L’aide à la réintégration économique au niveau communautaire peut prendre de nombreuses formes, comme l’indiquent les différentes méthodes présentées à la section 3.2.2. Le rôle de ces interventions – par opposition à l’aide au niveau individuel – est de réaliser des économies d’échelle, de favoriser un environnement économique plus propice à la réintégration durable, d’établir des partenariats avec les programmes de développement local existants et de tirer parti de ceux-ci. L’aide à la réintégration économique au niveau communautaire est particulièrement utile lorsqu’un grand nombre de migrants aux compétences et motivations similaires reviennent dans la même communauté sur une courte période, lorsque l’économie se porte bien et lorsque des initiatives de développement local sont déjà en place.
Les interventions au niveau communautaire peuvent être très efficaces pour faciliter la réintégration des migrants dans le cadre des structures locales, en tirant parti des économies d’échelle réalisées pour chaque intervention et en favorisant la durabilité des projets. Toutefois, pour une mise en œuvre efficace, un certain nombre de considérations opérationnelles, individuelles et contextuelles doivent être prises en compte.
➔ Le contexte économique local et national plus large a un impact considérable sur la durabilité des projets. Ce contexte comprend la situation économique nationale avant la mise en œuvre des projets et son évolution au fil du temps. La réussite des précédents projets de réintégration économique au niveau communautaire est étroitement liée à l’évolution générale de la situation économique : si l’économie nationale est croissante et prospère, les projets économiques sont généralement plus fructueux, et inversement.
Toutefois, si l’on affine ces tendances générales, l’impact des facteurs économiques contextuels dépend également de la nature (travail salarié ou indépendant), du secteur économique (industrie, services, agriculture, etc.) et des chaînes de valeur du projet en question. Il est important de comprendre cette dynamique économique pour pouvoir adapter le projet en fonction des possibilités et obstacles économiques et structurels aux niveaux local et national. Un projet a plus de chances de réussir s’il est adapté à la situation actuelle.
➔ Les projets de réintégration économique au niveau communautaire ont le plus de chances d’être couronnés de succès lorsque les migrants qui reviennent dans une communauté donnée ont des profils socioéconomiques similaires, notamment en ce qui concerne les compétences, l’expérience professionnelle, les centres d’intérêt et les projets de vie. La pertinence et le niveau des compétences des personnes de retour dans le domaine du projet constituent un facteur de succès important. Il est essentiel qu’au moins un des migrants qui participent au projet ait des connaissances avancées dans le domaine en question, pour pouvoir assumer le rôle d’expert et de conseiller. Toutefois, il vaut mieux que tous les migrants de retour aient des compétences de base ou une expérience initiale dans ce domaine. Ainsi, il leur sera plus facile d’acquérir de nouvelles compétences et connaissances au cours de cette collaboration.
Toutefois, il est rare que tous les migrants qui reviennent dans une communauté aient les mêmes compétences et le même niveau d’expérience. Si aucune des personnes de retour dans une communauté n’a l’expérience professionnelle ou les compétences requises pour un projet axé sur la communauté, il faut avoir recours à d’autres moyens de transfert de compétences. Ces moyens sont notamment les suivants : faire appel à des membres de la communauté ayant des compétences spécialisées (si cela est possible dans le cadre du projet et si ces compétences sont disponibles) ; établir des partenariats avec des associations ayant les compétences requises (celles qui ont participé aux précédents projets, par exemple) ; prévoir dans le budget une formation technique adéquate pour le projet, destinée au moins à certains membres du groupe, qui pourront par la suite transmettre leurs connaissances. En outre, l’intérêt des migrants pour le travail en groupe est essentiel au succès des projets communautaires, ceux-ci requérant tous un travail d’équipe efficace. En outre, si l’âge des personnes de retour, leur communauté d’origine et le temps qu’ils ont passé à l’étranger sont similaires, le projet aura d’autant plus de chances de réussir.
La conception, la mise en œuvre et la réussite des interventions au niveau communautaire peuvent être facilitées par la création d’une base de données à jour et intégrée contenant des informations contextuelles sur les migrants de retour et sur le projet. Afin de faciliter le regroupement des migrants, cette base de données doit comprendre leurs profils complets, détaillant leurs besoins, leurs compétences et leurs centres d’intérêt. Pour mettre à profit les synergies et éviter les doubles emplois, il faudrait en outre y intégrer des données actualisées sur les projets de réintégration et d’autres projets ayant une composante réintégration (voir la section 3.2.2) mis en œuvre dans chaque pays d’origine par l’organisation principalement chargée de la réintégration ou par des tiers. Cette base de données devrait également comprendre des informations sur les possibles moyens de subsistance, les secteurs porteurs de croissance, les règlements et les conditions socioéconomiques au niveau local (voir la section 1.4.2). Les administrateurs de programme disposeraient ainsi d’une seule source d’information, qui leur permettrait de prendre des décisions fondées sur des données factuelles, et tenant compte du profil, des besoins et des centres d’intérêt des migrants, de leur répartition géographique à leur retour, des éventuels projets de réintégration en place et de l’ensemble des conditions économiques, sociales et structurelles dans les communautés où reviennent les migrants.
Le présent chapitre donne un aperçu détaillé des différentes méthodes d’aide à la réintégration économique au niveau communautaire.
- 3.3.1 Activités rémunératrices collectives
- 3.3.2 Activités de subsistance et de développement local au niveau communautaire
- 3.3.3 Activités d’appui financier au niveau communautaire
3.3.1 Activités rémunératrices collectives
Les activités rémunératrices collectives peuvent prendre diverses formes en fonction du système de marché et du contexte local. Il peut s’agir de petites coopératives agricoles, de groupes d’artisans, de coopératives agro- industrielles, de programmes favorisant l’employabilité des jeunes ou encore de réseaux de petites boutiques mobiles. Les projets collectifs sont nettement plus efficaces que les projets individuels pour des activités qui nécessitent un important investissement initial et un fonds de roulement substantiel, étant donné que les migrants peuvent mettre leurs ressources en commun. Par exemple, pour les projets liés à la pêche, l’aide au niveau individuel ne suffirait pas à couvrir l’achat de bateaux destinés à la pêche de nuit, qui permettent un retour sur investissement plus élevé que les embarcations traditionnelles. Lorsque les activités rémunératrices collectives sont bien conçues et leur mise en œuvre efficace, les rendements économiques pour chaque migrant peuvent être considérablement supérieurs à ceux des projets de réintégration individuels, même si les deux programmes apportent le même niveau d’aide par personne.
En outre, les activités rémunératrices collectives peuvent permettre à des personnes de retour qui n’auraient pas les compétences nécessaires pour réussir dans un projet individuel de bénéficier du savoir-faire des autres migrants ou d’autres membres de la communauté. Si elles sont conçues en tenant compte des compétences des migrants et de la réalité du marché, elles peuvent élargir le champ d’activités rémunératrices pour chaque personne de retour, en lui permettant de dépasser ses limites individuelles. Enfin, les activités rémunératrices collectives encouragent les migrants de retour à développer des réseaux sociaux et économiques, ce qui favorise la durabilité de la réintégration (voir l’étude de cas no 8 ci-après pour un exemple de la manière dont le bureau de l’OIM au Bangladesh a collaboré avec les migrants et les populations locales en les aidant à créer des entreprises sociales collectives génératrices de revenus, utiles à l’ensemble de la communauté).
entreprises sociales au niveau communautaire au Bangladesh
Le bureau de l’OIM au Bangladesh a constaté que de nombreux migrants de retour n’avaient pas l’expérience et les capacités nécessaires pour gérer par eux-mêmes une entreprise sur le long terme. Il a également été constaté que plusieurs femmes de retour demandaient à gérer leur entreprise conjointement avec des membres de leur famille.
Face à cette situation, le bureau de l’OIM au Bangladesh a élaboré un mécanisme donnant à des groupes de migrants la possibilité d’investir dans une entreprise sociale avec le soutien d’une ONG locale ; ces migrants devenaient ainsi actionnaires d’une entreprise sociale enracinée dans la communauté.
Un état des lieux a recensé les entreprises locales œuvrant dans les secteurs prioritaires ainsi que les ONG partenaires expertes dans ces secteurs et connaissant la situation des personnes de retour. Ces ONG ont été priées de contribuer à la gestion, l’administration et la gouvernance des entreprises sociales en nommant deux de leurs représentants au conseil d’administration et en investissant une petite somme d’argent.
Ces entreprises sociales fonctionnent comme des entreprises ordinaires et sont gérées par un conseil d’administration qui fait office d’organe directeur et comprend deux membres de chaque groupe – les migrants, la communauté locale et l’ONG locale. Elles sont enregistrées comme des sociétés de capitaux ; les personnes de retour et leur famille détiennent généralement 80 à 85 % des actions investies avec les fonds versés par l’OIM. L’ONG partenaire en détient 15 à 20 %. Les bénéfices sont distribués selon le montant de l’investissement et la part de l’entreprise possédée.
Les entreprises créées dans le cadre de ce projet portent sur des domaines tels que l’élevage de crabes, la culture hydroponique, l’engraissement du bétail et les chariots de restauration mobiles. Elles ont recruté leur personnel parmi les membres de la communauté locale, y compris un gestionnaire professionnel pour traiter les opérations quotidiennes. S’ils le souhaitent, les migrants de retour peuvent être recrutés par les entreprises dans lesquelles ils investissent. Les membres du personnel sont responsables devant le conseil, qui définit la stratégie générale et donne des directives. Ces entreprises contribuent à donner une image positive des migrants de retour en créant des emplois locaux et en fournissant des biens et des services, parfois dans des zones rurales reculées. Ces initiatives bénéficiant à la fois aux migrants et aux membres de la communauté locale, elles aident à renforcer la cohésion sociale.
- Préciser aux investisseurs potentiels qu’il s’agit d’un investissement à long terme, car les bénéfices concrets ne seront pas obtenus immédiatement.
Afin d’exploiter le potentiel des activités rémunératrices collectives et d’éviter un échec, il est essentiel que les responsables des projets de réintégration et les partenaires collaborent étroitement à l’élaboration, à la sélection, à la mise en œuvre, au suivi et à l’évaluation de ces activités. Le tableau ci-après résume les pratiques exemplaires qui doivent être suivies par les responsables des projets de réintégration et/ou les partenaires:
Tableau 3.4: Élaboration, sélection, mise en oeuvre, suivi et évaluation des activités rémunératrices collectives
Étape | Activités |
---|---|
Évaluation des conditions préalables à la mise en oeuvre d’activités rémunératrices collectives |
|
Formation de groupes et mesures d’incitation à l’action collective |
|
Formation de courte durée et élaboration du plan du projet |
|
Sélection des activités rémunératrices collectives susceptibles d’être durables |
|
Processus d’enregistrement |
|
Formation sur les divers aspects de la mise en oeuvre des projets |
|
Appui lors de la phase de mise en oeuvre et consultations sur le long terme |
|
Suivi et évaluation |
|
Le tableau précédent et les paragraphes qui suivent présentent les mesures propres à créer des projets collectifs générateurs de revenus. Pour des informations plus détaillées sur l’aide à la création d’entreprise, y compris collectives, voir l’annexe 2.
Évaluation des conditions préalables et formation de groupes
Le processus d’évaluation des conditions préalables et la formation de groupes devraient idéalement être initiés avant le retour, dans le pays d’accueil. Toutefois, il faut pour cela qu’un nombre suffisant de bénéficiaires aient l’intention de retourner dans la même communauté. Il faut également que des informations pertinentes soient disponibles sur les possibilités et les projets existants dans le pays d’origine.
Différentes mesures incitatives peuvent encourager les personnes de retour à choisir une activité communautaire plutôt qu’un projet individuel. L’on peut par exemple verser une subvention sous forme de petite allocation complémentaire à chaque migrant participant à un projet de groupe. Si le contexte local et la conception du projet le permettent, il est également possible de verser des allocations supplémentaires pour chaque non-migrant employé.
Échec des projets rémunérateurs collectifs
Les administrateurs de programme doivent savoir qu’en cas d’échec du projet, les répercussions négatives sur les groupes de migrants et sur l’ensemble de la communauté peuvent être conséquentes. Il est donc essentiel de fixer dès le début un calendrier exhaustif pour tous les projets rémunérateurs collectifs, indiquant les activités du projet, les besoins en fonds de roulement ainsi que l’allocation de capitaux attendue par les acteurs participant aux différentes activités.
Formation de courte durée
À l’instar de la courte formation à l’élaboration d’un plan d’activité proposée dans le cadre de l’aide à la création d’entreprise (voir l’annexe 2, étape 3), les migrants de retour sans expérience en matière de création de projets, ou ceux qui ont vécu à l’étranger pendant longtemps, ont peu de chances d’être en mesure de créer un plan d’activité durable et adapté au marché. Ces migrants ont besoin d’une courte formation sur la création de projets axés sur le marché et la communauté. Ils doivent se familiariser avec les conditions préalables qu’ils devront remplir lors du processus de sélection. Cette formation peut être effectuée par un partenaire du secteur privé, de la société civile ou du gouvernement, ou par des membres du personnel de l’organisation principalement chargée de la réintégration. La formation à court terme doit également permettre aux bénéficiaires de se familiariser avec les possibilités et obstacles que présentent les systèmes de marché locaux et fournir un encadrement technique adapté au projet. Concernant cet aspect de la formation, les formateurs devraient posséder et enseigner des compétences techniques dans le secteur de chaque projet choisi, plutôt que de fournir un programme de formation général commun à tous les migrants de retour. Ces formateurs devraient idéalement être un groupe d’experts locaux ayant des connaissances spécialisées concernant l’économie locale et, le cas échéant, en matière d’environnement.
Sélection
Une fois les plans de projet finalisés, l’organisation principalement chargée de la réintégration doit choisir les activités rémunératrices collectives les plus prometteuses. Les critères de sélection des projets rémunérateurs collectifs devraient être adaptés aux niveaux local et national pour mieux correspondre aux objectifs et au contexte et du programme ; toutefois, de manière générale, il faudrait favoriser les projets pour lesquels des investissements initiaux ou fonds de roulement importants sont nécessaires. Dans la mesure du possible, les acteurs locaux devraient participer à la sélection des projets, en plus du rôle qu’ils jouent dans l’élaboration de projets au niveau communautaire. Ces deux fonctions peuvent être intégrées par la création de comités directeurs chargés d’orienter la conception des projets au niveau communautaire et de conduire le processus de sélection des bénéficiaires.
Mesures à prendre une fois le projet approuvé
Une fois que des activités rémunératrices collectives précises ont été approuvées, les membres du groupe peuvent avoir besoin d’être formés à divers aspects de la mise en œuvre des projets, tels que la constitution de coopératives, les compétences entrepreneuriales et la gestion collective des entreprises (travail en équipe,partage des tâches, gestion et administration). Dans la mesure du possible, ces activités devraient être intégrées à d’autres activités individuelles d’appui au développement des entreprises afin d’étudier les possibilités de synergie et de réduire les coûts de formation.
En outre, concernant les projets mixtes ou uniquement constitués de personnes de retour, les participants doivent être informés à l’avance des dynamiques de groupe les plus courantes. La formation peut comprendre des exercices de renforcement de la confiance, ainsi que des stratégies permettant de faire face à d’éventuels conflits à l’intérieur du groupe. Elle doit fournir des informations sur les mécanismes de résolution des conflits et de réclamation pertinents pour le programme (voir la section 3.5 pour des exemples de méthodes et activités de renforcement de la confiance). En outre, il faut rappeler aux bénéficiaires que leur projet n’aura pas forcément de retombées financières immédiates, car de nombreux projets produisent un faible revenu à court terme.
La première étape de la mise en œuvre du projet est particulièrement cruciale. L’organisation principalement chargée de la réintégration, la communauté ou les partenaires doivent fournir une aide soutenue au cours de cette période, en facilitant les ajustements nécessaires et en jouant un rôle de médiateur en cas de conflits au sein du groupe. Pour appuyer la durabilité économique des activités rémunératrices collectives, les responsables peuvent par exemple décider que le projet ne comprendra d’abord que des migrants de retour, et intégrera d’autres membres de la communauté à un stade ultérieur lorsqu’il sera devenu rentable.
Les activités rémunératrices collectives, tout comme les projets individuels, ont besoin d’être appuyées et encadrées sur de longues périodes. L’organisation principalement chargée de la réintégration ou ses partenaires doivent appuyer les ajustements au cours des premières années de fonctionnement, par exemple en assurant des formations ou un capital de démarrage supplémentaires. Des projets rentables peuvent avoir besoin d’une aide pour étendre leurs activités et atteindre un plus grand nombre de clients. À cet égard, l’organisation responsable ou d’autres partenaires peuvent notamment : orienter ces projets vers des pépinières d’entreprises et des investisseurs ; les aider à étendre la gamme des produits et la commercialisation ; faciliter les contacts avec les principales entreprises. Lorsque le budget et les paramètres du programme le permettent, une option envisageable est de fournir une aide directe aux projets les plus fructueux à l’issue d’une période déterminée.
3.3.2 Activités de subsistance et de développement local au niveau communautaire
La présente section donne un aperçu des projets communautaires qui soutiennent le développement économique local en apportant des revenus aux migrants de retour comme aux membres des communautés locales. L’objectif principal des méthodes de réintégration axées sur la communauté qui visent à développer l’économie locale n’est pas d’appuyer la réintégration, mais d’améliorer la situation générale en matière d’emploi, de cohésion sociale et de protection individuelle. Ces projets peuvent créer des possibilités économiques et des sources de revenus durables pour les membres de la communauté (migrants ou non) et améliorer la gouvernance, la stabilité, les infrastructures locales, la résilience face au changement climatique ainsi que la prestation de services. Dans la mesure du possible, ces projets doivent être écologiquement viables et contribuer directement à la gestion durable, la conservation ou la réhabilitation de l’environnement et des ressources naturelles (terres, eau, forêts, écosystèmes). (Voir l’étude de cas no 9 ci-après pour un exemple de projet de stabilisation des communautés qui profite aux migrants comme aux membres de la communauté locale tout en s’attaquant à la dégradation des terres agricoles, qui constitue un facteur important d’incitation à la migration.) Par rapport aux activités rémunératrices collectives, les projets locaux de développement s’attachent davantage à faire participer la communauté locale à leur conception, leur mise en oeuvre et leur suivi.
Cette méthode ciblant un groupe plus large, elle accroît la complexité des programmes de réintégration, mais offre également davantage de possibilités de coopérer avec d’autres acteurs locaux. Dans le cadre du programme de réintégration, il est nécessaire de maintenir des relations avec les acteurs du développement et de l’environnement qui oeuvrent dans les communautés locales, et de recenser les projets fructueux avant d’envisager d’y intégrer des personnes de retour. Dans l’idéal, cela peut aboutir à un mémorandum d’accord ou à un accord-cadre prévoyant à la fois le partage des coûts et la prise en compte des objectifs stratégiques de réintégration dans la conception initiale du programme. La participation aux projets de développement local a plus de chances d’être efficace lorsqu’un nombre élevé de migrants est intégré à de vastes projets, ce qui réduit le nombre de partenariats devant être mis en place.
Dans les contextes où ces projets font défaut ou ne sont pas conformes aux objectifs des programmes, l’organisation principalement chargée de la réintégration peut mettre en oeuvre un nouveau projet de& ;développement local. Dans de tels cas, il est très important que l’organisation recense les acteurs locaux& ;concernés et élabore le projet en ayant recours, de la conception à la mise en oeuvre, à une approche& ;participative. (Pour un exemple, voir l’étude de cas no 9 ci-après.)
& ;Étude de cas
Étude de cas 9: Initiatives communautaires de stabilisation au Niger
Le changement climatique et la désertification sont un facteur de migration et peuvent accroître les tensions parmi les populations locales à mesure que les ressources se raréfient. La restauration des terres dégradées génère un effet d'entraînement en s'attaquant aux défis environnementaux, sociaux et économiques.
C’est le cas dans la région d'Agadez au Niger, où les initiatives de stabilisation communautaire créent des opportunités d'emploi pour les habitants et les rapatriés et atténuent les conflits potentiels en fournissant aux communautés des terres arables et des points d'eau partagés.
Suite aux recommandations d'une étude de faisabilité sur la restauration des terres et l'accès à l'eau, les autorités locales ont identifié des parcelles dégradées. Deux cents hectares de terres ont été restaurés grâce à des activités de travail contre rémunération menées par plus de 150 personnes pendant la saison des pluies et 60 000 arbres ont été plantés. Plus de 100 000 captages d'eau ont été créés pour récolter et conserver l'eau de pluie et pour créer un environnement favorable aux cultures.
En coordination avec les autorités locales et les leaders communautaires, les jeunes bénéficiaires (rapatriés, jeunes à risque et anciens passeurs) résidant à Agadez ont été sélectionnés et chacun a reçu un hectare de terre.
Ces bénéficiaires ont suivi une formation au développement des compétences animée par la Direction régionale de l’agriculture et ont reçu des kits de semences et du matériel pour démarrer leurs activités. Tout au long du projet, une allocation mensuelle de 60 000 FCFA a été allouée pour faire face aux fluctuations de revenus dues à des conditions météorologiques instables.
Afin d’élargir le champ d’intervention, le site agricole est également utilisé comme centre de formation& ;pour les 500 migrants d’Afrique de l’Ouest qui transitent par le centre de l’OIM à Agadez. Ces& ;migrants acquièrent ainsi des compétences transférables avant de retourner dans leur pays.
Le bureau de l’OIM au Niger a créé un comité technique local de suivi, composé de services techniques communaux et régionaux, chargé de suivre et d’appuyer les activités sur le terrain en proposant des recommandations à l’occasion de visites sur site et d’entretiens avec les groupes cibles.
Les projets communautaires déjà existants prennent généralement la forme d'un projet de développement local pour la communauté. Ces projets visent principalement à réduire la migration irrégulière et à améliorer les conditions de vie locales, les moyens de subsistance et la fourniture de services. Si les rapatriés sont parfois bénéficiaires de projets de développement local, ils sont rarement impliqués dans la phase de conception. Les projets ne prennent généralement pas en considération les besoins spécifiques des rapatriés.
Ce type d’initiatives est moins susceptible de répondre aux besoins individuels des migrants que celles qui sont menées par les personnes de retour. Il est donc crucial que les membres du personnel chargés de la réintégration connaissent bien chaque projet ainsi que le secteur ciblé, afin de trouver pour chaque migrant un projet qui réponde à ses besoins et corresponde à ses centres d’intérêt. D’une part, établir de tels projets avec les migrants avant la phase de retour est particulièrement difficile, car il est pour cela nécessaire de bien connaître les compétences, les besoins et les centres d’intérêt des bénéficiaires, et d’avoir une idée précise du projet, de ses objectifs et des groupes ciblés. D’autre part, les projets de développement local sont particulièrement adaptés pour appuyer la réintégration socioéconomique des migrants qui reviennent dans leur pays sans bénéficier d’une aide à cet égard. Il est essentiel que le personnel chargé de la réintégration ait une connaissance approfondie du projet de développement local afin de déterminer, le cas échéant, quels migrants de retour pourraient y participer. Le tableau 3.5 ci-après présente des critères d’évaluation pertinents.
Tableau 3.5: Processus d’évaluation en vue de la participation de migrants de retour aux projets de développement local existants
Évaluation | Critère | Évaluation requise |
---|---|---|
Évaluation de la capacité du projet à appuyer la réintégration des migrants de retour | Capacité | Il arrive qu’un projet de développement local, bien que fructueux et adapté aux profils des migrants, n’ait pas la capacité nécessaire pour intégrer un nombre suffisant de personnes de retour. Lorsqu’un projet ne peut intégrer qu’un petit nombre de migrants, il faut mettre en balance l’intégration individuelle des bénéficiaires par rapport au suivi et à l’évaluation de leur réintégration, qui peuvent être coûteux. |
Emplacement | S’il n’est pas directement mis en oeuvre dans la communauté où reviennent les migrants, l’équipe chargée de la réintégration doit déterminer l’accessibilité du projet en termes de coût, de temps et de distance. | |
Durée | Il arrive qu’un projet de développement local, bien que fructueux et adapté aux profils des migrants, ne puisse pas être opérationnel pendant toute la durée nécessaire à une réintégration durable. Cela ne concerne généralement pas les projets autonomes ou rentables, mais plutôt les projets qui nécessitent beaucoup de capitaux et dépendent du financement de donateurs extérieurs. Toutefois, certains projets ont des objectifs finis (tels que le développement des infrastructures locales), ce qui réduit les activités une fois le premier objectif atteint. Il est donc essentiel que le personnel chargé de la réintégration évalue à la fois la durée prévue du projet (ainsi que ses objectifs), le modèle de financement et les cycles sous‑jacents afin d’évaluer s’il est pertinent d’y intégrer des migrants de retour. | |
Adéquation des revenus | L’organisation principalement chargée de la réintégration doit évaluer l’adéquation du revenu qu’obtiendraient les bénéficiaires s’ils participaient au projet. Dans certains cas, les « nouveaux arrivants » risquent de ne pas percevoir le même revenu que les participants initiaux : la rémunération prévue sera donc insuffisante. Certains projets visent seulement à fournir un revenu complémentaire aux membres de la communauté, et ne peuvent donc constituer la seule source de revenus des migrants. | |
Secteur(s) et activités | L’organisation principalement chargée de la réintégration doit avoir une connaissance globale du ou des secteurs visés par le projet ainsi que des diverses activités menées, afin de pouvoir orienter les migrants de retour vers les branches d’activité qui correspondent à leurs compétences, leurs besoins et leurs centres d’intérêt. Cela dépend de l’évaluation des capacités du projet, car ce dernier peut avoir une forte capacité d’absorption globale sans être en mesure de faire participer les migrants de retour à des activités spécifiques correspondant à leur profil. | |
Qualifications requises pour les activités prévues | L’organisation principalement chargée de la réintégration doit procéder à une évaluation approfondie de l’éventail des compétences requises pour les activités du projet. L’équipe du projet doit effectuer des visites sur le terrain afin de mieux comprendre les activités prévues et de savoir si elles correspondent aux compétences, besoins et centres d’intérêt des migrants et si une formation est nécessaire. | |
Égalité des sexes | Dans le cadre des projets sous-traitant à des entreprises qui emploient des migrants de retour, l’organisation principalement chargée de la réintégration doit exiger que les femmes et les hommes soient payés et traités de façon égale pour un travail de valeur égale. Au moment d’intégrer une composante réintégration à un tel projet, l’organisation responsable peut exiger que les femmes et les hommes reçoivent un salaire égal ; elle peut profiter de cette occasion pour susciter une prise de conscience des avantages de la mixité et de l’égalité des salaires dans les entreprises, et pour aborder la question du harcèlement et des sévices sexuels. | |
Critères d’admissibilité spécifiques au projet | L’organisation principalement chargée de la réintégration doit évaluer les éventuels critères d’admissibilité spécifiques à chaque projet qui peuvent avoir une incidence sur l’éligibilité des personnes de retour. | |
Évaluation de l’impact qu’a la participation des migrants sur le projet/les communautés locales | Impact social | L’organisation principalement chargée de la réintégration doit évaluer si les groupes de projet existants envisagent ou sont désireux d’intégrer des migrants de retour ou s’ils préfèrent inclure d’autres membres de la communauté. Dans les deux cas, l’organisation responsable doit sensibiliser les membres des projets existants à l’intégration des personnes de retour. |
Impact économique | L’organisation principalement chargée de la réintégration peut envisager d’allouer une partie de l’aide individuelle du bénéficiaire au projet collectif en échange de son intégration au groupe en tant que membre à part entière. L’impact économique de la participation de migrants de retour à un projet doit être évalué, en tenant compte entre autres du mécanisme de décaissement spécifique du projet. |
Après l’évaluation
Étant donné que l’organisation principalement chargée de la réintégration ne s’occupe pas de gérer les projets externes et n’a donc aucun contrôle direct sur leur conception et leur mise en oeuvre (et notamment sur leur méthodologie et leurs objectifs), le principal risque que présente le recours à ces projets est leur impact potentiellement limité sur la réintégration socioéconomique des migrants. Cependant, ce risque peut être atténué si l’on possède des informations détaillées sur le projet et son environnement ainsi que sur les besoins, centres d’intérêt et compétences personnelles des personnes de retour.
3.3.3 Activités d’appui financier au niveau communautaire
Dans la mesure du possible, l’aide à la réintégration économique au niveau communautaire doit, tout comme l’aide individuelle (voir les sections 2.4.4 et 2.4.5), s’accompagner de mesures complémentaires d’appui financier telles que : des services de conseil et des formations aux compétences financières, des programmes de microépargne, des dispositifs de placement collectifs et des programmes de prêts axés sur le groupe.
La création de groupes d’appui financier peut faciliter la réintégration, offrir un filet de sécurité supplémentaire aux personnes de retour et aux non-migrants et favoriser la création de liens sociaux. Ces groupes d’appui doivent être créés dans le but de renforcer l’utilisation productive de la capacité d’épargne, de l’accès au crédit et des envois de fonds dont bénéficient les communautés locales et les migrants de retour. Un groupe d’appui financier local peut aider ses membres de différentes manières :
-
Les dispositifs de placement collectifs : Pour les personnes de retour et les membres de la communauté ayant des capitaux disponibles, les groupes d’appui financier peuvent constituer un moyen efficace de mettre en commun ces capitaux en vue d’investissements collectifs. Les membres des groupes d’appui doivent recevoir une formation pour être en mesure de donner aux autres membres des conseils et des informations sur les possibilités d’investissement, y compris les projets productifs mis en œuvre au niveau régional par des migrants de retour et des non-migrants. Dans le cadre de certains programmes, les investissements peuvent également être complétés par les gouvernements locaux, les donateurs internationaux et d’autres tierces parties. L’organisation principalement chargée de la réintégration ou les partenaires doivent assurer la supervision, développer et renforcer les partenariats avec les entités financières et sociales et contrôler la durabilité des placements afin d’ajuster les modèles d’investissement sur la base des enseignements tirés de l’expérience et des pratiques exemplaires.
-
Les programmes de microcrédit axés sur le groupe : L’accès aux services bancaires et financiers dépend de l’éligibilité et des critères de prêt (voir la section 3.2. pour plus de détails) ainsi que des difficultés spécifiques auxquelles se heurtent les migrants de retour. Les groupes d’appui financier peuvent faciliter la création de groupes d’emprunteurs, qui permettent à des migrants de retour et des non-migrants de fournir collectivement une garantie. Les prêts collectifs sont basés sur le principe de responsabilité conjointe, ce qui incite les membres du groupe à utiliser leurs liens sociaux pour vérifier si leurs pairs remboursent le prêt et les pousser à le faire. Toutefois, dans le cas de migrants de retour, ces systèmes axés sur le groupe doivent être mis en œuvre avec précautions et seulement si l’organisation principalement chargée de la réintégration ou ses partenaires ont les capacités suffisantes pour surveiller l’utilisation et le remboursement des prêts, pour faire face aux éventuels problèmes de confiance au sein du groupe et pour aider le groupe en cas de problème de remboursement ou de défaut de paiement.
-
Les systèmes d’épargne collective et les programmes de microépargne : Les groupes d’appui financier peuvent fournir des programmes de microépargne à des groupes mixtes (migrants de retour et membres de la communauté) qui s’associent pour une période déterminée afin d’épargner et d’emprunter collectivement. L’organisation principalement chargée de la réintégration doit les aider à trouver des dispositifs d’épargne adaptés aux conditions locales et à optimiser l’utilisation des capitaux d’épargne.
-
Les groupes d’entraide : les groupes d’appui financier peuvent prendre la forme de petits groupes d’entraide, où des migrants de retour et des membres non migrants de la communauté épargnent et prêtent leurs économies aux autres membres en cas de nécessité. L’organisation principalement chargée de la réintégration doit soutenir ces groupes en leur fournissant des formations à la gestion financière et à des compétences ciblées
En plus de leur fournir un appui financier, ces groupes favorisent les liens sociaux et aident les personnes de retour à recréer un cercle social. Ces liens sociaux facilitent à leur tour les actions collectives des membres du groupe, ce qui leur permet de coordonner leurs décisions en matière d’investissement, d’épargne et de remboursement, et de coopérer dans l’intérêt commun. Toutefois, les programmes collectifs doivent être mis en œuvre avec précautions et seulement si l’organisation principalement chargée de la réintégration a les capacités suffisantes pour faire face aux risques de perte de confiance au sein du groupe, de défaut de paiement et d’endettement collectif évitable.
Dans les zones où des groupes d’appui financier sont en place, l’organisation principalement chargée de la réintégration doit se renseigner sur les formations directement fournies par ces groupes locaux en matière de conseils financiers, de planification budgétaire et de mobilisation de l’épargne (voir la section 2.4.5).