les éventuelles lacunes de certaines données par les points forts d’autres données. La triangulation peut et doit donc jouer un rôle majeur dans les activités de suivi et d’évaluation, car elle peut renforcer la validité et la fiabilité des observations existantes sur une question donnée, et permettre de recenser les domaines où des recherches plus approfondies sont nécessaires. Lorsque les résultats convergent, cela peut aboutir à de nouvelles conclusions crédibles sur une question et créer de nouvelles façons de l’aborder.

  4. Élaboration d’un rapport d’après les conclusions : Ce rapport devrait présenter les principales réalisations, les progrès accomplis en ce qui concerne les effets directs et les produits, les progrès réalisés au regard des indicateurs établis, les difficultés rencontrées et les mesures prises, et s’achever par un résumé.

  5. Communication des résultats : Pour favoriser une approche des programmes fondée sur des données factuelles, il est nécessaire d’établir un plan clair sur la façon de communiquer les résultats du suivi et de l’évaluation aux équipes de projet, aux bénéficiaires et aux autres parties prenantes concernées. Il faut solliciter les commentaires des partenaires et des bénéficiaires sur les progrès accomplis et les actions proposées, et y donner suite dans la mesure du possible. Les informations du rapport peuvent être communiquées de différentes manières en fonction du public cible.